Pourquoi le Stress est-il si présent dans nos vies au point de devenir notre plus fidèle compagnon ? Que l’on soit petit ou grand, être humain ou animal, célibataire ou marié, le Stress ne nous quitte plus d’une semelle !
Beaucoup disent que c’est la maladie du XX siècle, mais beaucoup ignorent que cela existait déjà du temps de l’âge des cavernes.
La question est de savoir comment vivre avec et à défaut, nous tuerait-il à terme ? Est-il réellement « productif » comme certains professeurs ou Chefs d’Entreprise aiment à l’affirmer ? Et surtout, est-ce une fatalité inéluctable ?
Pourquoi ce livre?
Ce livre* s’inscrit dans la collection « Démêler le vrai du faux », créée par la Fondation April avec pour objectif de donner des clés à chacun pour qu’il puisse agir sur sa santé. Les premiers ouvrages traitaient respectivement de l’alimentation et du sommeil. A chaque fois, le principe est d’éclairer le sujet avec une partie « comprendre » puis de proposer des pistes d’action. Pour le stress, l’intention est la même : expliquer ce qu’il est, d’où il vient, quels sont ses effets, etc., puis fournir aux lecteurs des moyens de le combattre ou de l’utiliser.
Pourriez vous schématiquement nous expliquer comment s’enclenche le stress? Y a-t-il un bon ou un mauvais stress?
Le stress est un mécanisme physiologique qui se manifeste lorsqu’un être vivant fait face à une contrainte ou à un déséquilibre. Avec cette définition on comprend que le stress touche l’ensemble du vivant, des plantes aux grands animaux que nous sommes. Il est même essentiel à la vie, puisqu’il permet aux organismes de s’adapter à leur environnement. Chez l’homme, on peut distinguer trois phases. La première se déclenche lorsque l’individu est face à une pression forte. C’est la phase d’alarme, un mécanisme physiologique se met en place pour préparer le corps à faire face. Le corps passe en mode « réflexe », il produit de la noradrénaline qui stimule les organes (cœur, muscles, etc.). La seconde est la phase dite de résistance qui opère un contrôle de la phase d’alarme, notamment par la production de cortisol permettant de retrouver l’équilibre physiologique. Suite à ses deux premières phases qui décrivent le stress aigu, il peut y en avoir une troisième, dite d’épuisement. Celle-ci apparaît lorsque le stresseur persiste et que l’individu ne parvient pas à trouver de solution. Dans ce cas, tout s’emballe. C’est ce qu’on appelle le stress chronique qui peut avoir des effets dévastateurs sur l’organisme (trouble de l’humeur, dépression, pathologie cardiaque, etc.).
Parler de mauvais stress et de bon stress est un abus qui peut être dangereux. Il est préférable de parler de stress aigu, réaction naturelle, et de stress chronique, qui peut entraîner des pathologies.
Comment l’individu réagit-il en d’autres termes quelles sont les stratégies de coping ou de faire face ?
Pour bien comprendre le stress, il faut distinguer entre d’un côté le stresseur, qui est l’agent stressant, et, de l’autre, le stress, qui est une réaction. En situation de stress, l’individu va chercher à trouver une réponse à ce qu’il considère comme étant le stresseur. Par exemple, si une immense pile de dossiers apparaît sur mon bureau, la première réaction face à ce stresseur sera la panique, puis j’essayerai de trouver des solutions pour parvenir au bout de la pile. Je peux travailler plus vite, je peux faire appel à un collègue, je peux en parler à mon supérieur, je peux assumer que ce n’est pas si grave d’être en retard dans mon job, etc. On voit bien que plusieurs solutions sont possibles et qu’un stresseur n’est pas universel ; il dépend de l’appréciation de chacun. Il s’agit donc de bien évaluer les situations pour déterminer s’il est vraiment légitime de stresser.
La meilleure solution au stress n’est pas toujours de résoudre directement le problème qui nous est posé mais peut passer par la déconstruction des stresseurs. C’est pourquoi aujourd’hui, on parle de stress perçu. Ca ne veut en aucun cas dire qu’il s’agit d’un stress imaginaire ! Cela signifie que c’est un état qui suppose une évaluation par l’individu qui met en relation les contraintes qu’il perçoit et les moyens dont il pense disposer. Si l’individu, par exemple, doit faire face à une demande importante et qu’il ne dispose que de peu de latitude et d’un faible soutien social, on dira qu’il est en job strain, soit une situation professionnelle à risque. Mais une autre personne confrontée à la même demande et disposant de plus de liberté et de soutien pourra, elle, tout à fait gérer la situation. On voit que les stresseurs et la réaction de chacun se construit dans la confrontation de deux contraintes, des contraintes individuelles (histoire, éducation, et même génétique !) et des contraintes collectives (représentations sociales, attendus professionnels, etc.).
Statistiquement les Français sont des grands stressés? Quels sont les agents stressants ? Quelle population le stress touche-t-elle le plus ?
Les études statistiques sur le stress doivent être prises avec précaution et peuvent être assez contradictoires, car ce qui est mesuré n’est pas toujours identique. Par ailleurs, si le stress au travail est assez bien étudié et mesuré, les autres stresseurs sont moins bien pris en compte. Or le stress est souvent multifactoriel et il n’est pas aisé de faire la part de ce qui revient à tel ou tel stresseur, comme le travail, les problèmes d’argent ou de couple, l’inquiétude pour les enfants, etc. Ceci étant, selon les chiffres de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail pour l’Europe des 27, publiés en 2005, le stress toucherait 22% de travailleurs européens et serait l’un des principaux problèmes de santé au travail. Avec 18%, les Français ne s’en sortent pas si mal…
Quant à savoir quelles sont les professions les plus touchées, les études donnent des résultats surprenant loin des représentations traditionnelles qui placent le cadre supérieur tout en haut de l’échelle du stress et le fonctionnaire tout en bas ! Là encore, il est important de distinguer stress et job strain, c’est-à-dire le stress dangereux pour la santé. Il ressort de l’enquête SUMER 2003 que les cadres sont des professionnels actifs, qui disent ressentir du stress mais qui parviennent à le gérer car ils ont du soutien, de la latitude décisionnelle, etc. En revanche, toujours selon SUMER 2003, les employées administratives sont les plus nombreuses à être en situation où le stress peut présenter un problème pour leur santé.
Quels sont les tabous sur le stress mais surtout les fausses idées à corriger ?
Malgré une réglementation qui évolue, le stress reste souvent une question sensible dans l’entreprise. Quant aux idées fausses, elles sont nombreuses et c’est un des objectifs du livre que de faire l’effort de les corriger. Par exemple, l’idée que le travail est forcément stressant ou que le stress permet d’être plus efficace. Si très ponctuellement, le stress permet de mobiliser des capacités, à la longue, il produit l’effet inverse et sera délétère pour l’individu comme pour l’entreprise. Selon l’INRS, le coût du stress d’origine professionnelle serait d’environ 20 milliards d’euros par an en Europe, soit 10% environ de l’ensemble des dépenses de santé liées au travail. Autre exemple, l’idée qu’on ne peut rien faire contre le stress. Ce n’est pas vrai, on peut tout à fait agir pour le réduire. Mais l’idée inverse, selon laquelle il suffirait de le vouloir pour se libérer du stress, est tout aussi fausse. Chacun fait avec son histoire, les représentations sociales, les contraintes de la vie personnelle et professionnelle, etc. et, s’il dispose de marge de manœuvre, il ne peut pas tout et il peut être parfois nécessaire de se faire aider par un médecin.
Comment gérer son stress au quotidien ?
Au quotidien, il n’est pas certain qu’il existe une recette unique. En revanche, il existe beaucoup de « petites solutions » qui peuvent aider et chacun doit trouver celle qui lui convient le mieux. D’une façon générale, les exercices de méditation et de respiration — yoga, sophrologie, tai chi, etc. — ont un effet bénéfique car ils ont une action sur le système nerveux sympathique qui intervient dans la mécanique du stress. Le sport, également peut être une bonne solution. Parfois, il s’agit juste de se faire plaisir afin de mieux mettre à distance les stresseurs envahissants.
Burn out, épuisement nerveux, acouphènes, problèmes de sommeil on entend beaucoup ces symptômes, pourtant encore aujourd’hui, la médecine du travail tend à ne pas encore « légaliser » des déséquilibres graves comme le burn out ?
Certes le Sénat n’a pas souhaité reconnaître le burn out comme maladie professionnelle, pour autant la législation a énormément progressé depuis les années 1980. En France, le vrai tournant est l’Accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008. Il propose une vision intéressante en ce qu’il associe deux réponses face aux situations de stress : une réponse individuelle et une réponse organisationnelle. Le principe de la première est de s’attacher à la personne, allégement de la charge de travail, traitement médicamenteux ponctuel si besoin, etc. Mais l’accord pose aussi la nécessité de mettre en place des mesures collectives qui s’attachent aux facteurs organisationnels du stress. L’idée procède de la définition du stress par l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail selon laquelle : « Le stress est ressenti lorsqu’un déséquilibre est perçu entre ce qui est exigé de la personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences ». Le rôle du médecin du travail est central notamment en termes d’identification du stress au travail mais il n’est pas le seul à intervenir.
Une vie sans stress, cela existe ?
Le stress est nécessaire à la vie. Ce qu’il faudrait viser, ce n’est pas une vie sans stress mais une vie où le stress n’est pas envahissant.
* L’ouvrage est disponible gratuitement sur le site de la Fondation April : http://www.fondation-april.org/commander-publications-livres-fondation-april/sante-des-stress-et-moi