« La Bible des insuffisants rénaux » : tel est le premier qualificatif qui vient à l’esprit de Jean-Marc Charrel, de la Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux (Fnair), quand on lui parle de la quatrième édition de Vivre avec une maladie des reins. Un ouvrage « qui rassemble vraiment l’essentiel », « tout ce qu’un patient doit savoir sur la dialyse, la transplantation, etc. ».
Améliorer le dépistage
À l’origine, une idée du Pr Michel Olmer, néphrologue à Marseille qui constate, comme la plupart de ses confrères, que 30 à 35% des insuffisants rénaux arrivent en consultation au stade terminal de la maladie sans avoir jamais consulté auparavant un néphrologue. S’impose alors rapidement la mise en dialyse sans avoir le temps pour le patient de réaliser – et d’intégrer – qu’ils étaient depuis longtemps porteurs d’une maladie chronique malheureusement irréversible. C’est un choc tout aussi physique que psychologique, qui révèle du même coup une réalité : une absence très fréquente d’informations et de dépistage, et une méconnaissance de la maladie rénale. « Dramatique » et « inconcevable » pour le Pr Michel Olmer, qui explique qu’« un patient dépisté assez tôt ne passera peut-être jamais par la dialyse ». D’où l’importance d’informer.
D’abord, pour dépister de manière plus précoce ces maladies sournoises car longtemps asymptomatiques. Ensuite, et surtout, pour atténuer le choc psychologique du passage au statut de malade en faisant en sorte que ce dernier devienne acteur de sa propre prise en charge, et mène une vie familiale, sociale et professionnelle aussi « normale » que possible.
Un échange entre le médecin et son patient
Ouvrage collectif associant néphrologues, diététiciennes et psychologues, Vivre avec une maladie des reins s’est ainsi donné pour objectif d’informer les patients sur la maladie rénale, ses symptômes, les différents traitements et approches thérapeutiques, et les options envisageables au stade terminal. Car si la première édition était plus particulièrement destinée aux médecins généralistes, toutes les suivantes s’adressent directement aux patients. « J’ai voulu que cela corresponde à une espèce d’échange entre le médecin et son patient, en abordant toutes les questions que ce dernier peut se poser », explique le Pr Olmer. Des questions récurrentes dont les plus fréquentes illustrent d’ailleurs certains chapitres. Et Michel Olmer de souligner les difficultés rencontrées avec certains thèmes, notamment la diététique « car les conseils ne seront pas les mêmes selon que l’on soit dialysé, transplanté ou ni l’un ni l’autre ». Autre élément important, selon lui, évoquer les troubles sexuels, « rarement abordés par les patients car ils n’osent pas en parler mais le fait que ce soit publié a permis de libérer leur parole car ils se disent qu’ils ne sont pas les seuls concernés ».
« Les informations, on les a, mais elles sont très disparates et là, tout est rassemblé », explique, de son côté, Jean-Marc Charrel, qui voit dans cette nouvelle édition « un plus bel ouvrage, de meilleure qualité, qui présente mieux », le fait d’avoir rassemblé dans un même ouvrage les deux tomes précédents (Vivre avec une maladie des reins et La dialyse et la transplantation rénale) étant aussi « un mieux ». « Un outil indispensable pour nous qui sommes des patients experts, et un vrai plus pour les patients », renchérit-il.
Relever le défi de l’insuffisance rénale chez les personnes âgées
Reste un nouveau défi pour le Pr Olmer : enrayer autant que possible l’augmentation constante du nombre d’insuffisants rénaux chez les plus de 60 ans. Car si dans environ 15% des cas aucun diagnostic causal ne peut être retenu car le malade arrive trop tardivement, la maladie rénale a deux causes principales – l’hypertension artérielle (plus du quart des dialysés) et le diabète, en particulier de type 2 (le diabète « gras ») qui représente déjà 25% des cas de patients dialysés en France mais plus de 50% aux États-Unis où le nombre d’obèses ne cesse de croître –, elle peut aussi être héréditaire (maladie polykystique), d’origine glomérulaire dont l’origine peut être infectieuse ou immunologique, infectieuse (pyélonéphrite…) ou iatrogène. Bon nombre de médicaments étant en effet éliminés par le rein peuvent avoir un effet toxique direct sur le rein. De plus lorsque le rein est déficient, le médicament va alors s’accumuler dans l’organisme, avec tous les risques que cela comporte.
« Il faut se souvenir qu’à partir de 40 ans, explique Michel Olmer, l’individu perd environ 10% de sa fonction rénale tous les dix ans. Ce qui veut dire qu’à 80 ans, il aura perdu près de la moitié de cette fonction et ce, si aucune morbidité n’est associée. Et quand on pense aux médicaments qu’on donne aux personnes âgées, notamment les AINS au long cours, on risque sans le savoir de créer une insuffisance rénale aigue qui pourra devenir chronique par la suite. » Idem avec certains antibiotiques qui peuvent, de même, s’avérer néphrotoxiques. La population vieillissant, l’insuffisance rénale chez le sujet âgé est ainsi de plus en plus fréquente.