Elisabeth Guigou pour un humanisme politique !

  • By SLKNS
  • 7 mai 2013
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Élisabeth Guigou est une femme politique française, membre du Parti Socialiste. Elle a été Ministre plusieurs fois. Femme engagée, nous l’avons rencontrée pour évoquer avec elle sa vision d’une coopération Nord Sud plus éthique et égalitaire. Récit d’un entretien coup de cœur.

 

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Par Fériel Berraies Guigny

 

Entretien:

1/ Politicienne oui mais humaniste aussi ?!

J’essaye de faire de la politique en respectant certaines valeurs. Je ne suis pas toujours sûre d’y arriver car il faut rester modeste par rapport aux objectifs que l’on se fixe. En tout cas j’essaye de garder de la dignité dans le débat politique.

2/ de l’économie, à la haute finance, un parcours riche? Ce que je retiens dans mon parcours professionnel ce sont certains engagements qui sont fondamentaux et sur lesquels je tente de travailler encore aujourd’hui. D’abord il y a eu l’engagement européen aux côtés de Jacques Delors et François Mitterrand. Et aujourd’hui cet engagement européen dans un contexte où l’Europe est malade je ne le dissocie pas, au contraire, de la question du partenariat avec l’Afrique. Pour moi, l’Europe doit absolument se tourner vers son Sud. La rive sud de la méditerranée, c’est ce qu’il y a de plus proche mais même au delà il faut resserrer les liens avec l’Afrique subsaharienne. Dans la mondialisation d’aujourd’hui, c’est fondamental que l’Europe travaille et marque sa solidarité avec le Continent africain. C’est fondamental et c’est avant tout l’intérêt réciproque car nous avons des complémentarités qui ne sont pas suffisamment utilisées en terme démographique, ou économique. Si on travaille dans un esprit d’égalité, de parité et évidemment pas dans un esprit néocolonialiste, je pense que l’Europe peut y trouver un bénéfice en terme de croissance et d’emploi. Le Sud aurait plus de capacité de développement et notamment la maîtrise de l’eau, de la sécurité alimentaire. Nous avons des défis communs à relever, notamment celui du climat mais aussi celui des mouvements de population et du terrorisme qui frappe partout. Ces défis, on doit les affronter ensemble si nous voulons des résultats. Au delà de cela, il y a des liens historiques, et humains, une proximité géographique extrêmement forts qu’il faut absolument valoriser. Mon engagement n’est pas limité au partenariat euroafricain mais il reste très important. Mon deuxième engagement est pour la justice et l’éthique, c’est très important dans la période que nous vivons. L’exigence surtout, et la soif de justice c’est un ressort profond de la démocratie!

Aujourd’hui que nous avons cette crise qui ne fait que commencer, crise sociale, financière et économique très forte, nous savons qu’il nous faut redoubler d’effort. Alors l’exigence de justice est très importante  » on ne peut pas toujours tout demander aux mêmes et privilégier les mêmes »! Cela vaut entre Etats et entre Continents, cela ne se limite pas à la France.

Mon troisième engagement est pour essayer de concentrer le débat politique sur de vrais sujets et pas sur des considérations anecdotiques et des effets d’annonce qui sont oubliés dès le lendemain. Une façon de faire de la politique qui traite des vrais problèmes des gens et auxquels on essaye d’ apporter une solution. il faut éviter les tourbillons médiatiques

3/ Parlez nous du lobby Femmes d’Europe, féminisme des affaires ? j’ai toujours pensé que beaucoup de sujets pouvaient être éclairés par les femmes. J’ai d’ailleurs beaucoup travaillé avec Simone Veil. Nous avons créé ensemble une association pour venir en aide aux femmes et aux enfants qui étaient victimes de la guerre en Bosnie. Je considère comme essentielles, les actions et les réflexions menées par les associations de femmes. Les femmes sont toujours victimes quelle que soit la situation. Même dans les pays privilégiés comme la France, les femmes sont toujours victimes, ce sont elles qui souffrent le plus du chômage, de la précarité, de la pauvreté.

4/ Après une carrière multiple et diversifiée dont une remarquable auprès de la justice, vous êtes aujourd’hui élue d’une circonscription de Seine Saint Denis, quelles sont les préoccupations les plus présentes dans ce district? C’est d’abord la question de l’emploi, de l’éducation. De l’éducation en premier lieu, car cela touche les populations les plus pauvres de France. Il y a une réelle crainte en ce sens, que les enfants de ces zones défavorisées n’aient pas les mêmes chances et le même accès à la réussite que les autres. L’enjeu est donc très important pour l’égalité des chances. Deuxième enjeu très important, le secteur de la santé. Ce qu’il faut savoir c’est que l’accès à des produits sains pour l’alimentation est discriminant puisqu’ils sont plus chers que les autres. L’enjeu du logement vient en troisième place: il n’y a pas assez de logements sociaux. Il y a énormément de gens qui n’ont pas de logement social, qui n’ont pas les moyens de louer dans le privé, vue la spéculation. Education, logement, emploi sont les trois défis. Dans certains quartiers, 50% des jeunes sont au chômage et c’est un scandale absolu; Le plus aberrant c’est que beaucoup d’entreprises dans ces zones là importent leurs salariés, elles ne font pas assez d’efforts pour faire travailler ou former des jeunes de Seine Saint Denis. Il y au aussi les questions de discrimination qui sont de plusieurs ordres: elles peuvent être racistes, à cause de l’adresse ou parce qu’’on porte un nom à consonance étrangère ou parce que la couleur de peau ne convient pas. Tous ces éléments sont des handicaps lors de la recherche d’emploi. La discrimination est réelle mais elle est cachée, car elle est est réprimé par la loi. Puis il y a aussi la problématique des femmes, chef de famille monoparentale. Elles sont seules pour élever les enfants, quand elles ont du travail, c’est un travail à temps partiel subi. Elles cumulent tous les problèmes, elles partent très tôt le matin faire des ménages à Paris et donc n’ont plus le temps de suivre leurs enfants. Dans nos villes les jeunes filles sont discriminées par rapport aux garçons, elles subissent des pressions, moi je suis attentive à tout cela!

4/ La cause des femmes vous touche, celles du Sud aussi?

d’abord la priorité absolue reste toujours l’éducation et la formation professionnelle. Tant que les femmes ne seront pas aussi nombreuses que les hommes à accéder au savoir elles seront maintenues dans un état de dépendance et d’infériorité. Mais il faut dire aussi que s’agissant d’un pays comme la France, s’agissant en théorie de l’accès à l’éducation pour la femme et l’enfant, il n’y a pas de discrimination mais malgré cette égalité, il reste que les femmes ont un salaire moindre de 20%

Cela reste une bataille recommencée pour la femme au pluriel. Il faut s’atteler par ailleurs à une véritable protection des femmes enceintes et mères de famille. Plus on développe un service public de la petite enfance, plus la femme sera protégée, plus elle pourra avoir une carrière professionnelle avec des perspectives d’évolution.

La Mondialisation aujourd’hui votre verdict? il y a des solidarités régionales au delà de tous les conflits, notamment entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. C’est la même chose pour l’ Asie. A nous de construire nos solidarités pour faire face aux défis de la globalisation. Il ne s’agit pas de nier la mondialisation, il faut savoir la réguler afin de pouvoir limiter les inégalités.

5/ La volonté de mise en place d’un modèle universel de démocratie n’est elle pas un moyen d’attirer les pays pauvres vers l’économie de marché et donc de les livrer en pâture aux grandes multinationales en faisant fi de leurs us et coutumes et surtout de leur culture ? Il n’y a pas un seul modèle de démocratie. La démocratie est une exigence pour tous: c’est des droits et des libertés pour les personnes humaines, c’est aussi l’exigence de droits sociaux. La démocratie est multiple en fonction des cultures. Ce qui parait fondamental, c’est qu’il existe partout un état de droit qui soit connu et stable. A chacun de l’adapter selon la culture et la religion, l’important c’est qu’il existe.

6/ Concernant l’évolution du Monde, quels sont vos craintes et vos espoirs ? Quelles sont les priorités à mettre en œuvre pour léguer un monde meilleur à nos enfants ? On a un défi majeur: la sécurité alimentaire, d’ici trente ans nous serons neuf milliards d’êtres humains ; on ne pourra pas nourrir tout le monde sur la planète, c’est un défi qui va s’accentuer avec le temps. Le défi climatique va empirer la donne, avec la désertification de certaines régions du monde. Cela nous concerne tous, notre planète est finie et si l’on ne fait que transposer le modèle américain il nous faudrait plusieurs planètes! Pour le bien de l’humanité nous devons être solidaires, il nous faut un partenariat euro-méditerranéen et euroafricain. Je plaide pour encore et toujours pour une relation et un échange équitable!

Bio Expresse : personnalité politique féminine préférée des français

Élisabeth Guigou est une femme politique française, membre du Parti Socialiste.

Députée de Seine-Saint-Denis, ancienne ministre, Elisabeth Guigou est issue de la promotion ‘Simone Weil’ de l’ENA. Elle s’engage dans la politique dans les années soixante à la Convention des institutions républicaines, puis au sein du PSU et du PS. Elle fait ses débuts dans le cabinet de Jacques Delors en 1982, puis rejoint celui de François Mitterrand à l’Elysée. Nommée secrétaire générale du comité interministériel, elle est en charge des questions économiques européennes, puis de l’Europe centrale et orientale. Ministre déléguée aux Affaires européennes de 1990 à 1993, elle intègre le Parlement européen en 1994. Elue députée du Vaucluse en 1997, elle devient Garde des Sceaux puis ministre des Affaires sociales dans le Gouvernement Jospin. Elle est élue députée de Seine-Saint-Denis en 2002. Elisabeth Guigou est la présidente avec Jean-Noël Jeanneney d’Europartenaires, dont elle est également la créatrice.

 Née à Marrakech, elle commence sa carrière politique en 1960 à la Convention des institutions républicaines, puis au PSU de Michel Rocard dans les années 1970. C’est en 1973 qu’elle intègre le PS. Issue de la promotion « Simone Weil » de l’ENA, elle entre au cabinet de Jacques Delors en 1982 avant de rejoindre le cabinet de François Mitterrand. Elle est alors chargée des questions économiques et financières internationales. En 1986, outre ses fonctions à la Présidence de la République, elle est nommée secrétaire générale du comité interministériel pour les questions économiques européennes. En 1988 elle est chargée par le Président de la République de la coordination de la politique de la France à l’égard des pays de l’Est. Ministre déléguée aux Affaires européennes en 1993 en remplacement d’Edith Cresson, elle est encouragée par François Mitterrand pour s’engager dans la campagne des régionales de 1992 en Provence Alpes Côte d’Azur où elle conduit la liste dans le département de Vaucluse. Puis vient la campagne des européennes en 1994, lors de laquelle elle est élue au Parlement européen. Elle devient Présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen et entre au Conseil national et au Bureau national du PS. Elle représente le Parlement européen à la Conférence intergouvernementale qui négocie le traité d’Amsterdam. En 1996, elle intègre le Secrétariat national du PS, où elle est chargée des questions sociales par Lionel Jospin 1er secrétaire. En 1997, elle est nommée Garde des Sceaux puis en octobre 2000, ministre de l’Emploi et de la Solidarité dans le Gouvernement Lionel Jospin. Au Ministère de la Justice, elle affirme : « Le ministère de la Justice n’est plus celui des affaires, mais celui du droit ». Elle refuse d’intervenir dans les dossiers judiciaires individuels tout en conduisant une politique pénale autour de quelques grandes priorités : associer prévention-sanction-réinsertion contre la délinquance, respecter la présomption d’innocence, diminuer la surpopulation pénitentiaire et rénover les prisons, organiser le suivi social et judiciaire des délinquants sexuels. Elle se bat contre la double peine et pour une meilleure indépendance de la Justice. À ce poste, elle défend aussi la parité en politique et fait réformer la Constitution en ce sens. Elle fait adopter le PACS et un divorce plus rapide. Elle fait aussi prévaloir les droits des jeunes issus de l’immigration mais nés en France, de devenir français automatiquement et se bat pour le droit de vote des étrangers non européens aux élections locales. Elle fait adopter une loi contre la corruption, et avec Dominique Strauss Kahn, la première liste des paradis fiscaux. En 2002, elle est élue députée de la neuvième circonscription de Seine St Denis. Elle est réélue en 2007. Elle est Présidente fondatrice et co-présidente de l’association Europartenaires, son propre cercle patronal, et son lobby féministe Femmes d’Europe.

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