Le 1er juillet dernier, les écoles de management hôtelier Glion et Les Roches ont organisé un déjeuner de presse sur les femmes dans l’industrie hôtelière. Avec le développement économique des pays émergents, l’industrie hôtelière du luxe est en pleine croissance. Mais les femmes sont encore très peu présentes à des postes à responsabilités dans ce secteur. Selon le Syndicat National des Agents de Voyage, 30% d’hommes sont présents dans la catégorie sociale «cadres et chefs d’entreprises salariés», contre seulement 13% de femmes. Et sur 100 entreprises de l’univers du tourisme, on retrouve le taux national de 7 à 10% de femmes dans les instances dirigeantes (Palmarès financier, Écho touristique, 2014). Fabienne ROLLANDIN, Directrice des relations avec l’industrie, des carrières et des anciens – Ancienne de Glion Institut de Hautes Etudes, et Elsa BISCAUT, Directrice de l’hôtel Mon Hôtel – Ancienne des Roches International School Of Hotel Management, ont ainsi partagé leur expérience de l’industrie et les enjeux inhérents.
Elsa Biscaut
Entretien avec UFFP
Elsa a été la plus jeune directrice d’un hôtel 4 étoiles en prenant la direction du Hidden Hotel à 25 ans. Elle dirige aujourd’hui l’hôtel Mon Hôtel, 4 étoiles à Paris. Elle a également été récompensée en 2010 par la Médaille d’Argent de la carrière la plus brillante au Worldwide Hospitality Awards. Au-delà de sa carrière exemplaire, Elsa a un parcours de vie passionnant. D’origine mexicaine, son rêve était de travailler à Paris. Elle a commencé dans la capitale sans parler le français qu’elle a appris en 3 mois dans le métro en étudiant le bescherelle. Un bel exemple de vocation réussie!
-L’Hôtellerie de luxe, une évidence pour vous ?
L’hôtellerie a toujours été une évidence pour moi. Ce corps de métier me fascine depuis mes 5 ans !
Lorsque j’étais enfant, l’hôtellerie m’inspirait déjà beaucoup et a même donné lieu à des expériences farfelues. Lorsque ma famille étrangère nous rendait visite en France, je transformais la maison familiale en hôtel, collant des post-its sur les portes portant l’intitulé « suite#3 ». En hôtesse 4*, j’apportais le plateau petit déjeuner sur le lit de nos hôtes avec une petite fleur et bien entendu un mot de la « direction », les serviettes pliées comme à l’hôtel et ma collection de shampooings, de bain moussant, et de bougies, ainsi qu’un menu massages fait par moi-même… Ce bonheur de rendre service et la curiosité de chercher de nouvelles manières de surprendre ne m’ont jamais quittés, c’est pourquoi j’ai décidé d’en faire mon métier en intégrant Les Roches International School of Hotel Management, dont je suis sortie médaillée d’argent de ma promotion. C’est grâce à l’excellence de ma formation aux Roches que je peux aujourd’hui exercer le métier de mes rêves.
-Quels sont vos challenges au quotidien ?
Mon plus grand challenge est d’allier vie professionnelle et vie privée. Elever un enfant en bas âge et assumer parallèlement les grosse responsabilités d’un hôtel 4 Etoiles constitue un challenge quotidien. Ma nationalité étrangère et mon statut de femme n’ont pas non plus toujours joué en ma faveur dans ce milieu assez masculin. Mon âge (30 ans) peut aussi être perçu comme un frein en terme de crédibilité et ce malgré mon expérience de 12 ans dans ce métier. De ce fait il faut être méthodique, organisée, et flexible. Garder le sourire en toute circonstance et savoir donner l’exemple au quotidien constitue également un challenge de taille. Cela demande en remise en question permanente, la construction d’une bonne cohésion d’équipe pour mettre en œuvre ses idées avec le soutien de ses équipes.
-Etre femme Manager dans ce milieu qui est hautement compétitif et masculin ? Comment faire la différence ?
Le marché hôtelier est sans cesse soumis au changement ! Les évolutions doivent être appréhendées et accueillies avec beaucoup de flexibilité et d’ouverture d’esprit… Refuser le changement c’est renoncer à l’excellence.
Un certain nombre de femmes sont Manager de nos jours et les tabous notamment liés à la maternité s’amoindrissent. La clientèle féminine qui est en plein essor cherche à être comprise, considérée, reconnue ! La douceur et la sensibilité des femmes est une qualité très recherchée en hôtellerie, et ce notamment dans la relation clientèle. La relation de confiance est également plus développée vis-à-vis d’une femme. Mon équipe se livre très facilement à moi. Etre Manager c’est savoir accompagner son personnel dans le travail, mais aussi dans la vie personnelle qui a forcément un impact sur le travail. Nous sommes amenés à être de plus en plus polyvalents et de moins en moins dans le stéréotype d’un manager aux taches principalement administratives…Aujourd’hui les femmes ont su se faire une place et mettre en avant leurs atouts d’altruisme, d’écoute, et de sens du détail. Aujourd’hui je perçois ma qualité de femme comme une force, certainement pas comme une faiblesse !
-Pourtant ce sont les femmes qui sont les clientes les plus exigeantes ? Celles qui choisissent les vacances, etc est ce à dire qu’une femme manager aurait plus de compréhension « des besoins de la clientèle » ?
En effet je pense qu’une femme est bien placée pour se mettre dans la peu de sa clientèle féminine, pour trouver les mots qui vont les toucher, les photos qui vont les séduire, et l’atmosphère qui saura les combler. Le niveau d’exigences de nos clients est à la hausse et il est primordial de répondre aux attentes de tous. Les femmes sont exigeantes avec les autres, mais également avec elles même, et cela est dû à la polyvalence qui leur est demandée… Mère, Business woman, épouse, femme d’intérieur, elles ont peu de temps et le souhait d’être soulagées et d’optimiser leur temps de repos qui s’avère souvent très maigre.. ! Travailler toute l’année pour mériter quelques jours ou semaines de répit, à juste titre, les attentes sont hautes pour passer un séjour sans faute! De ce fait nous mettons tout en œuvre, sachant justement l’importance de souffler, pour que le séjour soit inoubliable et qu’elles soient ressourcées.
-Vos ambitions pour le futur ? quand on a une famille, ces carrières ne sont elles pas contraignantes?
Je n’ai pas hésité à profiter de ma jeunesse pour fonder une famille, tout en connaissant les enjeux d’une telle décision. Choisir entre carrière et vie de famille est très difficile… élever son enfant à plein temps et suspendre sa carrière ou maintenir son activité tout en essayant de jongler entre les deux. La maternité m’a offert un nouveau regard sur la vie, et sur la compréhension d’autrui. Si c’était à refaire, je ne changerais absolument rien. Aujourd’hui je pense qu’on a la possibilité d’avoir plusieurs vies en une vie, et nos carrières doivent être un choix, pas une conséquence. Si je gagnais au loto évidemment je n’hésiterai pas à ouvrir mon propre hôtel entièrement façonné à ma sauce. En attendant je suis mon chemin dont l’aboutissement ultime est le bonheur en exerçant ce métier passionnant, qui en soi est une chance formidable que même les personnes aux carrières les plus abouties n’ont pas toujours.
-Quels conseils pour les jeunes filles qui veulent embrasser ces filières ?
Je pense que les générations à venir sont mieux disposées à accueillir des femmes managers en hôtellerie et tourisme. Nous nous sommes déjà bien imposées dans le métier, et je pense que les jeunes femmes dynamiques, enthousiastes et passionnées ont un avenir radieux devant elles et nous n’hésiterons pas à rendre la chance que l’on nous a donnée dans le passée. Il suffit d’être persévérante, ne pas baisser les bras, et de cultiver la bienveillance… Courage les filles !
Bravo Elsa 🙂