L’Association Internationale des Droits de l’Homme a été créée en Haute-Savoie près de Genève en 1998. Ses objectifs essentiels sont l’Education, l’Information et la Sensibilisation aux Droits de l’Homme.
Ces Droits sont de valeur universelle et personne ne saurait y déroger. Une ferme conviction que la franco-Camerounaise, Françoise TRAVERSO née GUENA, porte en elle depuis des décennies. Françoise Traverso est Juriste en Droit Privé, spécialisée en Droits de l’Homme. Présidente Fondatrice de l’Association Internationale des Droits de l’Homme –A.I.D.H depuis 1998, elle se bat depuis des années pour la défense des femmes et des minorités dans le Monde.
UFFP qui la suit régulièrement ,vous la raconte in aparthé, suite au dernier colloque que vient de lancer son Association sur la thématique de la Centrafrique.
Françoise Traverso, Présidente de l’AIDH
Entretien avec UFFP :
1.- Parlez-nous de votre dernier colloque? La thématique de la Centrafrique, pourquoi ce pays quand on songe à l’embrasement de toute la région du sahel et du Maghreb suite au printemps arabe?
Le colloque que nous venons d’organiser sur la crise en République Centrafricaine, le 31 Mai dernier à l’Université-Paris-Dauphine, a permis de comprendre les réalités et les enjeux de cette tragédie humaine. Avec nos partenaires, CIERCA (Centre International des Etudes et de Recherches des Conflits Armés) et RH2 (Ressources Humaines et Humanitaires), l’A.I.D.H (Association Internationale des Droits de l’Homme) que j’ai l’honneur de présider, a mis en lumière sans complaisance, les enjeux nationaux, régionaux et internationaux que soulève cette crise.
Des intervenants de qualité ont analysé la société centrafricaine dans sa globalité, ses composantes, son histoire depuis le 15ème siècle jusqu’au divisions actuelles. Nous avons pointé le doigt sur le rôle très négatif de la classe politique centrafricaine dans son ensemble sans oublier le désastre que constitue encore de nos jours, la mainmise de la puissance coloniale française dans cette partie du monde. A travers le média sphère, le drame centrafricain ne cesse de nous hanter. D’où la décision de l’A.I.D.H d’organiser cette journée sur la crise en Centrafrique. Il était important d’écouter les Centrafricains de l’extérieur,comme ceux de l’intérieur et aussi, permettre à un regard extérieur critique d’appréhender et de comprendre les méandres de ce drame humain qui se joue face au monde.
La présence de Madame la Ministre de l’Education Nationale et de l’Enseignement Supérieur, Gisèle BEDAN, représentante officielle de la Présidente de la république, Madame Catherine SAMBA-PANZA,aura permis de comprendre la situation réelle dans laquelle vit le peuple Centrafricain et les difficultés du Gouvernement à résoudre rapidement cette crise.
Cette rencontre est une réussite car, elle aura permis de rassembler les premiers concernés en permettant des échanges passionnés et apaisés entre les participants. Ne nous trompons pas, la solution de sortie de crise est à notre sens centrafricaine tout d’abord, avec l’aide et l’assistance objective de la communauté internationale. Pour l’A.I.D.H, il s’agit d’une étape importante, d’autres suivront sans doute avec la seule perspective : réconcilier ce peuple qui se meurt.
Pourquoi la Centrafrique et pas un autre pays du continent ? Il est clair que l’A.I.D.H est plus que préoccupée également par ce qui se passe partout ailleurs et notamment dans les pays du Maghreb depuis les révoltes du Printemps Arabe.Un immense espoir de liberté, de démocratie est né lors de ces révoltes et les femmes étaient en première ligne notamment en Tunisie. Aujourd’hui, c’est la déception qui règne dans la plus part de ces pays. La démocratie promise n’est pas au rendez-vous, ces pays connaissent plutôt une régression sur le plan des Droits de l’Homme. Je le déplore.
2.- Si vous aviez à faire le bilan de toutes vos activités et initiatives, vos défis vos lenteurs?
Il est trop tôt pour faire le bilan de toutes nos activités et initiatives. Ceci étant, malgré nos maigres moyens, je suis satisfaite de ce qui a été accompli jusqu’ici même si je reconnais qu’on peut toujours faire mieux.
Les défis de l’A.I.D.H ? Voire la situation des femmes s’améliorer de par le monde reste une préoccupation permanente. A travers l’éducation, les femmes peuventacquérir des connaissances, une prise de conscience permettant une remise en question de leur quotidien dans toutes les sphères de vie à savoir : familiale, sociale, publique voire politique.
Autres défis pour l’A.I.D.H ? Conscientiser le genre humain afin qu’il comprenne que la déshumanisation de l’homme est une tragédie pour toute l’humanité et pas seulement pour les pays pauvres à l’instar de la Centrafrique. Voire des individus égorger d’autres comme du bétail sous prétexte que l’on est d’une autre race, d’une autre religion est inacceptable, incompréhensible et révoltant. La personne humaine est inviolable, je m’insurgerai toujours face à de telles atrocités. Rien ne peut et ne doit justifier de tels comportements de la part des Hommes.
Quant aux lenteurs, il est incontestable que le défaut de moyens financiers ne permet pas d’aller aussi vite que nous le souhaiterions. Changer la société, porter des causes nobles nécessitent de l’argent, beaucoup d’argent que n’ont pas généralement les Associations qui portent les causes humaines hélas ! Cette situation explique la lenteur de la mise en place de certaines de nos actions. Nous faisons appel à tous les financements pour soutenir nos actions.
3.- Qu’est-ce qui pousse Françoise Traverso à s’acharner sur la défense de thématiques malheureusement endémiques ?
Tout simplement l’amour de l’Homme. Pourquoi changer de thématique alors que la condition de l’humain reste précaire tant dans nos sociétés qu’au sein de nos familles ? L’individu reste le centre de mes préoccupations, changer de thématique voudrait dire que l’Homme a retrouvé toute la place qu’elle mérite dans toutes les sphères de vie. Œuvrer au respect de la dignité humaine, au respect de la vie tout simplement sont là des préoccupations permanentes pour l’humaniste que je suis. Je rêve d’un monde plus juste, égalitaire, d’un monde de paix dans lequel, les peuples vivront en toute harmonie et solidairement. Certains diront que c’est de l’utopie mais je reste convaincue que cela est possible.
4.- Si vous aviez à faire un tour d’horizon de la situation des femmes? Des chiffes, des constats?
J’écoutais une interview de Madame Hillary Clinton (Ancienne Secrétaire d’Etat américain…) il y a de cela quelques jours, elle parlait de la situation des femmes et notamment des femmes Américaines. Elle faisait ce constat amer : « la société américaine est majoritairement composée de femmes à 53 %,malheureusement, très peu sont représentées au Congrès, dans les grandes entreprises et aucune femme n’a jamais eu l’honneur d’être présidente ! Ce serait bien si le changement se produisait… »
Dans le monde, nous avons actuellement neuf femmes Présidentes (au Brésil, en Argentine, en Lituanie, en Inde, au Libéria, en Corée du Sud, en Centrafrique, au Kosovo et Chili), même si leur rôle, parfois, se limite à de la représentation, comme en Inde.
Nous voyons bien que les femmes atteignent à peine 5% de la représentation des chefs d’Etat de la planète.Nous avons également quelques rares femmes chefs de gouvernement (en Allemagne, au Mali, à Trinité-et-Tobago et en Slovaquie), elles jouent un rôle primordial dans leur pays.
Pour ce qui est de la France, nous avons depuis deux ans environs, des Gouvernements plutôt paritaires, j’applaudis l’initiative. Les Gouvernements des pays nordiques atteignent pratiquement la parité ainsi que dans toutes les instances représentatives de la société. La Tunisie ne compte qu’une femme Ministre et deux Secrétaires d’Etat.
En revanche, un petit tour desparlements européens nous montre que la France compte moins de 30% de parlementaires femmes.Environ 33 % en Allemagne, 22,3 % Royaume-Uni,Grèce 19 %…. Les pays Nordiques détiennent la palme d’or avec la Suède à près de 45%, Danemark environ 40%, environ…(Observatoire des inégalités).
Quelques exemples des pays du monde : Algérie un peu plus de 31%, Cameroun15 % environ, Sénégal près de 25%, la Chine 23% environ, le Rwanda plus de 56%, Cuba plus de 45 %. Très peu de pays atteignent la tranche des 40-50 % de femmes élues dans les parlements mondiaux*. Seuls neuf pays dépassent les 40 % selon l’Union interparlementaire (données arrêtées au 31 mai 2012). Le Rwanda, se démarque en comptant plus de 50 % de femmes élues (56,3 %).Il reste encore quelques pays, comme l’Arabie Saoudite, où aucune femme n’est élue.
Il n’existe pas toujours une corrélation entre le taux de représentation parlementaire et la situation des femmes au quotidien. Par exemple, il y a quasiment le même pourcentage de femmes au parlement au Soudan (24,6 %) qu’en France (près de 27 %). La condition féminine est pourtant fort différente entre ces deux pays.
En France, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir et même sous le président Sarkozy, les femmes occupaient déjà des ministères régaliens à l’instar des ministères de la Défense et de la Justice. La part des femmes dans des conseils d’administration reste problématique bien que les différents Gouvernements aient pris des mesures pour atteindre environ 40% d’ici à 2017. Des entreprises du CAC 40 ont atteint au 1er juin 2014, 30,3%, soit + 2 points en un an, selon les relevés du cabinet Ethics&Boards.
La situation des femmes évolue lentement mais surement de par le monde.
5.- Dans le Nord, la crise économique fait rage, amenant la montée d’extrémisme, et on le voit bien en politique par rapport à certaines dérives, qu’auriez-vous envie de dire?
La montée des extrémismes et de certaines dérives est liée à la crise économique et sociale, directement due aux inconséquences des dirigeants des pays du Nord. Ils n’ont pas su organiser la transition vers un monde de partage des richesses naturelles qui reste encore à réaliser. C’est bien évidemment le cas en Afrique ou depuis des siècles, ce continent n’a cessé d’être pillé, d’abordsa culture, puis ses richesses du sol et sous-sol et enfin ses plus brillants éléments.
Il n’y aura pas de solution à la crise tant que ce pillage perdurera et tant qu’aucune volonté politique des pays dominants du Nord n’instaurerapar exemple l’implantation en Afrique, d’industrie de transformation tant pour les produits de l’agriculture que pour les produits du sous-sol.
Tout reste à faire pour ce continent afin que les peuples connaissent eux aussi, une prospérité leur assurant tout d’abord un développement autre que l’exportation systématique des matières premières et sans contrepartie avec création sur place de valeur ajoutée. En premier lieu, il faudrait réexaminer les contrats existants très favorables au pays du Nord (l’OPEP a su le faire en multipliant par 10 le prix du pétrole…). Si rien n’est fait, la misère africaine, l’extrémisme de certains pays continuera à prospérer et à s’exporter.
6.- Les Droits de l’Homme dans l’absolu sont un idéal, vous dites que vous croyez dans l’homme bien qu’il soit le pire et le meilleur?
Je pense que l’homme est bon par nature. Les Droits de l’Homme sont pour moi un idéal dans la mesure où toutes les actions positives de l’Homme doivent concourir au bien-être de celui-ci.
Au IV siècle avant notre ère, Protagoras,philosophe Grec soulignait déjà que l’homme devait être au centre de toutes nos actions et j’y souscris complètement. Certes, il m’arrive quelques fois d’avoir des doutes sur cet idéal absolu. Certains actes commis par le genre humain me poussent quelques rares fois à douter de cette humanité mais, rassurez-vous, je me reprends immédiatement car, je n’en ai pas le droit, baisser ma garde, ce serait accepter l’inacceptable. Je reste convaincu que l’Homme est bon, malheureusement, son environnement le conditionne et le transforme en le déshumanisant quelque fois. C’est ce que nous assistons aujourd’hui en Centrafrique et pas seulement.
7.- Pourtant, vous comme moi savez ce que les politiques sont menées par des hommes et les choses ne vont pas changer, d’un coup de baguette magique…
Nous devons nous armer de patience et faire comprendre aux dirigeants de cette planète que les choses doivent changer. Les politiques doivent savoir qu’ils sont là pour les peuples qui les ont désignés pour autant qu’il existe une démocratie. Les Droits de l’Homme s’adressent aussi bien aux dirigeants politiques qu’aux populations civiles. Ils sont garantis par ceux qui dirigent. La prise en compte des inégalités sociales, la justice, le règne de la loi, le partage des richesses du pays pour toutes les composantes nationales, la promotion des individus à compétence égale sans aucune discrimination ethnique, religieuse, de race ou d’origine sociale. Voilà les ingrédients dont les politiques doivent se servir pour changer les choses. Il faut des Hommes providentiels et je suis convaincue, ce changement radical devient une exigence pour toutes les sociétés, il est possible.
8.- La Société civile est importante, l’Associatif aussi, pourtant nous peinons à mener nos combats? Faut-il changer de valeurs?
Il n’est pas question de changer de valeurs malgré les difficultés rencontrées. La société civile, l’associatif sont des contres pouvoirs pour les « démocraties ». Il est indispensable de donner des moyens aux associations pour qu’elles vivent et se développent autrement au lieu de les maintenir sous une forme archaïque de la loi de 1901. Les combats que nous menons sont des combats justes, ils mènent à n’en point douter à la prise en compte du moi en famille et en société, et contribuent en cela à la cohésion sociale, à un mieux vivre ensemble au sein de la communauté humaine.
9.- Qu’auriez-vous envie de dire aux Femmes, qu’elles soient victimes ou combattives?
Je dis aux femmes, à toutes les femmes d’être fières de ce qu’elles sont et de se battre en permanence pour acquérir, améliorer la place qui leur est due tant au sein de la famille que dans la société.
Quel que soit leur positionnement social ou /et familial, il arrive un moment ou à un autre, de se sentir désabusée, marginalisée du simple fait de sa condition de femme. La femme ne doit en aucune façon se sentir moins valorisée. Egaux dans l’altérité, l’homme et la femme sont ces deux êtres-partenaires censés conduire et la famille, et les affaires du monde en toute complémentarité. A toutes ces femmes qui doutent d’elles, croyez-en en vous, à vos capacités intrinsèques de femme pour occuper tel poste, présider telle grande entreprise ou simplement la destinée d’une Nation. Vous pouvez aussi faire le choix de vous occuper de vous-même et de votre famille. Ce qui compte c’est d’avoir la possibilité de choisir(…) sans que rien ne vous soit imposé et ce en accord avec vous-même.
10.- Vous avez assisté au dernier défilé UFFP à la Fairpride de Paris, preuve que la solidarité peut soulever des montagnes et la compétence aussi, mais cela suffit-il?
Le magnifique défilé organisé à la Fairpride de Paris par la Présidente de l’UFFP, Fériel Berraies Guigny, a été une réussite indéniable. Comme vous le dites si bien, l’A.I.D.H s’est rendue à cet événement non seulement pour soutenir l’action d’une consœur et amie, mais également pour admirer le beau spectacle qui a précédé le défilé.
Il est évident que beaucoup de femmes engagées ont des compétences qu’elles mettent au service des causes justes et nobles malheureusement, cela ne suffit pas toujours. En effet, ce qui nous manque, c’est le soutien financier. Comment voulez-vous mener des actions de manière efficace, si vous n’avez pas de moyens vous permettant de les financer ? Pourtant les besoins sont répertoriés et la demande existe. L’Etat, les Institutionnels, les collectivités…doivent alléger les procédures d’aides au financement et aux subventions permettant aux Associations de mener à bien leurs missions, nonobstant leurs tailles. L’on a tendance à oublier que ce sont les petites Associations qui sont au contact quotidien des personnes en détresse et en mal de vivre.
11.- En conclusion, quelles sont vos prochaines initiatives à venir, qu’auriez-vous envie de dire aux Français et aux africains du Monde?
Les actions futures de l’A.I.D.H du moins pour l’année en cours sont principalement la préparation de la Deuxième Edition du Gala de Charité prévue au mois d’Octobre à Paris, en vue de soutenir l’autonomisation économique des femmes. Une conférence sur la problématique des violences faites aux femmes, en partenariat avec le Ministère des Droits des femmes et de la Famille du Cameroun, est envisagée pour le mois de Novembre à Yaoundé-Cameroun. Bien évidemment, nous envisageons une suite au colloque sur la crise en RCA.
Aux Français, je leur dis d’être tolérants envers l’étranger car, nous sommes le pays des droits de l’Homme bien qu’il ne faille pas accueillir toute « la misère du monde ». Ceux qui foulent le sol français ne viennent pas forcément de gaîeté de cœur.
Je suis consternée par les milliers de cadavres qui échouent sur les côtes européennes… ; ces malheureux sont simplement enquête d’un mieux vivre qu’ils ne trouvent pas chez eux ; est-ce pour autant un crime que de rechercher le bonheur ?
La France, les anciennes puissances coloniales, l’Amérique et ses guerres… ont une dette immense envers les pays du sud. Seul le développement de ces pays arrêtera les flux migratoires. La France doit faire en sorte que les Français d’origine étrangère soient reconnus pour leurs compétences en occupant des postes qualifiés tant du secteur privé que du secteur public. Sans doute une loi serait nécessaire, afin qu’émergent ces Français venus d’ailleurs. J’ai regretté l’absencemalheureuse de l’Afrique lors des commémorations du 6 Juin dernieralors qu’elle avait répondu présente lors de la libération de la France, un oubli honteux !
Aux Africains du monde, je vous prie d’être solidaires, l’Afrique d’abord, les diasporas ensuite. Votre continent si riche et si pauvre à la fois, a besoin de l’expertise de ses enfants. Mutualisez vos énergies pour le développement de ce continent émergent.
Aux dirigeants actuels, les intérêts de vos peuples, leur bien être doivent dicter vos comportements. Repensez les accords passés avec les anciennes puissances coloniales, au péril de vos vies pour les plus courageux.
Aux anciennes puissances dont la France, comment voulez-vous que ces « Etats» se développent s’ils n’ont pas la maitrise de leurs économies ? De leur organisation structurelle ? Du choix de leurs dirigeants avec des coups d’états à répétitions à l’instar de la Centrafrique ?Si rien ne change, les Africains ne sortiront jamais de cette misère endémique.
Françoise TRAVERSO
Présidente Fondatrice de l’A.I.D.H