Graca Machel est aujourd’hui, l’une des personnalités les plus emblématiques du continent Africain. Veuve du Président mozambicain Samora Machel, épouse de Nelson Mandela, sa voix a servi de porte drapeau en faveur des victimes de la guerre, femmes ou enfants réunis. Son engagement sans failles pour la cause des plus démunis lui a valu de nombreuses récompenses internationales. Elle est aujourd’hui Fondatrice de la Fondation du Développement de la Communauté, Réseau New Faces New Voices.
Graca Machel et son époux Nelson Mandela
Une vie d’engagements
Après des études à l’Université de Lisbonne, Graça Simbine Machel soutient le Front de Libération du Mozambique (Frelimo) dans sa lutte contre le joug portugais. Elle épouse le premier Président du Mozambique, Samora Machel puis est nommée Ministre de l’Education et de la Culture en 1983.
Devenant l’une des plus puissantes voix anti-apartheid du Mozambique, Graca Machel œuvre en faveur d’une éducation universelle et parvient à faire considérablement chuter le taux d’analphabétisme malgré une guerre civile écrasante. Et la mort subite de son mari en 1986 la poussera à intensifier ses engagements…
Elle fonde alors la première grande organisation de son pays devenant ainsi la Présidente de la Fondation du Développement de la Communauté destinée à faciliter l’accès des populations à l’enseignement et aux nouvelles technologies. Particulièrement déterminée à œuvrer pour la paix dans un pays déchiré par les conflits, elle va jouer un rôle efficace de médiatrice dans la réconciliation nationale, exigeant notamment que l’on mette fin à l’impunité pour les crimes de guerre commis à l’encontre les femmes et les enfants. Dans son pays, elle est Présidente de l’Organisation Nationale des Enfants du Mozambique qui place des millions d’orphelins dans des foyers et renforce le rôle de la famille et de la femme. Sur la scène internationale, elle est à la tête d’organisations pour les enfants du monde entier plaidant sans relâche en faveur de leurs besoins et de leurs droits fondamentaux. Mais elle va particulièrement se distinguer par son étude sur “l’Impact des conflits armés sur les enfants”, première en son genre dans l’histoire de l’ONU qui décide aussitôt de la promouvoir en 1996. « (…) un appel à l’action, selon Madame Machel, un appel à adopter une nouvelle éthique qui place les enfants au cœur de tous les programmes(…) ». Ce rapport a donné lieu notamment à une campagne visant à lutter contre l’emploi d’enfants soldats et à protéger les femmes et les enfants en période de conflit.
Aujourd’hui ambassadrice de l’UNICEF, Graça Machel ne cesse d’interpeller l’opinion internationale sur le sort des enfants et sur le rôle de l’éducation et des femmes dans l’édification de la paix. Parmi ses nombreuses activités, elle est actuellement Présidente de la commission nationale de l’UNESCO au Mozambique et siège dans de nombreuses organisations à travers le monde.
Une militante pour la cause des femmes
Selon un proverbe chinois, les « femmes soutiennent la moitié du ciel », pourtant leurs visages ne sont ni vus et leurs voix ni entendus dans la détermination du destin du continent africain.
Selon Graca Machel, les femmes contribuent à 100 % dans le développement durable de leurs sociétés et leur exploitation économique serait synonyme de progrès.
La Reconnaissance de leur poids économique dans le tissu social est donc cruciale.
Mais pour l’heure un gros travail reste à faire car les femmes africaines subissent encore et toujours le poids de politiques discriminatoires. Aujourd’hui, le défit est d’autant plus grand qu’il est important qu’elles puissent se faire entendre dans le cadre du processus de restructuration des systèmes financiers en Afrique et dans le monde.
Réseau New Faces New Voices (NFNV)
New Faces New Voices (NFNV) est une association de professionnelles africaines des secteurs des finances et des affaires à travers le continent. Sous les auspices du réseau African Women’s Foresight Network, le groupe a à cœur de voir les femmes en Afrique jouer les premiers rôles dans le secteur financier et participer à la prise de décisions déterminant l’avenir du continent africain. Selon l’expression de sa fondatrice, Graҫa Machel, « Plus rien de ce qui nous concerne – sans nous ». NFNV milite en faveur de l’autonomisation des femmes en raison de leur impact socio-économique positif considérable sur tous les secteurs en Afrique. La crise financière a offert au groupe une occasion pour pousser à la prise de mesures de nature à permettre d’exploiter le potentiel des femmes et de leur ouvrir la voie pour devenir des acteurs clés dans la mise en place d’un système financier mondial robuste « Le manque d’efficacité créant des opportunités, nous devons saisir l’opportunité offerte par la crise financière mondiale pour reconstruire le système financier et investir différemment dans les femmes » affirme t ‘elle.
La Banque africaine de développement (BAD) et le réseau New Faces New Voices (NFNV) ont accueillis en 2010 un sommet économique des femmes africaines dans le dessein de constituer un service de plate-forme à partir duquel des engagements seront pris avec les parties prenantes clés pour assurer que les femmes contribuent à la prise des décisions à la base de la restructuration profonde du système financier mondial.
Changer les paradigmes économiques: le futur est femme
Face à la crise financière mondiale, les mentalités sont en mutation et la place des femmes se fait de plus en plus sentir. Les femmes sont capables d’occuper une place centrale dans la définition de politiques du secteur financier. Une étude récente étude réalisée par le « Boston Consulting Group » a démontré qu’ une grande partie de la croissance des revenus dans le monde après la récession économique proviendra des femmes. Cela représente environ 5 billions de dollars du nouveau pouvoir économique des femmes les années à venir, soit deux fois la taille combinée des marchés émergents que sont la Chine et l’Inde. Les femmes ont tendance à épargner plus que les hommes et à consacrer davantage leurs ressources aux dépenses d’éducation, de santé, et de bien-être de leurs familles. Une récente étude a démontré que si l’occasion était offerte aux femmes pauvres de faire des économies, elles seraient en mesure d’améliorer leurs moyens de subsistance et le bien-être de leurs familles. Il est également bien connu que les entreprises administrées par des femmes, ou des sociétés comptant un nombre plus élevé de femmes aux postes d’encadrement et de décision, sont les plus performantes.
L’exploitation du pouvoir économique des femmes aurait un impact sur le développement, des plus bénéfiques pour les économies émergentes.
Pour Graca Machel, l’heure est venue pour les femmes africaines de relever ce défi. Une transition démographique est déjà en cours en Afrique qui se traduit par la baisse des taux de natalité, la hausse des taux d’espérance de vie et l’amélioration des niveaux de scolarité et d’alphabétisation des femmes. On compte maintenant de plus en plus de femmes qui font leur entrée sur le marché du travail, et la part des dépenses des ménages contrôlée par les femmes en Afrique s’inscrit à la hausse, en conformité avec les tendances mondiales. En conséquence, les femmes africaines veulent de plus en plus avoir leur mot à dire quant à la façon dont on utilise leurs ressources, ce qui, à son tour, les motive à vouloir occuper des postes de responsabilité dans les sphères politique et économique afin de mieux décider de leur propre destinée.
Le paradigme du paysage financier mondial a subi une mutation, et il est opportun que de nouveaux visages et de nouvelles voix fassent prendre conscience au monde que les femmes constituent des actrices à part entière de la reprise de l’économie mondiale. Aujourd’hui, l’effort vise à mieux porter les voix des femmes et de voir davantage de nouveaux visages dans la restructuration du système financier mondial.
Les pays africains doivent poursuivre des politiques sectorielles financières inclusives, qui sont accessibles et permettent par conséquent la participation de plus grands nombres de femmes. Pour se faire, il est impératif de promouvoir les femmes aux postes de décision dans les structures qui régissent le fonctionnement des institutions financières aux niveaux local, national, régional et international. Graca Machel précise qu’il faut plus que jamais exploiter le potentiel économique des femmes en leur assurant un accès aux services financiers appropriés, abordables et durables, à tous les niveaux de revenu.
Le Sommet économique des femmes
Le Sommet de Nairobi qui avait réuni les leaders africains du secteur financier, les responsables des politiques, les autorités de réglementation et les principaux décideurs se voulait identifier les causes de la non visibilité des femmes dans le système financier de l’Afrique afin de faire des femmes une partie intégrante de son architecture. Les femmes ont en été identifiées comme étant un nouveau marché émergent et l’on a appelé à la mise en place de nouveaux mécanismes pour exploiter leur potentiel.
De ce Sommet s’était dégagé l’idée qu’il faut dorénavant dégager un consensus sur les voies et moyens d’investir différemment dans les femmes, notamment en les faisant passer de la périphérie au centre, à la fois en tant que décideurs au sein des institutions financières et consommatrices des produits financiers. Mais bien des obstacles subsisteront encore limitant leur participation.
Le changement sera progressif et à long terme et pour les principaux acteurs du secteur financier, il s’agira de définir une série d’objectifs à atteindre, et des mesures à prendre pour considérablement accroître la participation des femmes. L’élaboration de ces objectifs et mesures se fera de façon concertée, afin que tous les acteurs puissent s’en approprier et appuyer les résultats attendus.
Il sera élaboré des mesures concrètes visant à faire front sur les réseaux de femmes existants pour permettre aux femmes de peser de tout leur poids dans la détermination du programme d’action et participer à la prise de décisions dans les sphères économiques. Graca Machel explique sans détour » nous avons besoin d’identifier les voies et moyens de faire plus porter la voix des femmes dans les discussions menées au sein des organismes internationaux sur la question de la mise en place d’un système financier mondial plus durable. Au nombre des principaux résultats attendus du Sommet figurent l’extension du rayonnement et l’augmentation du nombre de membres du réseau « NFNV », ainsi que l’affinement de sa mission et de ses activités »
La Banque africaine et les femmes
La Banque africaine de développement (BAD) fait montre d’un ferme engagement à cet égard et possède une vaste expérience en matière de promotion de l’autonomisation économique des femmes africaines. Elle s’est par ailleurs engagée à peser de son influence pour encourager l’intégration des femmes dans le secteur financier. À travers ses relations avec les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et le FMI, la BAD est également en mesure d’exercer une pression pour une prise en compte plus accrue des points de vue de l’Afrique dans les instances internationales qui réglementent les marchés mondiaux et africains. Comme l’avait assuré Donald. Kaberuka, Président de la BAD le NFNV sera soutenu en vue de trouver de nouvelles approches innovantes pour la promotion de l’égalité au plan économique et de la pleine participation des femmes à la conception de la future architecture économique et financière de l’Afrique.