Rajaa KANTAOUI est Head of Communications & Public Governmental Affairs North West & Central Africa (NWCA)
Nous l’avons rencontrée lors d’une mission à Casablanca. Elle fait partie de cette génération de femmes entrepreneuses qui font bouger les lignes dans son pays.
Rajaa Kantaoui est Directrice des affaires publiques et des communications de BAYER North Africa
Bercée au goût du challenge et de l’aventure, Rajaa Kantaoui ne cesse de faire parler d’elle. Sa maturité en avance sur son temps et sa persévérance font d’elle une leader hors-pair. La jeune femme fait désormais partie des principales figures de proue du leadership marocain. En 2017, elle fut nommée à la tête du département des affaires publiques et des communications du mastodonte allemand BAYER. En charge l’Afrique du Nord, Centrale et de l’Ouest. Une nouvelle ascension managerielle pour cette mordue des sciences politiques et de la communication sensible. Forte de ses 17 ans d’expérience professionnelle en marketing, communication et branding des industries sensibles Rajaa Kantaoui a su faire ses preuves dans plusieurs multinationales et fonds d’investissements marocains : Imperial Tobacco Brands, Régie des tabacs, Mutandis, H&A Investment holding, Sothema, Maroc soir, 2M, LBC Channel, SVT Channel.
Originaire de la ville blanche, Rajaa fut très tôt impressionnée par le métier de son père. Marin dans l’une des plus grandes firmes pétrolières. Très tôt, elle fut nourrit aux contes et au sens de l’aventure. « Mon père m’a inculquée l’art de construire mon univers, à la fois singulier et explorateur, l’aventure ne m’a jamais fait peur, ni le lendemain » dit-elle. Aînée de ses deux frères, elle s’isola dans sa passion du mot et du pinceau. A l’âge de 11 ans, « je savais ce que je voulais devenir, une Journaliste Reporter d’Image de guerre. Mes parents en voulaient autrement, il fallait que j’obtienne mon baccalauréat scientifique avant de me lancer dans le domaine que je voulais ». Ainsi fut-il. Après avoir achevé ses études en communication et sciences de l’information, elle a commencé sa carrière en tant que reporter, en ignorant complètement que cette expérience allait lui conférer, quelques années plus tard, une maîtrise du relationnel très aisée dans le fief des médias et de la politique.
Ainsi, en 2007, elle fut sélectionnée pour représenter le Maroc au sein du National Democratic institute, où lors d’un workshop autour de la liberté de l’expression et l’émancipation des médias à Kalmar, en suède, Rajaa fut choisie pour faire partie des jeunes talents de l’observatoire des élections américaines à Madison (USA). Ce fut son premier pas dans le monde de la politique et de la communication sensible.
Elle obtient son Master en communication politique, s’en suit son Master en Marketing puis des formations en gestion des crises, notamment celle de l’imminent Ex général de l’armée de guerre, Vincent Desportes enseignant à sciences Po Paris (successeur du général Fosh) et celle de Didier Heiderich, Président de l’Observatoire Internationale des Crises.
Depuis, elle rentre au Maroc et décide de changer de vocation en lançant son cabinet de gestion de Branding des industries sensibles. « Rik’s Concept était pour moi comme un second bébé que j’ai porté et nourrit d’espérance. La crise économique a pointé son nez et j’ai vu les budgets de mes clients se réduire jusqu’à l’anéantissement. J’avais 28 ans, je devais me repositionner rapidement, agir et faire des choix décisifs pour ma carrière ».
Aujourd’hui, ses attentes professionnelles revêtent une nouvelle forme : Celle du challenge et du développement du capital humain et de confiance managerielle qui, pour elle, est une valeur incontournable.
UFFP vous l’a fait découvrir autour d’un entretien in aparté.
Rajaa KANTAOUI Directrice des affaires publiques et des communications de BAYER North Africa
Entretien :
Vous faites partie de ces visages de proue féminins du Maroc qui se sont forgé une notoriété professionnelle dans un milieu sensible, quelle serait la recette du succès pour vous ?
Une bonne dose d’agilité et de courage pour sortir de sa propre zone de confort. Il fut un temps aussi où j’ai puisé dans les petites choses de la vie. Je m’intéresse par moments libre à l’écriture, à la lecture, à la peinture. Des petites passions qui me permettent d’évoluer dans le monde d’aujourd’hui qui se veut de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu. Ce n’est pas un hasard si l’armée américaine a dupliqué les abréviations du « VUCA World » pour décrire les nouveaux paradigmes sociétaux. Il m’a fallu beaucoup de courage pour repenser ma carrière. C’était en 2007, j’avais 25 ans, diplômée, un job sécurisant, des rêves et des incertitudes paralysantes. Deux choix se sont imposé à moi, soit céder à l’incertitude et laisser échapper l’opportunité, soit sortir de ma zone de confort et travailler dur. Le choix s’est fait de lui-même, je ne pouvais pas me réfugier derrière la peur de l’inconnu et de l’imprévisible.
Pas mal d’associations féminines foisonnent mais pour vous quelles sont celles qui seraient le plus à même de vous motiver ? Qu’est-ce que le leadership féminin pour vous ?
La femme marocaine avance sereinement et fait ce qu’elle sait faire, en multipliant d’imagination et de créativité. Le challenge que peut relever le Maroc est justement celui de pouvoir suivre ou pas, sa démarche rythmée… Je peine à le dire, mais les femmes n’attendent plus rien d’une société sclérosée, figée, empêtrée dans des institutions creuses, à coup de lois qui disent tout et son contraire, sur des dossiers importants
portée de l’article 19 de la constitution avec les textes en vigueur (Code de la famille, code pénal…) pour se rendre compte de la distorsion entre la volonté suprême, initiée par Sa Majesté le Roi Mohammed V et la production législative en vigueur actuellement et relevant d’un autre temps. Beaucoup de nos lois sont anticonstitutionnelles et doivent être repensées afin d’initier un changement. L’urgence n’est plus de défendre la femme marocaine mais de la protéger ! La tâche devient celle de survie plutôt que de progrès. Il n’existe toujours pas de loi claire et décrétée contre le harcèlement dans la rue, à mon sens, le harcèlement ou le viol doivent être considérés beaucoup plus graves que les autres types de crime puisqu’ils anéantissent la dignité de l’être humain. Je me désole de constater que la récente loi sur la violence faite aux femmes a simplement omis cet aspect. C’est dommage, qu’elle ne puisse pas criminaliser le viol conjugal par exemple.
Nous évoluons dans une société assez tumultueuse et qui porte un jugement de valeur hâtive sur la femme, comment trouver un juste équilibre aux obstacles ?
La société marocaine opère des challenges tous azimuts en vue de supporter un mouvement global d’émancipation sociale où la femme n’est jamais jugée capable par défaut, elle doit redoubler les efforts afin de prouver sa légitimité. Pourtant, changer la société à travers le leadership féminin est possible. La gouvernance féminine n’a rien à envier à celle de l’homme. Elle se veut fédératrice, exigeante et visionnaire tant qu’elle prend en considération l’intérêt des différentes parties prenantes.
Et vous à titre personnel, comment trouvez-vous ce juste équilibre ?
Mon juste équilibre pour esquiver les jugements de valeur ? (rires) En arborant un grand éclat de sourire mélangé à une sacrée dose de silence ! C’est ce que j’ai trouvé de mieux. Le sourire est une jolie forme de mépris, qui met une distance entre la mesquinerie et moi. Et puis surtout, je n’accorde aucune importance aux dires des autres.
Qu’est-ce que vous n’aimez toujours pas en vous et que vous souhaitez améliorer?
Je l’ai dit une fois, il me reste peut être des résidus de peur des gens, des vieux réflexes qui remontent à ma jeunesse. La méchanceté des enfants devenus brusquement adultes. Cela me met mal à l’aise d’être parfois encore comme ça. La méchanceté des autres me laisse encore perplexe ! J’ai aussi un côté désœuvré que je n’aime pas. Je suis lente, très lente à la détente.
Et à titre professionnel, que souhaitez-vous améliorer ?
J’essaye de m’activer sur plusieurs fronts afin de faire valoir mes ambitions en valorisant la diversité d’opinion. Le respect de l’autre est l’une des vertus qui nous différencie du reste des êtres vivants. Je me désole de constater que nous évoluons dans une sorte de consensus sociétal. Nous normalisons, individuellement et collectivement, avec une perversion politique qui exhibe de nouvelles tendances partisanes. Nous avons besoin de rétablir la confiance perdue envers l’autre.
Merci Rajaa KANTANOUI !