By Supa Djiles
PHOTOS DR INGRID BAARS : texte et photos toute reproduction interdite.
« Tu ne prends pas une photographie, tu la crées. » disait le photographe Ansel Adams, C’est ce que fait au sens propre Ingrid Baars qui présente ses œuvres récentes dans le cadre de sa série « l’Afrique c’est Chic ! ». Une première exposition solo à Paris après Amsterdam, Bruxelles et Londres. Cette exposition se déroule à la Galerie Nicolas Deman du 8 au 30 novembre 2012.
« Jusqu’où la distorsion de l’image d’une belle femme peut elle aller sans perdre sa féminité ? » s’interrogeait un journaliste à propos du travail de cette artiste photographe/monteuse. L’œil est attiré : des corps élancés, improbables, des beautés africaines fantastiques, des reines aux couronnes de science fiction, des mannequins aux formes de totems, le tout sur un mode image pub et photomontage.
En 1964 Robert Rauschenberg obtient le premier prix de la Biennale de Venise, il révolutionne l’art moderne en réalisant des œuvres à partir de collages d’objets hétéroclites sur des toiles. L’artiste brouille ainsi la frontière entre la peinture et la sculpture, et se pose en précurseur du mouvement Dada et du pop art. C’était il y a presque 50 ans. Les problématique sont les mêmes aujourd’hui : les frontières entre les arts. Art, illustration, art de l’image ? Sauf que l’on n’utilise plus de la colle et que le procédé a été remplacé aujourd’hui par le photomontage que l’on peut même faire sur son portable. Il devient de plus en plus difficile d’identifier ces images et de faire la différence avec la réalité. L’œil est trompé. Ce n’est pas tout à fait le cas pour cette artiste qui ne cherche pas a tromper la réalité mais à créer des illustrations des images d’êtres de femmes surréalistes.
Dans le monde de l’Art et du photomontage, Ingrid Baars, trouve une place particulière en étant également photographe et par l’originalité de son travail dans le cadre des thèmes traités. Ses images rappellent les premières photos de Grace Jones par Jean Paul Goude revues façon 21eme siècle mais également les œuvres surréalistes du plasticien Hans Rudi Giger connu notamment pour son travail sur Alien. Goude, homme de pub et Giger, créateur passionné onirique et fantastique. Il suffit de mixer, de rajouter une bonne dose de beautées africaines, de totems et vous obtenez quelque chose qui se rapproche du travail de cette plasticienne des pays bas. Des icones au sens propre (signe qui est dans un rapport de ressemblance avec la réalité extérieure). Des icônes de modes, des icônes tout court. Les images d’Ingrid Baars sont complexes et détaillées.
« Je souhaite vraiment que les gens prennent du temps pour se plonger dans mes photos. ». L’intérêt de cette exposition tient d’ailleurs, en dehors des nouveautés présentées aux grands formats et à l’excellent travail de l’équipe de Fine Arts Studio et de sa directrice Sandra Delvaux Agbessi, qui nous font découvrir la méticulosité de son travail. Rien à redire, des prints impeccables qui permettent d’apprécier la façon dont chaque image est travaillée et retravaillée encore. Le grain de peau illuminé de lumière, les composantes d’une coiffe, le choix et la beauté des accessoires. Cette précision des détails permet de découvrir aussi une autre approche, différente de l’illustration, de l’image glacée que l’on connait. Sa particularité aussi. « Je prends des photos avec des modèles puis je travaille l’image avec plusieurs photos que j’assemble sur photos shop. Pour un portrait par exemple les yeux peuvent provenir de deux photos différentes ». Ensuite, comme un artisan, elle rajoute « brode«, modifie. « Je possède une base d’images que j’ai accumulé depuis plusieurs années ».
Ingrid Baars a du talent mais aussi du métier, des années de travail notamment dans le domaine de la pub Corporate pour de grands groupes. On reconnait la signature publicitaire, l’image hyperléchée. Mais elle pousse encore plus loin son sens du perfectionnisme. « J’ai moi-même du mal à m’arrêter, je mets la barre très haut ». . Un œil exercé qu’elle tient en partie de son grand père : « c’est lui qui m’a appris les bases, pas forcément techniques mais surtout comment regarder. C’était mon premier grand fan ». Ecole de Rotterdam, travail dans la pub puis Ingrid collectionne les prix d’art contemporain.
Cette plasticienne a déjà tout mais elle en veut toujours plus : »Mon objectif dans 10 ans, je ne sais pas mais je veux surtout profiter de ces deux, trois prochaines années pour établir et faire reconnaitre mon nom. Je souhaite continuer sur les thèmes sur lesquels je travaille et à l’intérieur faire de petites série de 4, 5 œuvres et encore progresser». Les mêmes thèmes donc, sans doute d’abord pour leur pouvoir évocateur car elle n’a jamais mis les pieds en Afrique. C’est peut être ce qui la conduit à ces représentations épurées, fantasmées. « Mon premier regard sur l’Afrique vient surtout d’amis, de collectionneurs tandis que le choix des femmes se fait particulièrement pour l’esthétisme bien sur mais surtout parce que étant femme moi-même je me sens plus proche de leur âmes ». Car, paradoxalement malgré sa froideur plastique, les œuvres de cette photographe Hollandaise, et ce de manière plus visible encore dans les dernières présentées à la galerie sont également pleines d’émotions. Une artiste complète, donc qui dispose d’une signature visuelle originale à découvrir ou à revoir en ce mois de novembre. Just go.
Tout simplement magnifique.