Intellectuelle passionnée, femme d’action et militante féministe de la première heure, UFFP s’est entretenue avec une femme de coeur et visionnaire.
Florence MONTREYNAUD dans son dernier ouvrage paru aux éditions EYROLLES, raconte quarante ans d’une vie engagée pour l’égalité des femmes et des hommes. Dans ce récit, elle évoque des décennies de combats, au cœur des revendications et des actions du féminisme dont elle restitue des épisodes marquants.
Depuis son « apprentissage », à partir de 1971,au MLF et au Planning familial, jusqu’à son engagement contre un système prostitueur, voici le récit d’une femme qui a envie de changer le Monde.
Florence MONTREYNAUDa inventé en 1999 l’expression Chiennes de garde, et a lancé le réseau du même nom qu’elle a longtemps animé. Son visage et sa plume sont familiers des leaders d’opinion et observateurs des questions de société. Le grand public la connaît comme historienne des femmes, militante contre la publicité sexiste, participante à des débats dans les médias.
Historienne et écrivaine née en 1948, mère de quatre enfants, elle est l’auteure de seize ouvrages traduits en six langues. Son encyclopédie Le XXe Siècle des femmes (1989), grand succès public, reste un ouvrage de référence. Elle a également publié Un siècle d’amour, encyclopédie sur l’amour au XXe siècle.
Entretien avec UFFP
Quarante ans de féminisme plus qu’un nombre, cela signifie quoi pour vous ?
Quarante ans, c’est toute une vie d’engagement, au service d’une cause : changer le monde, pour qu’il soit plus juste et moins violent.
Chaque matin vous vous levez pour changer le monde, pour vous cela signifie quoi au quotidien?
Cela signifie d’abord travailler sur soi. On ne peut pas changer le monde si on ne se change pas soi-même. Nous avons tous à lutter contre la tentation de la paresse, du fatalisme, du découragement, de tant d’autres encore.
Ensuite, pour moi, cela veut dire agir sans haine et dans un esprit constructif. Dialoguer, chercher à comprendre les autres. Proposer des solutions. L’essentiel est de ne jamais abandonner, de ne pas se lasser, de persévérer, malgré les échecs, les épreuves, les douleurs. Continuer. Avancer. Tous les jours, un peu. Pas à pas, action après action, on change le monde.
Je suis écrivaine et c’est surtout par l’écriture que je travaille à changer le monde. J’écris des livres et des articles, et aussi des tribunes politiques, des tracts, des manifestes. Un mot juste, une expression forte, une analyse pertinente peuvent changer le monde et, pour commencer, les mentalités.
Du MLF à aujourd’hui, quel bilan pour les femmes en France ? L’égalité, la parité, on a l’impression que cela relève du discours de façade ?
L’égalité est plus qu’une incantation : elle se gagne chaque jour. Elle est loin d’être réalisée dans les têtes. Combien de garçons ont été élevés dans la conscience de leur supériorité sur les filles ! Cela donne des hommes qui respectent éventuellement leur mère mais méprisent les autres femmes.
Les lois qui ont établi l’égalité des droits sont en partie dues à l’action des féministes : par exemple, en France, le droit de vote, qu’elles ont réclamé depuis 1848, n’a été obtenu qu’en 1944. Un siècle, serait-ce l’ordre de grandeur pour obtenir un droit ? Et combien de siècles pour en obtenir l’application ? Depuis 1972, pas moins de six lois ont été votées en France sur l’égalité des salaires des femmes et des hommes à travail égal ou équivalent. Où en sommes-nous ? Les hommes gagnent encore, en moyenne, 15 % de plus que les femmes.
La loi sur la parité de 2000 a été très critiquée et en effet, la France est le seul pays à employer cette notion en politique … avec un résultat des plus discutables, car les grands partis ne respectent pas la loi : ils préfèrent « payer » un siège d’homme député par un important manque à gagner, c’est-à-dire une diminution de leur dotation. Dans d’autres pays, l’augmentation du nombre de femmes en politique s’est faite avec un système progressif de quotas, qui s’est révélé plus efficace.
Un ministère des femmes a été créé en France : un alibi ou un premier pas ? Quand sortirons-nous de la simple rhétorique en France, il y a même un observatoire pour la parité?
Le ministère, dont l’intitulé était « ministère des droits des femmes », a disparu lors du dernier remaniement, et c’est déplorable. Il a été remplacé par un secrétariat d’État : comme si la question des femmes ou de l’égalité était devenue secondaire ! La ministre Najat Vallaud-Belkacem avait accompli un beau travail et sa dernière réalisation avait été le vote d’une loi sur l’égalité, avec de nombreuses mesures destinées à la mettre en pratique et à la renforcer dans les esprits, par exemple l’allongement du congé paternel.
Les altermondialistes, les utopistes comme les lecteurs et les acteurs de notre initiative UFFP ( United Fashion for Peace » né suite au printemps arabe mais également des « indignés du Monde » nous ne croyons pas aux politiques mais au pouvoir du tissu social et de la société civile, malgré les errements et les lenteurs, votre avis sur le sujet ?
Je ne connais pas votre mouvement. En tant qu’historienne des femmes, je sais que de petits groupes peuvent faire l’histoire, il y en a de nombreux exemples parmi les féministes.
Les femmes du printemps arabe sont très actives, malgré un contexte très difficile et tendu, quelle vision avez vous des femmes tunisiennes pour renverser les régimes totalitaires et les mouvances extrémistes?et pour celles qui souffrent quels conseils leur donner?
J’admire, encourage et soutiens celles qui agissent, s’exposent et prennent des risques terribles. L’expérience de toutes les révolutions enseigne que la participation des femmes y est toujours importante mais qu’elle est ensuite passée sous silence et que les hommes se partagent le pouvoir en renvoyant les femmes aux rôles traditionnels. Aux femmes d’exiger leur place, leur juste place, et de la prendre, car personne ne la leur donnera ! Quant à celles qui souffrent, qu’elles se fassent entendre, en criant, en hurlant, qu’elles en appellent à la solidarité féministe internationale !
Pour vous quel sera le féminisme de demain? en quoi votre livre sert de plaidoyer? que doit on retenir?
« Le féminisme est un beau mouvement pacifique, qui n’a jamais tué personne alors que le machisme tue tous les jours » (phrase de Benoîte Groult). L’humanité a besoin du féminisme pour progresser vers la justice et l’égalité.
Femme sexuée, femme objet,tout est prétexte pour que l’ on soit dans les trois religions des citoyennes de seconde zone, et ce n(est pas uniquement la burka, le tissu capitaliste mais certainement aussi la société de conso qui le veut bien? et certaines femmes qui l’acceptent?
Depuis des siècles, les femmes sont le « deuxième sexe ». Les féministes demandent l’égalité. Il reste un long chemin à parcourir pour que femmes et hommes participent à égalité à la construction du monde de demain.