Gautier Brygo est l’un des initiateurs principaux du concept de coaching territorial. Rien d’étonnant à cela puisqu’il marie les compétences issues des deux univers celui du territoire à travers un Master en Aménagement & Développement des Territoires obtenu à l’université de Dunkerque et celui de l’approche participative à travers un master/DESS en Management des équipes et Développement des Compétences à l’Institut d’Administration des Entreprises à Valenciennes, ainsi que des formations en neuropédagogie, en approche neurocognitive et comportementale ainsi qu’en communication non violente.
Au coté de ses compétences, c’est aussi des rencontres importantes qui vont profondément marquer ce « Citoyen du Monde »
La première et la plus importante rencontre a commencé pour lui avec ces parents qui ont participé à créer un environnement dans lequel la solidarité et le don de soi était dans l’ADN de la famille. Encadrer des séjours d’enfants défavorisés pendant les vacances scolaires, organiser des activités associatives dans son village natale, planter des arbres, organiser des ramassages de déchets dans les forêts…voici le cadre dans lequel il a été baigné dès son enfance. Pour lui, on ne remercie pas assez souvent ses propres parents pour la cadre exemplaire qu’ils tentent de nous donner. Etant père maintenant de 4 enfants il sait les sacrifices utiles qu’il faut faire pour donner le meilleur cadre à ces propres enfants sans forcément savoir dans quel monde nous allons vivre demain.
A l’université, Gautier BRYGO a été pendant de nombreuses années un étudiant assidu et complice d’un Professeur peu connu (hélas) au Maroc mais très reconnu en France et en Belgique. Il s’agit du professeur Feu Hassan Zaoual. C’est grâce à lui qu’il va découvrir une autre manière d’aborder l’Economie Mondiale en partant des gens et de leurs modes de vie
Entretien avec UFFP :
Parlez nous du concept du « coaching territorial » ?
Le coaching territorial vise à accompagner la mise en synergie des acteurs locaux pour mobiliser leurs potentiels respectifs en vue de résoudre un problème spécifique ou de promouvoir le développement durable et l’attractivité du territoire.
Le coaching territorial porte sur la dimension comportementale des processus de changement. Il s’agit de permettre aux acteurs du territoire d’adopter des attitudes nouvelles favorables à l’instauration d’un dialogue constructif entre eux, de surmonter les blocages de communication ou de relations, et de s’organiser pour entreprendre des actions communes en vue d’atteindre des résultats positifs dans la durée.
Cette initiative est la résultante d’une réflexion longuement mûrie et qui engage beaucoup de partenaires? CGLUA, Echos Communication, la Province de l’Orientale, quel a été le rôle de chacun ? Pourquoi la commencer dans la Province de l’Orientale?
Les demandes d’intervention exprimées à l’endroit de CGLU-A et de l’ONG Echos Communication et avec l’appui de la Direction de la Formation des Cadres de l’Administration Territorial (DFCAT) du Ministère de l’Intérieur du Royaume du Maroc et L’Association Marocaine des Présidents des Conseils Communaux (AMPCC) les premiers résultats issus de l’expérience du Coaching Territorial dans la Ville de Salé (Maroc) autour de la réinsertion des Marchands Ambulants ont été présentés au Congrès Mondial des Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) à Rabat en octobre 2013. C’est à cette occasion que la Région de l’Oriental (une des douze régions du Maroc) s’est portée candidate pour mettre en oeuvre le Programme du Coaching Territorial couvrant l’ensemble des collectivités territoriales de la Région. Un Protocole d’Entente a été négocié et signé le 7 juin 2014 entre le Président du Conseil Régional de l’Oriental (CRO) et le Secrétaire Général de l’organisation des Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU-Afrique) à l’occasion des Secondes Assises de la Coopération Décentralisée organisées par le Conseil Régional de l’Oriental à Oujda. Ces deux partenaires initiaux ont été rejoints par l’Agence de l’Oriental, représentée par son Directeur, Mr Mohamed Mbarki, qui a signé ledit protocole d’entente le 22 mai 2015 lors du Premier Forum du Coaching Territorial à Oujda.
Cela fait deux ans que vous y êtes installé, quels ont été les défis, les acquis, les lenteurs?
Les défis : Maintenir la vision de ce Programme « On ne développe pas les Citoyens, ce sont les Citoyens qui se développent » et les outils d’accompagnement existent comme c’est le cas du Coaching Territorial. La patience est indissociable du développement humain.
Les acquis : Les populations locales participent de plus en plus au Programme. Les Autorités Locales et Nationales appuient et facilitent le travail de terrain. Les Coachs Territoriaux se professionnalisent de plus en plus.
Les lenteurs : Ceux qui voient le développement uniquement sous l’œil des constructions et des aménagements sans inclure l’être humain. Ceux qui commencent à réfléchir au développement en regardant un plan, une carte, un dossier…
Une région longtemps oubliée voire oubliée, n’est ce pas un programme ambitieux et téméraire?
Oui, certain on dit que la Région de l’Oriental est une Région difficile, éloignée. Moi je pense que c’est une opportunité même si les efforts sont constants. Et c’est les citoyens de cette Région qui jugent des résultats pour eux-même. Ceux qui prennent des décisions pour des Régions éloignées de la Capitale doivent habiter et vivre dans la Région sans quoi ils manquent le plus important : « vivre avec les populations les défis et les changements chaque jour. » Je pense avoir fait ce choix en m’installant à Oujda et je ne le regrette pas.
Vous avez décidé de vous calquer à la volonté politique du Souverain désireux de davantage faire participer le citoyen dans sa région?
En effet, le Roi du Maroc a des discours très éclairé sur le développement de son pays. Le défi est de passer à la pratique et aux changements de comportement des décideurs. Avec ce Programme nous participons à notre mesure à mettre en pratique une vision nationale claire.
La citoyenneté participative dans des régions où la centralisation a toujours été de mise ?
Les dernières élections de 2015 donnent aux Régions de nouvelles prérogatives décentralisées qu’il faut à nouveau accompagner dans la durée. La citoyenneté est inscrite dans la Constitution de 2011… il ne reste plus qu’à l’appliquer partout. C’est un beau défi.
Vous êtes détaché au Maroc depuis plus de six ans, qu’avez vous appris de cette immersion et comment voyez vous l’avenir ?
En habitant au Maroc je reçois l’information mondiale avec d’autres paires de lunettes et ceci me permet de mieux comprendre le rôle du Média dans l’information qu’il donne à son public. Parfois contradictoire parfois plus nuancé bref je me rends compte que chacun doit être capable d’analyser l’information là ou il se trouve mais aussi comprendre que chaque pays utilise l’information pour ses propres intérêts.
J’ai aussi réappris le sens des valeurs humaines qui ont presque disparue selon moi dans nos pays occidentaux hélas.
Enfin, et c’est le plus dur, en tant qu’étranger je véhicule une image (parfois positive, parfois négative, parfois pleine de préjugés…) et je dois toujours faire preuve de beaucoup d’humilité et distance dans mes choix et décisions autant professionnels que personnels.
Concernant l’avenir, tant que je peux être utile pour ce Programme et pour mes méthodes de travail, je serai présent.
Un regain de conservatisme, semble quelque peu figer les bonnes volontés notamment s’agissant des moyens que l’on alloue à la jeunesse et aux femmes, comment pensez vosu contourner le problème ?.
Pour moi j’utilise toujours la même méthode : comprendre, associer, participer aux changements.
Donc concernant la Jeunesse et les femmes, j’aborde sous l’angle des solutions et des opportunités et jamais sous l’angle des problèmes. Il y a des choses qui fonctionnent bien au Maroc, il faut partir de là et construire la suite.
Avec les jeunes coachs que vous avez formé, vous savez aussi que vous allez vous confronter à certaines réalités endémiques comme la pauvreté le manque d’éducation et de moyens, comment faire pour ne pas « decevoir le citoyen lambda »?
Oui vous avez raison, le citoyen a été trop longtemps habitué à cette relation ambigüe pourtant la pauvreté est souvent une conséquence du développement lui-même ! Donc pour ne pas décevoir il ne faut pas promettre des choses irréelles… il faut accompagner dans la durée les personnes les plus vulnérables pour que les changements soient autoportés par l’ensemble des responsables sans laisser des personnes sur le côté.
Parlez nous des premières assises, le déroulement ,mais aussi les conclusions? Quelles résolutions adoptez vous?
Ce 31 mai 2016, la Région de l’Oriental, au Maroc, a organisé les 1ères Assises Citoyennes Régionales dans les huit provinces constituant ce territoire. Dans la perspective de son développement, ces assises ont restitué les constats et recommandations citoyennes issues des forums ainsi que les pistes de solutions thématisées, en présence de délégations internationales, européennes et africaines.
Des ateliers thématiques ouverts et qualifiés, ont livré des contributions opérationnelles de développement. Ainsi ont vu le jour un Atlas Régional des Changements Climatiques, des projets intégrés d’Agriculture Durable, des Programmes d’Education Citoyenne du Vivre Ensemble et, chose nouvelle, les plateformes de mobilisation des MRE sur la promotion de la croissance économique et sociale durable.
Le coaching territorial porte sur la dimension comportementale des processus de changement. Il s’agit pour le coach territorial mandaté par les autorités publiques décentralisées, de fédérer les Acteurs d’un Processus de Développement spécifique, pour faciliter l’élaboration de solutions consensuelles et durables.
Par cette approche, ces forums ont drainé une forte participation. Chaque table de débats a élu son président de séance, comme son délégué aux assises régionales. Ainsi, chaque citoyen a pu exprimer ouvertement sa vision de la Région, ses préoccupations et ses recommandations pour promouvoir la gouvernance locale et l’inclusion de la société civile dans la chose publique. Ont été débattues, les thématiques suivantes : l’offre de services assurés aux citoyens dans l’éducation, la santé, la mobilité, la culture, l’économie, l’emploi et l’environnement. La synthèse des recommandations citoyennes a été ordonnancée par thème et présentée officiellement lors des Assises.
Six grands axes de travail pour les prochains mois ont été établis :
- Accompagner le suivi des recommandations ;
- Poursuivre la mobilisation citoyenne sur des thématiques choisies ;
- Relancer les dynamiques locales avec l’appui du Coaching Territorial ;
- Finaliser le format, le contenu et les solutions thématiques portés par la Caravane Citoyenne Itinérante de septembre prochain ;
- Confirmer la coopération internationale décentralisée du territoire, à travers les différents protocoles signés ;
- Développer un cadre de plus grande efficacité de la contribution des MRE issus de l’Oriental au développement de leur Région.
Pour la mise en œuvre de ces axes de travail, la Région de l’Oriental appuie institutionnellement et matériellement le Centre de Ressources du Coaching Territorial. Parallèlement, une initiative citoyenne vient renforcer cette ambition par la création de l’Association des Coachs Territoriaux de l’Oriental.
En conclusion et de manière unanime, il a été convenu de capitaliser cet acquis citoyen de démocratie territoriale et se donner rendez-vous en 2017, pour les 2èmes Assises Citoyennes Régionales de l’Oriental.
La Province orientale sera donc le premier laboratoire de la citoyenneté participative comptez vous faire voyager le programme dans le Maroc et en Afrique?
Nous souhaitons partager le travail dans les autres régions du Maroc mais aussi dans d’autres pays d’Afrique. D’ailleurs nous sommes allés rencontrer les responsables de la Ville de Dakar quelques jours après les Assises pour discuter de la mise sur pied d’un Programme Coaching Territorial adapté au Sénégal.
Qu’a vez vous envie de dire aux jeunes et aux femmes?
N’attendez pas que le développement arrive près de chez vous, provoquez et participez à votre propre destiné dans les règles de l’art et de la démocratie locale. Chacun possède une partie de la solution aux problèmes identifiés.