J’ai euthanasié, vendredi dernier ma persane Isis, à six jours de son 17e anniversaire. C’était le vendredi 29 mars à 18H45, à la clinique vétérinaire de Lésigny, mon ange roux s’est éteint paisiblement dans mes bras.
Elle repose aujourd’hui dans notre jardin, prés de ses papillons et de ses musaraignes tant aimées, sous le volet de ma chambre et chaque matin je lui parle. Nous avons planté des fleurs là où elle repose.
Mais moi je n’arrive pas encore à faire mon deuil ni à trouver la paix. Depuis ce fameux soir-là, je suis éteinte psychologiquement. Car elle était mon tout, mon alter ego félin, mon phare, et maintenant je ne vois plus. Je revis sans cesse la pellicule du film d’horreur : mon ange s’éteignant dans mes bras et lâchant son dernier soupir. Je l’ai apaisée, mais moi depuis, je ne suis plus en paix. La souffrance, la solitude, le chagrin et l’état de stress post traumatique d’avoir eu à affronter cette décision, mon conjoint n’étant pas là, j’ai dû l’euthanasier seule avec le vétérinaire, entourée de mes petits jumeaux de douze ans. Ce billet c’est pour parler de sa magnifique histoire et tenter de cautériser mes plaies et de conseiller tous ceux qui ont eu à perdre un animal de compagnie Vous l’avez connue dans ce magazine, lors du sujet « Ronronthérapie, thérapie féline antistress pour les humains » que j’avais écrit il y a quelques mois. Elle avait eu aussi le bonheur d’avoir un article consacré sur elle dans le site sur l’intelligence animale de Yolaine de la Bigne « l’animal et l’homme » en France. Isis a eu vie de reine aimée et choyée de tous Elle avait un tempérament de lionne qui fit qu’elle survécu a beaucoup de choses tant son amour pour la vie était intense, tant elle savait aussi qu’elle était immensément aimée. Elle ressemblait à une petite reine lionne ou à Garfield en version poils longs. Il était une fois Isis la persane moscovite devenue Tuniso française C’était dans une première vie. Son prénom Isis est celui d’une Reine pharaonne, car sa maitresse, est une orientale ( je suis une tunisienne naturalisée française, ancienne diplomate, née à Rome), mais elle, elle est née en Russie. J’était mariée à l’époque il y a prés de vingt ans à un jeune diplomate tunisien, en poste alors en Russie, nous avions partagé une partie de notre lune de miel à Moscou. Je désirais un chat persan, alors nous partîmes au marché des oiseaux de Moscou, qui vend entre autres des chats de race. Et c’est là que commencera notre histoire d’amour J’ai toujours pensé que dans une autre vie j’étais un chat, petite déjà on m’appelait la tigresse, alors quand je l’ai rencontrée et qu’elle est venue à moi en me choisissant car ce n’est pas moi qui l’ai choisie, mais bien elle ! ce fut une évidence. Adopte-moi ! Je me rappelle encore aujourd’hui, de notre première rencontre, comment elle avait su me séduire. Une grande table au centre du marché des oiseaux de Moscou, faisait office de montoir de chats de race. Ces petits chats étaient à vendre, les maitres étaient assis juste en face. Moi je n’ai pas fais attention à tous les chats sur cette table, car soudain en plein milieu, un énorme « miaouuu » interpella mon attention. Une petite bouille rousse me regardait et faisait le dos rond comme si elle voulait me dire « coucou prends moi » le coup de foudre fut immédiat, je l’ai achetée sans regarder les autres chats ! Comble de l’ironie, j’achetais un magnifique chat de 4 mois à peine sevré mais qui avait la queue cassée et se révéla plus tard avoir un souci au niveau des yeux. Isis eu sa première opération des yeux en Tunisie à six mois, car ses sourcils poussaient de l’intérieur ce qui lui occasionnait pas mal d’irritations oculaires. Les premières années de mon mariage tunisien ne furent pas heureuses, le destin avait voulu que mon père fut en poste Ambassadeur à Berlin et mon époux diplomate muté à Moscou alors que moi jeune diplomate non titulaire restait en poste à Tunis à la Centrale. Isis fut mon pilier, ma compagne de solitude, elle fut tout pour moi. Quand je divorçais, une nouvelle vie s’offrait à moi avec mon second époux français et Isis fut la seule qui m’accompagna. Il y a dix-sept ans je vins avec deux valises et un chat de trois ans en France. Isis a dit aurevoir à beaucoup de ses compagnons Nous sommes amoureux des chats persans dans la famille, mais malheureusement cela reste des chats assez fragiles, et facilement égarables. Dans le clos où je vis, nous avons perdu de façon prématurée et violente 4 persans ( vol, disparition, leucémie, arrêt cardiaque, renversé par une voiture) mais Isis restait toujours fidèle au poste, c’était mon rempart, mon roseau, rien ne la brisait. Elle observait toujours une forme de calme et de force tranquille à chacun de mes chagrins, la savoir à mes côtés me donnait la force de vivre et d’espérer en des lendemains meilleurs. Elle était toujours là. Enceinte de mes jumeaux nous vécûmes un drame mon époux et moi, elle veilla mon ventre et resta encore une fois fidèle au poste. Isis est le premier chat avec lequel mes petits jumeaux ont grandi, leur premier animal qui faisait fonction de « grande sœur » aujourd’hui ma jumelle Elyssa reste inconsolable. Française d’adoption Isis a eu une belle vie en France, à Noel elle sillonnait les routes de France pour les vacances et en été elle passait ses vacances sur Hammamet en Tunisie et grimpait aux oliviers pour chasser les moineaux, elle qui était territoriale aimait et reconnaissait ses maisons : celle de son enfance à tunis, celle de l’été sur Hammamet et celle de l’hiver en France. Ce qui lui importait c’était la liberté, les câlins, l’amour de ses maitres et on en avait à revendre pour elle et elle pour nous. C’était une dragueuse une séductrice elle savait vous faire fondre. Elle avait un tempérament de feu, volcanique elle décidait de comment et quand lui faire des câlins. Selon son humeur à Madame, il fallait s’exécuter, n’est pas persane qui veut encore moins royale. Elle avait ce côté royal et en même temps voyou de chat de gouttière, un mélange détonnant qui faisait que rien ne lui faisait peur, et c’est ce qui fit qu’elle survécu longtemps à beaucoup de choses. A 15 ans les soucis de santé Les problèmes de reins commencèrent pour elle, à cet âge précis et c’est un peu la fatalité de tous les chats de cette âge-là, surtout les persans. Isis avait une soif de vie intense et son âme était si forte, qu’elle poussait son corps à bout. Elle eut à partir de quinze ans une série d’épreuve de santé, on lui trouva une tumeur sur le ventre, elle y survécu, mais les problèmes de reins allaient être plus impitoyables et chaque année qui passait, un organe vital était touché, le cœur, puis les yeux. Elle commença alors à vivre avec une quantité impressionnante de médicaments dans son quotidien. Elle vécut cela comme une sorte de violence, mais nous voulions avant tout améliorer son confort de vie. Il y a trois ans sur Hammamet, nous eûmes une grosse peur, car faisant une fugue, elle ne parvint pas à revenir, tout simplement par ceque sa vue était détériorée. Disparue douze jours sans médicaments sans eau sans nourriture, dans une zone infestée de chats et chiens errants, zone chantier avec un train qui passait par là. Un miracle fit qu’on la trouva, encore aujourd’hui je me dis que c’est la télépathie qui a fait que l’on se soit retrouvée. Tous les soirs à l’appel du Muezzin je lui parlais lui disant de revenir, lui disant combien je l’aimais, combien elle était attendue. J’étais désespérée et j’avais tout fait pour la retrouver, proposant une récompense. Mais rien… toute la famille était déjà en deuil. Et bien un soir c’était le 8 aout (comble du hasard, journée internationale du chat) alors que nous passions dans le voisinage, je marchais avec ma petite fille qui me dit « maman penses tu qu’on la retrouveras un jour » ? moi je n’avais plus beaucoup d’espoir. C’est alors qu’un cri déchirant retentit, je fis demi-tour et soudain sur le mur d’une maison inconnue, se tenait mon pauvre chat famélique. On la sauva in extrémis, bien qu’elle ne supporta pas les injections à cause de ses problèmes de reins, elle me fit des infections à répétions mais elle voulait vivre et elle vécut. Depuis cet épisode, Isis ne voyagea plus en Tunisie, l’été dernier elle a dû rester en clinique en France cinq semaines, nous n’avions pas le choix que de la faire garder, elle vécut cela comme un abandon, mais nous voulions la protéger, la perdre à nouveau en Tunisie aurait été fatale. Sa leçon de courage et de résilience inspira beaucoup d’humains lecteurs qui purent lire son histoire dans le site l’animaletlhomme et le magazine l’Ere Nouvelle où j’expliquais les vertus de la ronronthérapie. Elle vécut ses dernières années, mais avec de plus en plus de bobos mais elle restait libre rebelle et gardait sa bouille de bb, elle était un chat sexy qui ne faisait pas son âge. Devenue un chat médiatisé Elle fut l’héroïne du sujet ronronthérapie dans le premier site sur l’intelligence animale et elle faut souvent citée en exemple comme étant la résilience même et je suis très fière d’avoir pu montrer au monde, l’extraordinaire intelligence et ténacité de cette petite féline. J’avais le secret espoir qu’elle vive au moins vingt ans mais je n’ai pas eu cette chance, la santé d’ISIS a commencé à se dégrader à partir de 16 ans son petit corps frêle, car elle avait une taille de mannequin, elle picorait ne pesait pas plus de 2K 800 ; a accumulé les bobos et moins les factures de véto astronomiques, tout mon pécule y passait surtout celui de mon époux. Je vivais avec la peur et la hantise de la retrouver éteinte un jour, qu’elle parte pendant que l’on soit en vacances en été, je n’ai pas eu ce malheur, j’ai eu le bonheur et l’immense chagrin de l’accompagner jusqu’au bout. Euthanasier son animal : un trauma psychique Il faut avoir à l’esprit qu’un animal à une durée de vie en moyenne d’une quinzaine d’années pour un chat, dix pour un chien. Parfois, un accident vient briser prématurément cette logique. La longue maladie permet de se préparer mais elle est « traître »: l’animal atteint un degré de mortalité un peu plus important à chaque étape de sa maladie. Prendre soin de son animal, c’est essayer de le faire vivre le plus longtemps possible dans de bonnes conditions. Et c’est ce qu’ on fait pour Isis. Ces étapes sont importantes. Et les médicaments permettent de diminuer drastiquement la douleur, des antalgiques jusqu’à la morphine. C’est quand on ne parvient plus à la traiter qu’il faut réfléchir à la fin de vie. Faire son deuil Avoir un animal de compagnie, c’est une responsabilité et une histoire d’amour : elle peut être vécue à des degrés très variables. Là où il y a du sentiment, il peut y avoir de l’excès. Considérer que notre peine ne serait que la traduction d’un manque affectif, est faux et pour moi, mon animal est un membre de la famille et sa perte est un grand chagrin et un vrai deuil ! Pour moi pas de différence entre l’animal ou l’homme même si cela choque ! Aujourd’hui je dois accepter l’absence et le vide et cela prendra du temps Emotionnellement, je ressens toujours la persistance de l’animal disparu. Mon Isis est partout et je m’éveille en sursaut pensant l’entendre ou la sentir. La nostalgie s’efface quand on arrive à penser à son animal de façon douce et que l’on sent que l’on est capable d’avoir un autre coup de foudre pour un autre animal. On est alors prêt à ouvrir une nouvelle parenthésé de nos vies. Prenez du temps avant d’adopter à nouveau ! mais moi je ne peux vivre sans eux, même si cela signifie revivre la souffrance, après tout, des chagrins d’amour j’en ai encore et toujours avec les humains, qu’est-ce que cela change de revivre encore une fois ces peines ? Il faut savoir qu’il y a un prix émotionnel terrible à payer et l’assumer. Fériel Berraies Guigny Chercheur en Sciences Sociales, thérapeute, journaliste activiste, www.feriel-berraies-therapeute.com