Letty Chiwara  » Stoppons la violence à l’égard des femmes africaines » !

  • By SLKNS
  • 29 mars 2013
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Par Fériel Berraies Guigny

Les femmes sont des actrices majeures dans les efforts de reconstruction et de consolidation de la paix en Afrique. Cependant dans les faits, elles sont toujours ignorées quand ils s’agit de mettre en place un processus de paix.
Elles sont à peine plus impliquées dans les réflexions et les actions à mener en vue d’améliorer la situation économique. On ne peut pas laisser la moitié de la population sur le bas côté de la route qui mène vers un futur qu’on espère tous meilleur, sans même se préoccuper de leur souhaits de leurs aspirations et de l’apport économique et social considérable qu’’elles représentent.
L’UNIFEM ( Fonds des Nations Unies pour le développement des femmes) est engagé depuis des années et se bat pour une juste reconnaissance de leurs besoins et de leur statut. Des femmes qui continuent de subir de graves violences que bon nombre de gouvernants continuent d’occulter malgré l’existence d’un dispositif juridique censé les protéger.UFFP s’est entretenue avec Letty Chiwara, Chef de la division Afrique à l’UNIFEM basé à New York sur les diverses problématiques qui taraudent les femmes en général et les africaines en particulier: leur sécurité, la reconnaissance de leurs droits et la nécessité d’arriver à un financement efficace pour leur permettre un réel développement durable.

Entretien :

La Violence à l’égard des femmes africaines est multiforme, à ce jour nous ne disposons pas de statistiques fiables pour comprendre véritablement l’ampleur du phénomène?

La violence à l’égard des femmes est multiple: physique, sexuelle, psychologique et économique. Elle ne tient plus compte de l’âge, de la race, de la culture de la situation sociale ou encore de l’emplacement géographique. Ce qu’il faut savoir c’est que tout d’abord la première cause de violence est domestique. On la retrouve dans la famille, dans les communautés et dans le domaine publique. Il y a plusieurs types de violence certes, la violence physique, sexuelle ou émotionnelle chez le conjoint ou les membres de la famille ou par les modèles d’autorité ( enseignants, officiers de polices, employeurs); on la retrouve également auprès de ceux qui exploitent au travers du travail ou dans les milieu de la prostitution. En Afrique, cette violence se retrouve aussi dans la perdurance de certaines coutumes. Mutilations génitales, mariage forcés des enfants, assassinats pour cause d’honneur.

Dans le Monde, six femmes sur dix vivent cette violence qu’elle soit physique ou sexuelle durant leur vie.
Les femmes entre 14 et 66 ans sont la cible et c’est la cause majeure de mortalité. La violence affecte des millions de femmes en Afrique, filles et jeunes femmes sont victimes d’harcèlement sexuel, agressions et viols dans les rues, transports publics, dans leurs maisons ou voisinage. En 2005 une étude menée par l’OMS a démontré que 50% en Tanzanie et 71 % des femmes en Ethiopie ont subi la violence domestique ou une agression de leur compagnon. Une autre étude d’Amnesty International ont démontré qu’en Afrique du Sud, une femme est tuée par son mari ou compagnon toutes les six heures.
La violence est omniprésente dans la région, près de 3 millions de filles sont menacées annuellement de mutilation génitale. La violence est partout et a plusieurs formes, entre 16 et 47% des filles sont victimes de viols ou d’harcèlement sexuel dans l’école primaire et secondaire provenant de leurs camarades de classe ou de leurs enseignants.

Plus grave encore, cette violence empêche justement la pratique de rapports sexuels protégés et de fait enraye toute tentative de dépistage du sida. Les femmes constituent 57% des adultes touchés par le virus du sida en Afrique subsaharienne.

Beaucoup affirment que la violence en Afrique, c’est avant et toujours une histoire de coutume?
L’origine de la violence envers les femmes c’est l’inégalité du genre avant tout!
Une inégalité qui résidence dans certaines coutumes et rites qui touchent à l’intégrité physique et morale.
La définition de la violence et son acceptation diffère d’une culture et d’une religion à l’autre. Pour beaucoup de sociétés encore aujourd’hui, la violence est tue car elle est de l’ordre de la sphère privée.
Cela explique pourquoi certaines pratiques néfastes aux femmes perdurent. Aujourd’hui après des décennies de combats menés par certaines activistes, ces pratiques sont dénoncées et sont inscrites dans les agendas de lutte des plus grandes instances. Mais un long chemin reste encore à faire.
Beaucoup de pays africains ont adopté des lois, des conventions pour y mettre fin et pas mal de gouvernants ont prévus un budget afin de garantir l’application de ces mesures de protection. Il y a une véritable volonté politique qui se dessine. Par exemple, s’agissant de l’excision, de l’Afrique de l’Est à l’Ouest , les femmes sont en train de s’unir pour combattre le fléau.

Qu’elle soit en terrain de « paix  » ou en temps de conflits armés, la violence a les mêmes conséquences, comment faire pour inculquer la culture de la « non violence » comment changer les mentalités?

L’éducation et la défense de ces femmes sont les armes principales que nous devons utiliser pour changer les mentalités. Il faut aussi promouvoir les droits des femmes en rappelant que ce sont avant tout des droits humains. A cet effet, UNIFEM s’active sur plusieurs fronts. Ces efforts vont surtout dans le sens du développement de campagnes de sensibilisation et en instaurant également des partenariats avec les gouvernements, la société civile, et le système des Nations Unies. Cela peut aller de l’instauration d’un cadre juridique à l’instauration d’ actions nationales spécifiques. Nous aidons également la prévention dans le cadre d’une situation de conflits armés ou après la fin des conflits.
Dans le cadre de la campagne de prévention de la violence contre les femmes, le Secrétariat Général des Nations Unies en novembre 2009 en partenariat avec l’Union Africaine et des organisations de la société civile ont lancé l’opération régionale « AFrica-UNiTE »
Le programme s’articule autour du concept des 3  » P » c’est-à-dire :
– PRÉVENIR la violence contre les femmes et les filles qui véhicule le message selon lequel aucune femme ou fille ne devrait être victime de violence;
– POURVOIR une aide aux survivants, cela signifie que dorénavant on doit mettre à disposition des survivants les moyens de contrer cette violence
-et enfin PROMOUVOIR la justice en vue de parer et de mettre fin à l’inégalité de genres et se faisant permettre de fournir une enquête adéquate en vue de punir ceux qui ont commis les violences.
A travers cette campagne, beaucoup ont commencé à comprendre l’ampleur des dégâts et il y a véritablement une prise de conscience et chacun se dit  » MAINTENANT IL FAUT AGIR- CHACUN EST CONCERNE- LES HOMMES LES GARCONS LES LEADERS TRADITIONNELS LES LEADERS RELIGIEUX AUTANT QUE LES ENSEIGNANTS

Comment fait face UNIFEM?

En plus de la campagne Africa UNiTE, UNIFEM s’est engagé avec le système des Nations Unies en vue de combattre la violence à l’égard des femmes dans un sens global. A cet effet, UNIFEM gère le Fonds des Nations Unies destiné à combattre la violence à l ‘égard des femmes. Ce Fond a pris de l’ampleur avec le temps, en 2009 il y a eu un Appel d’offre pour permettre la mise en application des lois, politiques et des plans d’ actions et ce pour enrayer un fléau qui touche encore femmes et petites filles.
Un total de 1,643 offres ont été reçues avec des propositions atteignant presque 857 millions de dollars US$. Après une étude vigoureuse, le Fonds des Nations Unies a alloué 10.5 millions à 13 initiatives dans 18 pays. Le Continent africain a bénéficié de cette aide, avec la mise en place de programmes de prévention dans les pays suivants:: Cameroun, Lesotho, Namibie and Nigeria, Gambie, Guinée, Mali Senegal, Sierra Leone, Ouganda et six autres pays en Afrique de l’Est et du Sud dont la Zambie.
Pour plus d’information sur ce Fonds visitez : http://www.unifem.org/gender_issues/violence_against_women/trust_fund.php

Les Viols de guerre sont malheureusement une nouvelle arme de guerre et leurs conséquences sont terribles, pourtant cela reste endémique ?
Les femmes sont les cibles premières dans les conflits armés et on utilise cela comme une arme de guerre contre les gouvernants. Les conséquences physiques et physiologiques sont énormes. Outre l’infection avec le virus du Sida et les grossesses non désirées. En République du Congo, près de 100 viols sont reportés chaque mois. On estime que 36 femmes ou petites filles sont violées chaque jour, on estime à près de 200,000 femmes ont souffert d’une violence sexuelle depuis le début du conflit armé. Entre 250,000 à 500,000 femmes ont été violées durant le Génocide au Rwanda. Dans un climat d’impunité on peut s’attendre à ce que ces pratiques non seulement perdurent mais entraînent de plus graves violences.
Mais il ne faut pas oublier pour autant que la violence à l’égard des femmes existe également en temps de paix et elle est tout aussi importante. Certes en temps de conflit armé on fait face à un autre type de violence généré par une situation « extraordinaire » que ce soit un conflit armé court ou un état d’urgence. Ce que l’on constate par contre, c’est que ces situations génèrent fatalement ce genre de violence: viols de masse, grossesses non désirées, embrigadements et les femmes et les petites filles sont les cibles principales.

Près de la moitié des pays africains ont connu des conflits internes et des guerres civiles, toutefois le système judicaire, la police, les services d’enquête, les autorités n’ont jamais poursuivi les violences à l’égard des femmes.

L’absence d’un cadre juridique solide notamment dans les pays subissant des conflits armés rendent la chose aléatoire. La plupart du temps, les offenseurs ne sont pas poursuivis. Il n’y a pas ou très peu d’actions émanant des Etats qui soient efficaces. Rien n’existe en vue de se mobiliser ou de trouver les moyens de prévenir, d’enquêter, voir de punir les coupables.

pourrons-nous espérer atteindre un jour les objectifs du millénaire pour les femmes, notamment pour leur sécurité et leur développement?
Le Rapport en 2010 du Secrétariat Général des Nations Unies s’agissant des femmes et des objectifs du Millénaire démontre que tout espoir est permis. Puisque sur 20 pays, les onze plus pauvres qui viennent d’Afrique ont fait des efforts!
Et près de la moitié des pays africains sont sur le point d’atteindre l’objectif de diviser par deux la pauvreté d’ici 2015. On a des raisons de se réjouir pour des pays comme le Malawi, le Niger, le Mali qui ont réussit à résorber de moitié le problème de la malnutrition et de la survie infantile.

Bien sur les écarts existent encore dans certains pays notamment pour l’éducation primaire et secondaire
avec la parité. L’écart par rapport aux filles s’est creusé, les filles ne sont pas assez présentes leur niveau de présence est tombé de 82 en 1999 à 79 en 2007. Le prochain Sommet du Millénaire en 2015 doit nous faire poser les bonnes questions, nous amener à réviser nos stratégies pour une action plus efficace allant dans le sens des femmes :
– Tenter d’ôter toutes les barrières qui handicapent les filles et les femmes.
– Faire en sorte qu’elles soient plus présentes à l’école, dans l’emploi.
– Développer des politiques pour leur permettre l’autosuffisance financière.

Par ailleurs, il faudrait obtenir à ce que les femmes soient plus présentes dans les hautes sphères des décisions politiques, ils faut qu’elles soient présentes aussi dans le tissu socio macroéconomique. Il faut leur créer des opportunités en ce sens.

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