A l’heure où les clivages identitaires vont bon train, que la donne sécuritaire en Europe nourrit amalgames, récupérations et stigmatisations de la communauté arabo-musulmane, toutes les initiatives en faveur du rapprochement et de la tolérance, sont bienvenues. Crédo et combat de la Communauté UFFPienne dans le monde, l’ouvrage de Nadia Hathroubi Safsaf est un magnifique message de dialogue et d’amour entre les confessions.
UFFP vous fait découvrir le premier roman de l’auteur qui signe , « Ce sont nos frères et leurs enfants sont nos enfants » aux éditions Zellige autour d’un sujet méconnu, les Justes musulmans. Il s’agit de résistants maghrébins qui cachèrent au péril de leurs vies des juifs menacés par les nazis. Une passionnante plongée dans la seconde guerre mondiale à travers le regard de Salah, jeune algérien arrivé depuis peu à Paris. L’auteure a choisi d’ancrer son récit dans un aller-retour entre le passé et présent. C’est la petite fille de Salah, Leïla, qui mène l’enquête au sujet de son grand-père disparu un tristement célèbre 17 octobre 1961. Cette quête de la vérité la mènera de Paris à Jérusalem.
Entretien avec UFFP
En préambule de votre ouvrage, on découvre deux citations très inattendues, une tirée du Coran et l’autre du Talmud…
Et vous remarquez que les deux disent presque la même chose : « Celui qui sauve une vie sauve l’humanité tout entière ». Je voulais rappeler cette proximité entre les deux religions. J’aime montrer ce qui rapproche les gens, les communautés plutôt que les choses qui divisent. Je regrette que dans notre société actuelle ne soit plutôt le contraire qui soit vendeur !
Comment vous est venue cette idée de roman ?
J’avais envie de rappeler à tous qu’il y a 70 ans, des musulmans cachaient leurs frères juifs. On a oublié cet épisode, il n’est pas étudié à l’école. A l’heure où l’on parle beaucoup de bien-vivre ensemble, cet exemple gagnerait à être davantage raconté, expliqué. C’est du concret et pas du bla-bla politique. Il y a des gens qui sont morts pour en sauver d’autres. Cela dit beaucoup : l’amour pour son prochain, la fraternité, la solidarité. Toutes les valeurs que j’aimerais transmettre autour de moi. Et plus particulièrement à mes enfants.
Expliquez-nous le titre ?
Il est tiré du tract de ces résistants algériens édités au lendemain de la rafle du Vel d’hiv qui dit ceci : « Hier à l’aube, des juifs ont été́ arrêtés, les vieillards comme les femmes et les enfants, en exil comme nous…Ce sont nos frères et leurs enfants sont nos enfants. Si quelqu’un d’entre nous rencontre un de ces enfants, il doit lui donner asile et protection… Enfant de Kabylie, ton cœur est grand. »
Je suis tombée par hasard dessus pendant mes recherches et il m’a particulièrement émue. Il illustre bien cette humanité qui habite ces résistants. Ils sont pourtant à cette période de l’histoire considérés comme de simples indigènes et ils mettent leur vie en danger pour un pays qui les méprise.
La Shoah, la guerre d’Algérie, le conflit israélo-palestinien, vous abordez des thèmes brûlants…
Oui c’est pour cela que le livre a mis du temps à mûrir en moi. J’avais peur d’être mal comprise. Mais tous ces thèmes font partie intégrante de l’histoire de France, je pense plus particulièrement à la déportation des juifs français programmée avec l’aide des plus grandes instances de l’Etat en juillet 1942, et les massacres du 17 octobre 1961. Ce sont des épisodes douloureux mais que je ne me suis pas interdite d’aborder. La petite histoire dans la grande histoire. C’est une manière de transmettre aux générations suivantes.
Le mot de la fin ?
Je le dédicace à Paris le 13 avril prochain à la librairie Le Divan. Et pour finir, je tiens vraiment à remercier mon éditeur, Roger Tavernier, qui a pris le risque d’éditer ce premier roman si particulier. Grâce à lui, je peux enfin mettre enfin un point final à cette histoire qui existait depuis trop longtemps dans ma tête. J’espère que le message d’espoir qu’il véhicule sera compris par le plus grand nombre.
Du même auteure :
-Immigrations plurielles-Témoignages singuliers, 2012. Les points sur les i.
-1983-2013, la longue marche pour l’égalité, 2013. Les points sur les i.
-La seule chose à briser, c’est le silence. (Collectif), 2015. Les points sur les i.