SEMAINE ECONOMIQUE DE LA MEDITERRANNEE 8E EDITION
Tourisme durable et solidaire dans la durée, une évolution viable et prospère pour la région ?
De notre envoyée spéciale Fériel Berraies Guigny.
Photos Diane Cazelles
Marseille a accueilli pour la huitième année consécutive, la “Semaine économique de la Méditerranée” du 5 au 8 novembre 2014. L’année dernière, c’était la Culture et son rayonnement dans la régionqui était à l’honneur, cette année, cap sur le Tourisme durable pour « la grande bleue » et ses implications pour insuffler un véritable dynamisme dans les économies des pays limitrophes.
Plus de 150 intervenants d’au moins 8 pays ont participé aux débats et divers ateliers ont eu lieu,autour entre autre du tourisme green et solidaire. Des thématiques qui ont suscité diverses réflexions et qui ont donné la parole à deux Mondes : celui de plus en plus complexe du Tourisme et celui de la Méditerranée.
Face à la mondialisation, la Méditerranée doit préserver son identité, ses spécificités.Les conférences de cette dernière édition ont fait la part belle aux questions relevant de la coopération internationale ; mais bien d’autres questions ont été abordées :l’eau,les voyages solidaires, le tourisme écologique, les partenariats entre collectivités locales.
Un Reportage de Fériel Berraies Guigny. Photos Diane Cazelles
La Méditerranée est la première destination touristique mondiale. Ce secteur constitue une part importante de l’économie des territoires. Source d’emploi et de développement, mais également de problématiques liées au tourisme sauvage et de masse qui a considérablement ruiné l’écosystème de la région. Les enjeux liés au développement méditerranéenet au tourisme durable nécessitentdes stratégies touristiques spécifiques. Dès lors, comment favoriser un tourisme compétitif, adapté aux nouveaux modes de consommation et aux avancées de la technologie, tout en restant socialement responsable et respectueux des ressources naturelles et culturelles de la région ?
Là est la grande question qui a été débattue durant ces trois jours.
SEM la semaine Economique de la Méditerranée :
La SEM a été lancée en 2006, organisée par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Ville de Marseille, la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole, l’Etablissement Public d’Aménagement Euro méditerranée, la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille Provence et le Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International. Elle est coordonnée par l’Office de Coopération Economique pour la Méditerranée et l’Orient (OCEMO).
Quelques chiffres sur l’industrie touristique en Méditerranée
Dans les pays du bassin (Europe du Sud, Méditerranée et Afrique du Nord), l’industrie touristique représente environ 7,7% du PIB. Malgré la crise économique et l’instabilité politique qui touchent différentes parties de la région, notamment depuis le printemps arabe,le nombre de touristes a augmenté de 6% en 2013, au point que dans certains pays, ce secteur représente plus de 18% du PIB (Maroc) ou 15% du PIB pour la Tunisie.
Mais le tourisme de masse a également amené son lot de contraintes : agression sur lanature, l’exode rural, l’urbanisation qui tue le littoral etc.
Partis de ce constat, plusieurs interventions durant les journées du Forum ont tenté d’apporter des réflexions sur la situation et sur l’opportunité d’ancrer dans les mœurs, letourisme durable.Aujourd’hui, en France et dans certains pays d’Europe, les voyageurs se disent prêts à agir en faveur de l’environnement et sont tentés par les formules plus ecofriendly ; et les professionnels du tourisme ont également emboité le pas,entamant une conversion en mode « green » mais les lenteurs persistent. Face aux grands groupes lowcost, les Tour Operators, les hôteliers et les agences de voyages, doivent trouver une nouvelle forme de survie, qui leur permette de garder leur indépendance, tout en optant pour des formules plus vertueuses.
Une Ouverture qui place le tourisme durable à visage humain dans la durée
Pour le Président de la région PACA, Michel Vauzelle, qui a inauguré par son discours de bienvenue cette huitième édition de la Semaine Economique de la Méditerranée (SEM), le tourisme est fédérateur et tisse les liens entre les populations des deux rives. « Ce sujet est très important pour les gens de la Méditerranée », poursuit Michel Vauzelle, « non seulement parce que certains pays en vivent, mais aussi car c’est grâce aux échanges dus au tourisme que les peuples évoluent et deviennent fraternels ».
Le Tourisme a survécu malgré la crise et pour certains, il y a lieu de rester optimiste.
Comme l’explique Elisabeth Viola, directrice régionale de la Caisse des Dépôts en Provence-Alpes-Côte d’Azur (France), « la crise a du bon. Elle nous oblige à repenser le modèle économique, à revisiter nos façons de faire. Aujourd’hui, il nous faut travailler avec les territoires. La Caisse a créé un fond d’investissements réservé au tourisme social. Nous allons donc être attentifs à une vision patrimoniale et durable. »
Ainsi sans rester statique dans les formules et les offres, il faut sans cesse savoir se réinventer, pourattirer les touristes, ce qui serait pour l’instant, le seul modus operandi viable.
Le Tourisme social et solidaire, le tourisme de demain ?
Selon une étude de l’OMT, 88 % des voyageurs français veulent un tourisme plus « vertueux » : quand ils voyagent, ils sont de plus en plus soucieux de connaitre leur impact sur les cultures, les croyances et les territoires qu’ils visitent.
Territoires Solidaires, la Ville de Marseille, le ministère des Affaires Etrangères et du Développement International et la Commission Méditerranée des Cités et Gouvernements Locaux Unis (C.G.L.U) ont organisé une réflexion sur la thématique du tourisme solidaire et de la consommation éco responsable. Car il est de plus en plus important, d’associer les populations dans les modes de consommation et pour ce faire, il est important d’associer les locaux aux projets de développement touristique de leur région. Ainsi, les Associations de tourisme solidaire, aux côtés de voyagistes responsables ont pu se réunir pour réfléchir aux nouvelles demandes de leurs consommateurs.
Car le Tourisme vertueux est le tourisme de demain, il inclue une chaine de valeurs qui pourrait amener sur le long terme, un meilleur respect des patrimoines naturels, tout en construisant dans la durée, une viabilité économique, sociale qui serait équitable pour les peuples de la région.
Le tourisme de randonnées,l’installation dans des eco-lodges, l’habitation chez l’habitant, ou encore,la mise en valeur des montagnes et ou parcs naturels, l’agritourisme, seraient les créneaux les plus à même de conforter cette nouvelle offre.
La mise en valeur des produits de terroir, le tourisme culinaire,l’utilisation des énergies renouvelables, la valorisation du tourisme culturel et le patrimoine, seraient également un autre aspect du tourisme solidaire, qu’il serait vraiment opportun de développer.
Tourisme balnéaire et de croisière en Méditerranée : l’envers du décor…
Ce sont les tourismes les plus en vogue et qui ont amené également, leurs lots de servitudes sur la région. En effet, les Croisières en Méditerranée, sont les formules les plus prisées, mais leurs répercussions restent catastrophiques. Sic’est un tourisme qui dure,il n’est pas durable pour le littoral.
Le Tourisme des croisières représente environ 4,5% de l’économie liée au tourisme en général et génère quelques 4 milliards d’euros avec la seule construction des navires, un business à 99% européen.
« Les Allemands, les Italiens et les Français sont les plus grands constructeurs de bateaux de croisières », explique Cédric Rivoire Perrochat, directeur de CLIA-France (l’association internationale des compagnies de croisières). En outre, 76% des navires mondiaux se trouvent en Méditerranée.
Mais ce tourisme de masse reste nocif. A Venise, qui compte environ 270 000 habitants, douze paquebots débarquent chaque jour à quelque pas de la place Saint Marc. Et les protestations ne manquent pas : à partir du 1er janvier 2015, certains grands bateaux ont pris la décision de ne plus faire escale dans la ville tant qu’un nouveau point d’amarrage ne sera pas trouvé.
Le tourisme qui fédère et fait le lien entre les peuples de la Méditerranée
Tout en restant une activité, le tourisme peut donc rapprocher et fédérer les pays. Le futur de notre mare nostrum, notre mer commune, ne doit pas être négligé.
Malgré les profonds bouleversements générés par la crise économique, un certain repli sur soi, le printemps arabe, le Tourisme en Méditerranée reste florissant.
On compterait 902 mrds€ de recettes. Ce chiffre atteint même les 1 100 mrds€ en comptabilisant les gains engrangés par les transports des voyageurs.
En 2013, les arrivées internationales vers la Méditerranée atteignaient les 330 millions de touristes et se trouvent en augmentation constante chaque année. Comme le précise Michel Julian, coordinateur des tendances et des stratégies marketing pour l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), « la Méditerranée est la principale destination au monde en tourisme international mais aussi interne.» France, Italie, Grèce, Espagne, Turquie, pays moteurs du tourisme méditerranéen, captent à eux-seuls plus de 80% de ces arrivées.
Alors que l’on boude l’Afrique du Nord, apparition des nations émergentes
De nouvelles destinations sont en train de se profiler comme le Monténégro. Avec des arrivées touristiques progressant de 22% entre 1995 et 2012. Sur la même période, la Croatie progressait de 12,1%. Au sud, des efforts sont faits comme en Egypte où des millions de livres égyptiennes ont été investies en 2014, dont une grande partie pour aéroport de Borg el Arab près d’Alexandrie.
Le tourisme, un secteur économique de premier plan en Méditerranée
Le tourisme constitue un secteur porteur qui représente près de 12% du PIB des pays du bassin méditerranéen avec des pics à 19% au Maroc, 15% en Tunisie. La France, l’Espagne, l’Italie et la Turquie font partie des dix pays au monde attirant le plus de touristes. 20 millions de Méditerranéens travaillent dans ce secteur.
Malgré la crise économique et l’instabilité politique qui touchent l’ensemble de la région, la Méditerranée demeure la destination la plus prisée au niveau mondial, accueillant près de 30 % du total des voyageurs. Mieux, alors que la croissance fait défaut au sud comme au nord, cette industrie a le vent en poupe. En 2013, le nombre de voyageurs optant pour le bassin méditerranéen a augmenté de 6% par rapport à l’année précédente.
Mais la croissance n’est rien si elle n’est pas durable. Pour beaucoup la Méditerranée est devenue une poubelle et les constructions sauvages et l’exploitation irraisonnée de l’eau,la flambée du prix de l’immobilier, l’invasion de hordes de « visiteurs risquent de plomber la donne si l’on ne fait pas attention ».
Pour Bruno Carlier PDG de Wannago, il faut plus que jamais, tenir compte des changements climatiques, préserver les ressources naturelles et tenir également compte des tensions sociales, thèmes que l’on a beaucoup étudiés dans les régions qui ont subi le printemps arabe. Certes la crise et les printemps arabes n’ont pas épargné ce secteur au nord comme au sud. Mais ces freins au développement se sont finalement avérés de bons aiguillons pour réinventer le tourisme méditerranéen en travaillant sur les logiques de territoires et sur un tourisme plus durable.