Soukeina Bouraoui Présidente de CAWTAR

  • By SLKNS
  • 16 novembre 2012
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Par Fériel Berraies Guigny
Juriste de formation mais n’ayant jamais exercé en tant qu’avocate elle n’en reste pas moins une grande militante tunisienne pour le droit des femmes. Pionnière en Droit de l’Environnement à la base, rien ne l’a prédestinait à suivre son parcours actuelle. Pourtant elle est aujourd’hui, une des figures de proue du féminisme actif en Tunisie. A la tête de CAWTAR, centre de recherches pour les femmes, en tant que Directeur exécutif, Soukeina Bouraoui est une femme engagée sur plusieurs fronts.


Nous l’avions approchée lors de la dernière rencontre de l’OCDE pour les femmes Chef d’Entreprise du Sud et une nouvelle fois au panel Mazars au forum des femmes de Deauville 2011. Portrait d’une femme déterminée.
Bio Expresse :
Après un doctorat de philosophie pénale, et une agrégation en droit, elle répond un appel du gouvernement tunisien qui ayant éliminé le Ministère de la Femme, décide de créer un centre de recherche sur les femmes. Elle exercera pendant cinq ans, mais elle sera ensuite remerciée par le régime de l’époque, raisons en coulisse  » elle était trop démocrate » retour pour un temps à l’enseignement supérieur. C’est dans le cadre d’un programme d’innovation universitaire, qu’elle proposera la création d’un DEA de Droit l’environnement qui s’intéressera à l’aménagement des territoires et des espaces.

Dans le monde musulman parler de l’environnement est plus facile que des femmes
Cela reste une valeur universelle que l’environnement et sa protection  » si l’on dit que les femmes leurs droits sont universels, on nous dira non il y a des spécificités culturelles et il faut en tenir compte » explique Soukeina Bouraoui. On peut dire que la pollution qui se fait par ex à Marseille touche par ex la Tunisie mais si on dit  » le racisme à Marseille touche la Tunisie, et bien on dira que ce n’est pas pareil » etc. cela n’est pas politiquement correct quand il s’agit d’humain à l instar du droit de l’environnement. Aujourd’hui avec l’ère nouvelle qui s’ouvre à la Tunisie, on aimerait penser que l’on pourrait appliquer le package de conventions internationales sur l’environnement dans le pays nouvellement démocratisé. Passer du droit de l’environnement au droit des femmes du point de vue des principes généraux, cela reste la même chose, il ne « s’agit pas de deux discours différents et je suis parfaitement » à l’aise explique la juriste tunisienne.

L’histoire de la Tunisie une histoire tissée par les femmes
Depuis la fondation de Carthage et historiquement, depuis la Kahena la juive tunisienne qui a résisté aux invasions, il faut savoir que le rôle des femmes a toujours été prédominant. Après il y a eu la phénicienne Didon qui a fondé Carthage. Les Saintes comme Sayda Mannoubia qui ont aussi marqué l’histoire, toute l’histoire est tissée par les femmes tunisiennes. La Femme de Bourguiba était forte, celle de Ben Ali omnipotente avec les excès qui ont conduit au renversement du régime. Les femmes ont toujours compté, la Révolution tunisienne s’est faite par les hommes mais aussi par les femmes. La Tunisie est bien le seul pays du Monde arabe a avoir porté sur les épaules des hommes des femmes !
Les femmes ont fait la révolution, elles se sont battues avant et après la révolution et aux côtés des hommes pour avoir la loi sur la parité « on est un des rares pays dans le Monde à l’avoir obtenu aussi vite pour les élections » ajoute Soukeina Bouraoui mais la démocratie implique aussi de laisser les politiques faire les lois qu’ils veulent. En Tunisie, la liste fut panachée, mais les cent listes ont impliqué les fragmentations des voix et ce sont les têtes de liste qui sont passées et il n’y avait pas beaucoup de femmes sur les têtes de liste. Si la loi de la parité est là au niveau légal, au niveau de l’implémentation ce ne fut pas le cas. Si on avait choisi le quota de 30% qui est la masse critique on aurait eu 30% au lieu des 10% entre le quota ou la parité tout le monde a choisi la parité!
La révolution a libéré la parole en Tunisie !
Aujourd’hui, les femmes et les hommes parlent, les islamistes et les gens de gauche aussi. Tout le monde parle, et la plus haute voix décide mais ce que l’on doit savoir c’est qu’en politique ce n’est pas la voix uniquement qui parle  » mais l’argent, les campagnes électorales et avoir les moyens » explique Soukeina Bouraoui .
Dans les pays les plus démocratiques c’est ainsi que cela se passe « ‘ ce ne sera pas le premier sentiment du tunisien qui primera mais l’influence de certains qui seront aidés par leur multinationale, par des fonds etc » explique Soukeina Bouraoui. On a fait en sorte que la publicité politique soit aussi réglementée soit par 3 mns chacun par temps de parole  » mais on reste immature, en classe primaire car l’on est pas habitués à parler et on sait pas toujours vendre nos programmes » explique Mme Bouraoui.
Les droits ne sont jamais acquis pour l’homme et la femme du Nord au Sud
Rien n’est jamais acquis et l’histoire de l’humanité le prouve. Les errements politiques du Nord au début de la révolution on peut à la limite les oublier mais aujourd’hui, il faut redresser le tire  » nous n’avons plus besoin de discours » argumente Soukeina Bouraoui, mais il faut des actions concrètes, des projets de développement voilà ce qu’il faut pour ces pays nouvellement libérés de la dictature. Il faut insuffler de l’aide dans les régions défavorisées, aider les jeunes, les femmes et les enfants. La Tunisie est encore un champ exploratoire extraordinaire et ce qui a été proposé au Davos et au G8; c’était rien  » l’argent promis n’est pas arrivé » du coup la Tunisie a été dégradée dans les ratings alors que l’argent pour la Lybie on l’a trouvé tout de suite !
Le Nord devrait réaliser qu’il a besoin d’un Proche et Moyen Orient et d’une Afrique du Nord développée et démocratique, c’est une opportunité pour stabiliser la région.

CAWTAR
La question des femmes dans le Monde arabe est très complexe, il faut aborder ces questions avec précaution en faisant attention à ce que l’on dit  » nous les femmes on est mal comprises et des arabes et des autres » vues de l’extérieur aussi on a l’impression que dans la région MENA il n’y a que des femmes voilées or on se trompe, car il y a des chrétiennes, des koptes, des laïques et des athées, il ya une diversité extraordinaire. Pour changer les politiques à l’égard des femmes, il n’y a rien de mieux que la recherche et la récolte de données pour argumenter sur la situation de la femme. C’est ce que nous faisons dans notre centre de recherche; nous nous appuyons sur des études pour démontrer aux gouvernants le rôle et le poids des mesures incitatives à l’égard des femmes. Quand on a des politiques d’égalité homme femmes, la société toute entière est gagnante. Tous les pays arabes de la région MENA ont le plus bas taux de participation au marché du travail 20% la moyenne. La participation politique est autour de 15% ( pire que l’Afrique Subsaharienne) CAWTAR fait de la recherche mais dans une perspective de plaidoyer pour la femme arabe. Parallèlement, il y aussi des projets de développement sur le terrain pour démontrer la viabilité de nos études. Nous avons eu par ex une subvention, de la Banque mondiale pour lancer un réseau Angel qui est mixte et qui a réunit des personnalités qui travaillent autour du genre et du développement. Prés de 450 membres individuels ou institutionnels, des ex ministres tout cela pour faire évoluer l’image que l’on a de la femme et du rôle qu’elle peut jouer dans la société. Avec l’interprétation de l’Islam qui existe dans les différents pays arabes et musulmans, si les femmes se mettaient ensemble que l’on réunissait toutes les jurisprudences créatives et les fatwas on verrait que l’on aurait les mêmes droits qu’une occidentale. C’est l’interprétation qui change, il y a donc flexibilité pour tout. Le droit musulman peut s’adapter à tout

Exégète coraniques au féminin
On entend de plus en plus la voix des femmes musulmanes, surtout celles qui se mettent à étudier la théologie qui avant n’avaient pas droit à la parole. Avant c’étaient les hommes qui parlaient politiquement et religieusement. Maintenant les femmes font de la prêche pour l’Islam  » si on a du souffle que l’on est aidées, que l’on se mette en réseau, que l’on se respecte les uns les autres, qu’on admet la pluralité d’opinion » dans tous les forums du Monde et les grandes instances internationales, on finira enfin par comprendrai que la dimension genre est très importante qu’elle fait partie intégrante des questions de développement.

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