Par Fériel Berraies Guigny
Le récit du voyage de René Caillié paru aux éditions de la Découverte (2008) est tiré de la version originale du journal intitulé « Journal de voyage à Tombouctou et à Jenné » dans l’Afrique Centrale.
Il réunit un ensemble d’observations faites chez les Maures Braknas, les Nalous et autres peuples pendant les années 1824,1825,1826,1827, 1828 par René Caillé. Dans cette édition de 2008, l’orthographe de l’auteur a été scrupuleusement respectée. Deux volumes racontent comment de Caravane en Caravane, l’auteur déguisé en arabe, converti à l’Islam et le pratiquant scrupuleusement est allé à la rencontre des populations arabes et africaines. Alors que son histoire est entrée dans la légende, on ne connaît que très peu de choses sur la réalité quotidienne de ce périple. Les deux Tomes proposent une retranscription fidèle du vécu et du ressenti du voyageur. Reprenant intégralement la première édition de 1830 et mettant en lumière un tableau authentique des sociétés de l’époque. Le 20 avril 1828, le jeune René Caillié (28 ans) découvre Tombouctou, une cité interdite aux chrétiens, sur les bords du Niger. Elle était seulement connue d’après la description d’un voyageur des plus illustres du XVIe siècle, notre ancêtre européen d’Afrique, Léon l’Africain !
Le rêve fou d’un jeune européen
Fils d’un pauvre boulanger des Deux-Sèvres, René Caillié a grandi en rêvant d’Afrique. Il se fait enrôler comme moussaillon sur une escadrille qui quitte Bordeaux pour le Sénégal le 27 avril 1816. Elle compte cinq navires dont la frégate la Méduse, vouée à une tragique fin. René Caillié échappe au naufrage et arrive à Saint-Louis-du-Sénégal. Là, il a connaissance d’une expédition anglaise partie sur les traces d’un célèbre explorateur écossais, Mungo Park, aventurier dont on a perdu les traces depuis plus de dix ans en Afrique. Démuni et sans ressources, il tente de rejoindre l’expédition en question. Mais trop épuisé, il doit renoncer et retourne à Bordeaux.
Partir pour mieux revenir
En 1824, René Caillé peut enfin revenir au Sénégal pour réaliser son rêve de jeunesse. Le gouverneur de l’époque, le baron Roger tente de le dissuader en lui parlant des grands dangers qui l’attendent. Mais le rêve de Tombouctou est le plus fort. René Caillié rejoint un groupe de Maures et en un an, apprend leurs coutumes ainsi que quelques rudiments de langue arabe. Il s’applique à déchiffrer le Coran. Le 19 avril 1827, il quitte Saint-Louis avec une petite caravane, se faisant passer pour un enfant d’Alexandrie (Égypte) enlevé par les troupes de Bonaparte et désireux de revenir chez lui. Un an après son départ du Sénégal, il parvient au but.
La fin du rêve
Tombouctou ? Loin du rêve idéalisé, la ville africaine fleuve et désert, n’offre aucunes des richesses convoitées dont on a tant parlé dans les récits (toits en or, dallages,…) Après deux semaines durant lesquelles il accumule des notes entre les pages de son Coran, René Caillié prend le chemin du retour avec une caravane d’esclaves qui remonte vers le Maroc, dans des conditions très éprouvantes.
Le 5 décembre 1828, à Paris, en présence de l’illustre paléontologue Georges Cuvier, la Société de Géographie remet à René Caillié la somme de 10.000 francs promise au premier Européen qui ramènerait une description de Tombouctou.
René Caillié publie son Journal d’un voyage à Tombouctou. C’est aussitôt un grand succès de librairie. L’explorateur revient dans sa région natale où il meurt le 15 mai 1839, à 39 ans, marié et père de quatre enfants.
Déconstruire le mythe de l’aventurier conquérant
La réalité quotidienne de ce voyage à Tombouctou et ses contraintes n’ôtent pas le fait que ce périple est avant tout initiatique et visionnaire. Il signe les premiers échanges des sociétés africaines de l’époque, leurs échanges à travers le Sahara, du Maghreb à l’Afrique noire, au début du XIXe siècle, avant la pénétration coloniale européenne. Des observations sur les us et coutumes des peuplades de la région qui nous révèlent aussi le portrait d’un jeune homme d’origine modeste, humble et volontaire, assoiffé de connaissance et très curieux des autres. Homme de tolérance et d’échange. Le siècle des lumières a voulu faire de lui un précurseur de la conquête européenne dans ces régions. Fausse réputation. Car René Caillié n’était pas un aventurier ni un conquérant mais plus un rêveur des grands espaces, un être idéaliste, épris d’universalisme. Son Voyage et son récit fascinent toujours autant aujourd’hui, plus d’un demi-siècle tard. Ce journal et sa publication sont une grande première pour l’époque. Le voyage tout autant, un véritable exploit qui lui coûtera d’ailleurs la vie. Mais René Caillié a vécu son rêve, bien que le prix fut fatal. Cet homme restera à jamais, le voyageur européen qui a marché sur les traces de Léon l’Africain. Mais il n’est restera pas moins, un Monsieur tout le Monde, libre et obstiné. Il a vécu en marge de la Société, n’a cautionné aucune Académie. Il a choisi de se déclasser, à goûté à la pauvreté et à la faim pour mieux vivre son Afrique.
René Caillé Bio Expresse :
Né en 1799, René Caillié s’est embarqué pour le Sénégal à l’âge de dix-sept ans. Il est mort en 1838, des suites des maladies et de l’épuisement subis au cours de son voyage. Son voyage africain de 1824 à 1828, de caravane en caravane, déguisé en Arabe, converti à l’Islam et le pratiquant scrupuleusement, est entré dans la légende. C’est le premier européen après Léon l’Africain a avoir fait une expédition jusqu’à Tombouctou.