Tayyibah Taylor Musulmane féministe engagée pour la paix

  • By SLKNS
  • 16 avril 2012
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par Sylvia Barsotti-Marty

Tayyibah Taylor se décrit comme “une femme Musulmane qui aime la vie et l’aventure, voyager et écrire”. Née aux Caraïbes dans une famille chrétienne ouverte, elle grandit à Toronto et vit aux Etats-Unis depuis le début des années ’70.

 

C’est dans sa jeunesse que Lucie Marguerite Félicity rencontre l’Islam. Sa perpétuelle recherche spirituelle l’a mené à l’Université d’études Arabiques et Islamique à Djeddah. L’homme qui l’accompagne alors dans sa conversion et lui donne son prénom musulman deviendra plus tard son quatrième mari.
Aujourd’hui Tayyibah Taylor est une femme « poly tâches » : Maman de cinq enfants et grand-mère de cinq petits-enfants, elle s’implique dans la défense des droits des femmes et s’engage dans le dialogue interreligieux.
Elle est aussi éditrice et fondatrice-directrice en chef du magazine américain « Azizah, fenêtre sur le monde pour les femmes musulmanes ». Elle souhaite casser l’image de la femme musulmane véhiculée par les médias grand public qui la présentent soit en victime du joug des hommes soit en terroriste potentielle.

Entretien:
Comment avez-vous décidé d’agir pour la paix ?

L’être humain a été capable de trouver comment se rendre de l’autre côté de la terre et même sur la lune. Ce même esprit doit avoir la capacité de créer et réaliser la paix. Mais pour cela il ne faut pas se contenter de rester assis et d’attendre.
J’utilise ma vie pour défendre la paix. Je suis invitée dans le monde entier à prendre la parole au cours de diverses manifestations. Quel que soit le thème sur lequel je dois intervenir, j’essaye de parler de création de paix entre les peuples.
Mais la paix n’est pas seulement l’absence de conflit avec des pays tiers. La paix c’est quand on accorde de la valeur aux êtres humains et que les gens ont la possibilité de faire des choix.

Quelles sont les causes que vous défendez ?

J’ai créé le magazine « Azizah » pour aider les femmes musulmanes à s’émanciper en faisant entendre leur voix. Les articles sont écrits exclusivement par des femmes musulmanes. Je suis également membre du conseil consultatif « Shura Council » de l’association Wise Muslim Women. « WISE » est le sigle de Women’s Islamic Initiative in Spirituality and Equality (Initiative islamique des femmes en spiritualité et égalité). Nous luttons contre les violences faites aux femmes dans le monde en partant du constat que ces violences commencent bien souvent dans leur propre foyer. WISE a lancé le « Jihad contre la Violence ». Des femmes d’horizons très différents se sont unies dans cette bataille.

Tayyibah Taylor est devenue la porte-parole de ces combats en intervenant aux cours de différentes manifestations à travers le monde. Intervenante principale lors du lancement de la branche irlandaise de l’agence UN WOMEN (Femmes des Nation Unies) en mars 2011 à Dublin, elle a mis l’accent sur l’importance du dialogue interreligieux.

Pourquoi accordez-vous autant d’importance au dialogue interreligieux ?

La religion peut faire partie du problème à certains endroits. J’ai décidé qu’elle peut aussi faire partie de la solution. Aider les gens à comprendre des traditions différentes des nôtres amène la tolérance. Celle-ci entraîne l’acceptation de l’autre et pour finir l’amitié.
Parfois des personnes se montrent réticentes à engager le dialogue. Elles craignent d’être « contaminées » ou qu’on veuille les forcer à se convertir. En réalité, le dialogue interreligieux fortifie sa propre foi.

Quels seront les effets du Printemps Arabe sur les droits des femmes ?

Les peuples sont demandeurs de liberté. La possibilité de déterminer ses propres choix est un pas vers la démocratie. Les gens ne veulent plus être spectateurs de leur vie. Ils et elles sont devenus créateurs de leur vie.
Ces changements auront un impact politique pour les femmes. Je ne sais pas combien de temps cela prendra, mais chacun pourra participer pleinement à la vie de la société. Bien sûr, le cheminement n’est pas simple. Par nature, la démocratie a pour vocation de donner les mêmes droits à toutes et à tous. Encore une fois, je ne sais pas ni combien de temps ni quelle forme cela prendra. Mais le processus est en marche.
Les femmes étaient en première ligne, elles aussi aspirent à plus de liberté et à l’égalité. L’accès des femmes à l’éducation est primordial afin qu’elles puissent se défendre. Elles doivent connaître leurs droits pour les faire valoir. C’est dans ce but que j’ai contribué avec d’autres musulmanes américaines à la création d’une école islamique à Seattle en 1980.
En effet, le Coran aussi donne aux femmes des moyens de se défendre. Prenons l’exemple des petites filles Yéménites mariées de force : l’Islam ne reconnaît pas le mariage si l’épouse n’a pas donné son consentement. Ceci est un exemple où la tradition ancestrale imposée par les hommes se substitue à la religion. Les hommes ont profité pendant longtemps de la méconnaissance des femmes de leurs droits. Les choses commencent à évoluer, car il y a maintenant aussi des femmes exégètes du Coran (qui étudient et interprètent le Coran). Elles ne se laisseront plus opprimer au nom de la religion.

Vous êtes Maman de cinq enfants et grand-mère de cinq petits-enfants. Comment gérez-vous votre vie de famille, votre carrière et votre engagement féministe-activiste pour la paix ?

Je crois qu’en tant que femme j’ai la capacité d’être « poly tâches » ! Plus sérieusement, il faut un minimum d’organisation ! Il faut planifier, hiérarchiser les choses à faire. Il arrive que l’on doive faire un choix entre une demande familiale et un engagement dans la société où votre parole compte et peut faire avancer les choses. Il faut le faire comprendre à sa famille. On y arrive à condition de garder un équilibre entre les différents engagements. C’est comme pour l’hygiène alimentaire, pour les loisirs … il faut de l’équilibre dans tous les domaines !

Prochaine étape sur la route de la paix : Tayyibah Taylor est invitée à Malte pour la commémoration du 11 septembre 2001. Elle prononcera un discours sur l’importance de la paix entre les religions dans le monde « post-11 septembre ».

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