Elle est européenne et elle a découvert la Palestine au hasard d’une Mission avec une ONG, alors qu’elle était encore en formation Sciences Po. Le contact avec cette terre étrangère lointaine et si proche à la fois, va la marquer à jamais. Petit à petit entre ces retours incessants entre Gaza et Paris, se tissent des liens. Mais ce qui va tout changer, c’est lorsqu’elle rencontre des journalistes activistes. Anne Paq se sent alors investie moralement d’une mission: le devoir de montrer par l’image, ce qu’elle vit et ressent et ce qui se passe vraiment la bas. Elle n’a pas besoin de paroles ni de propagande, elle laisse juste les images parler.
UFFP vous la raconte
Photos tous droits reservés, all rights reserved : Anne Paq depuis les territoires de la Palestine. Gaza
Entretien avec Anne Paq
Parles de nous de ta formation?
j’ai une formation de sciences-politiques, puis je me suis spécialisée en droits humains. Je n’ai pas de formation en photographie où je suis autodidacte. J’ai appris sur le terrain, en compagnie d’autres photographes et je ne cesse d’apprendre.
Gaza et cette région, une zone de prédilection pourquoi?
Je suis arrivée en Palestine par un concours de circonstances. Une de mes professeurs de droit international avait des contacts avec une ONG palestinienne de défense des droits humains, et proposait un stage à ses étudiants les plus motivés. Je voulais aller dans un autre endroit mais cela n’a pas marché alors je me suis retrouvée en Palestine. Je suis restée depuis et me suis développée la-bas en tant que photographe. Je me suis trouvée engagée dans un collectif de photographes Activestills.org , ce qui m’a aussi motivée pour rester plus longtemps. Ensemble nous avons mené des projets et traiter de sujets qui nous tiennent à cœur. Même si la situation sur le terrain est très frustrante, je fais un travail qui me passionne.
Je pense qu’il y a tellement de dé-sinformation sur la situation en Palestine qu’il est important de mener un combat à ce niveau-là. Les photos parlent par elles-mêmes. Elles peuvent être un outil politique puissant. Pour être honnête, beaucoup de gens me disent toujours que je suis courageuse d’avoir fait ce choix, mais je ne considère pas du tout que j’ai fait un sacrifice, bien au contraire. Je fais ce que j’aime. La Palestine est aussi très attachante par bien des côtés.
Après quelques années où je me suis concentrée sur la Cisjordanie, j’ai eu enfin l’opportunité en 2010 de me rendre à Gaza. Depuis je fais des allers-retours et j’ai publié plusieurs reportages. Il me semble essentiel de parler de Gaza qui est encore plus isolée et est très mal représentée dans les médias.
Si je suis aussi engagée sur la Palestine, c’est que je considère que nous (les européens) avons une grande part de responsabilité. Nous seulement nous avons fermé les yeux et encourager la création d’un Etat sur la terre d’un autre peuple mais nous continuons à soutenir Israël qui continue en toute impunité de coloniser et d’opprimer un autre peuple, tout en énonçant des formules creuses sur la « paix » et le respect des droits humains. Cette grande hypocrisie est tout simplement in supportable.
Tu vis entre la France et la Palestine, comment vis au quotidien ces transitions géographiques?
J’ai beaucoup évolué. Au début j’ étais tellement révoltée par ce que j’avais découvert en Palestine que j’avais du mal à gérer les retours en France où finalement la plupart des gens connaissent peu la situation et ont bien évidemment d’autres centres d’intérêt. Avec le temps ; j’ai appris à faire un peu plus la part des choses et à arriver à me détendre. Il est aussi nécessaire quand on vit dans une situation sous tension de prendre du recul. Je suis plus tolérante non seulement envers les autres mais envers moi-même.
A travers l’image tu racontes l’humain, ces souffrances, ces espoirs, ces errances et questionnements?
Les personnes sont toujours au centre de mon travail photographique. Ce qui m’intéresse c’est de mettre des visages sur des questions politiques et sociales qui me tiennent à cœur, ce qui permet de toucher ceux qui voient les photos d’une manière directe et personnelle. C’est aussi une question de dignité, de donner la valeur à chaque personne que je photographie en mettant en lumière leur histoire. Je pense qu’il plus important de poser des questions et d’interpeller plutôt que de marteler des vérités ou des slogans. La photographie comme une invitation à la réflexion. Mais c’est aussi un outil de documentation. Les paysages ont changé et la photographie permet de mesurer ces changements. Il s’agit aussi quelquefois d’une manière très pragmatique de donner des preuves visuelles qui peuvent être utilisées dans des procès, comme par exemple la documentation des manifestations.
Une des choses aussi sur laquelle j’essaye de travailler est d’être impliquée dans les communautés que je documente en menant des projets photographiques ou audiovisuels. Cela permet de renforcer les capacités locales et de former des journalistes et photographes citoyens qui auront alors les outils pour se représenter eux-mêmes. C’est aussi une manière de redonner à la Palestine une partie de tout ce qu’elle m’a apporté.
Comment gères tu ce que tu fais sur le plan émotionnel?
Là aussi j’ai évolué. Au début je me sentais coupable si je ne pouvais pas me rendre à une manifestation ou à un événement. Je pensais que je ne serais pas une « bonne « activiste. Maintenant j’essaye de faire la part des choses, et de me dire que je fais ce que je peux. Je prends chaque semaine du temps pour moi, sans regarder les nouvelles et arrive à me déconnecter. Le fait d’être dans un collectif où on peut aussi échanger sur nos expériences est aussi d’un grand réconfort. Je ne suis pas seule à mener ces combats. Je pense cependant que sur le long terme, il est difficile à évaluer quel est vraiment l’impact de ce que je vis sur mon état psychologique. J’essaye d’être vigilante sur ce point et quand je sens que j’arrive à un point de rupture je prends plus de temps pour moi et j’en parle à des amis proches.
Ton métier est magnifique mais il est précarisé, et en plus tu as choisi dans l’exercer dans des zones à risques pourquoi?
J’ai choisi d’être indépendante, ce qui évidemment va de paire avec une certaine instabilité, mais si c’est le prix pour ma liberté alors je l’accepte volontiers. Je veux choisir mes sujets, et être libre dans la manière de les traiter. Les risques existent mais avec le temps on arrive à acquérir une certaine expérience qui est précieuse et aide à les minimiser. C’est aussi une part intégrante du métier que j’ai choisi. Encore une fois, je n’ai pas l’impression de me sacrifier, mais je me sens très chanceuse de pouvoir être passionnée par ce que je fais, et de sentir qu’à mon niveau même très modeste je peux contribuer positivement à faire évoluer les mentalités et j’espère inspirer les gens à agir.
Qu’aurais tu envie de dire aux lecteurs de UFFP, ta plus grande bataille? tes défis? tes frustrations?
Ma plus grande bataille est de lutter contre les idées reçues. Sur la Palestine, on est vraiment dans une situation paradoxale avec un nombre très élevé de journalistes et de photographes mais néanmoins l’information est toujours déformée. Beaucoup de personnes ne comprennent pas ce que cela veut dire pour les Palestiniens de vivre sous une occupation militaire brutale doublée d’une colonisation incessante de leurs terres. Il y a aussi une forte polarisation des opinions, pour la plupart basées sur des préjugés ou des mensonges. Les gens ont des opinions très tranchées alors même qu’ils ne se sont jamais rendus sur place. C’est très frustrant d’avoir des gens qui réfutent ce que vous avancé alors même que vous en avez été un témoin direct. Il faut aussi se battre contre un sentiment assez généralisé d’apathie ou d’impuissance. On peut tous s’impliquer à des degrés divers pour lutter contre les injustices, que ce soit sur la Palestine ou sur d’autres sujets. Mais ne restons pas indifférents ou défaitistes.
News actus expo à venir?
Je travaille sur une exposition sur les artistes et les scènes alternatives à Gaza, en partenariat avec le consulat français de Jérusalem. Il me semblait intéressant de montrer cet aspect peu connu de la Palestine. Il y a une scène artistique et alternative vibrante à Gaza avec des peintres mais aussi des jeunes qui, contre les traditions, ont choisi des moyens alternatifs de s’exprimer tels que le parkour, le rap ou le break dancing. Il s’agit de présenter une dimension positive ; mais tout en ancrant cela bien évidemment dans le contexte politique qui affecte durement les Palestiniens vivant à Gaza sous un siège qui dure scandaleusement depuis plusieurs années. L’exposition sera montrée à partir de septembre en Palestine et j’espère internationalement.
J’ai aussi travaillé en tant que co-productrice sur un documentaire sur les cerfs-volants et la résistance créative à Gaza appelé Flying Paper (http://flyingpaper.org/) qui est en train d’être montré dans des festivals.
Sites pour découvrir le travail formidable d’Anna Paq
Website: http://www.annepaq.com/new/
Member of www.activestills.org
blog: http://chroniquespalestine.
Le site de Activestills.org
n’hésitez pas à la contacter pour des collaborations photographique on location.