Gérald Godreuil est le Directeur de la fédération Artisans du Monde, il est arrivé dans la « Maison » depuis 1999 après avoir occupé plusieurs fonctions notamment dans le service civile à Artisans du Monde. Détenteur d’un diplôme en logistique des échanges internationaux, c’est un homme de contact et de terrain, qui a œuvré et animé des fonctions au sein du développement du réseau et également au sein du développement commercial de la Fédèration. Il a été très actif pour tout ce qui est garantie du commerce équitable, recherche de fonds etc.
Fairpride 2014 UFFP était partenaire média et également programmatrice de la Caravane UFFP durant le défilé de mode éthique.photo Damien Paillard pour UFFP all rights reserved
Gérald Godreuil malgré un emploi du temps chargé a accepté de nous donner cette jolie interview. Et c’est avec un grand plaisir que nous aimerions vous faire découvrir, un homme de cœur, engagé depuis toujours pour la cause du solidaire et du responsable pluriel. Gérald Godreuil, tout comme tant d’autres qu’ils soient salariés ou bénévoles au sein de la Fédèration, oeuve sans relâche pour ce beau projet d’humanité. Qu’UFFP soutient depuis plus de trois ans déjà.
Entretien avec Gérald Godreuil Directeur de la Fédération des Artisans du Monde
Gérald Godreuil, Directeur de la Fédération des Artisans du Monde
Entretien :
- Quarante ans de commerce équitable, cela se fête? qu’est ce que cela signifie aujourd’hui pour vous et la Fédération?
40 ans, c’est un bel âge ! Cet anniversaire est l’occasion pour les 6000 bénévoles et salariés engagés à Artisans du Monde, de célébrer un mouvement qui a permis et permet à des milliers de producteurs des pays du sud, de vivre plus dignement de leur travail, et qui a contribué à une prise de conscience et une meilleure information du consommateur sur les conditions de productions des biens que nous achetons. C’est une certaine fierté d’avoir lancé en France le commerce équitable (qu’on appelait « commerce alternatif »), de démontrer qu’il est possible de faire du commerce autrement, en respectant les droits humains, l’environnement, la culture, les savoir-faire des artisans.
Les 40 ans sont fêtés toute l’année par les associations locales Artisans du Monde. La fédération ADM organisera un évènement en novembre, à Paris, pour partager avec les militants ADM, des partenaires, 40 ans d’actions et se projeter sur l’avenir.
- Si vous aviez à faire le bilan? vos défis et vos acquis?
Le commerce équitable est un outil très efficace de réduction de la pauvreté, des inégalités. C’est aussi un outil concret d’éducation à une consommation responsable, à une citoyenneté mondiale, car il permet de donner au public des clés pour comprendre les impacts sociaux et environnementaux du modèle économique libéral dominant, et comment par nos choix de consommation, l’action citoyenne, individuelle et collective, nous pouvons faire changer les pratiques et règles du commerce international. Le commerce équitable propose une réelle alternative aux consommateurs.
Dans un contexte de crises qui pourrait générer un repli sur soi, une baisse des achats équitables, souvent considérer comme plus cher (à tort car il faut comparer ce qui est comparable), il est important pour Artisans du Monde de pouvoir continuer à mobiliser et engager les consommateurs, les citoyens, à soutenir des modes de productions équitables et durables.
Inscrit historiquement dans une relation nord/sud, le commerce équitable est devenu sud/sud, nord/nord, c’est-à-dire que les consommateurs sont aussi au sud ; les producteurs du nord se retrouvent dans les principes du commerce équitable. Un objectif fondamental du commerce équitable reste de permettre à des producteurs du sud d’améliorer leurs conditions de vie, mais cela ne passera pas uniquement par le partenariat commercial et l’augmentation des débouchés dans les circuits de commerce équitable.
Il faut s’attaquer aux causes des inégalités. Le fameux changement d’échelle du commerce équitable passera par un changement des pratiques et règles du commerce international qui met en concurrence des pays, des peuples, où les droits humains et le respect de l’environnement sont perçus comme des contraintes. C’est pour répondre à ce défi qu’Artisans du Monde agit au quotidien, aux côtés d’autres acteurs de la société civile du nord et du sud, pour soutenir une agriculture paysanne (à même de répondre aux défis de proposer une alimentation de qualité et en quantité suffisante, de créer de l’emploi, de préserver la biodiversité), pour faire reconnaître le droit à la souveraineté alimentaire, promouvoir une économie solidaire, plaide pour une régulation du commerce international fondée sur le respect des droits humains.
Cette action politique fait partie de l’adn d’Artisans du Monde. La vente et l’éducation / plaidoyer sont pour nous des actions indissociables pour construire UN commerce équitable.
- Pouvez nous expliquer le fonctionnement de la Fédération des Artisans du Monde, et pour ce qui est des boutiques, pour une marque quels sont les critères d’éligibilité?
La fédération ADM regroupe les associations Artisans du Monde et des membres relais. Ces structures sont animées par des bénévoles (environ 6000 sur toute la France) et une trentaine de salariés, qui sont actifs sur ce qu’on appelle les « trois piliers ». Ils vendent des produits alimentaires et artisanaux du commerce équitable dans des boutiques à l’enseigne Artisans du Monde, sur des marchés, aux collectivités, …, ils mènent des actions d’éducation en milieu scolaire et des campagnes d’opinion et de plaidoyer. La Fédération ADM accompagne ses membres par la conception d’outils de communication, d’éducation, de campagnes, l’animation de formations, l’appui au fonctionnement des associations (gestion, bénévolat,…), veille au respect de la garantie équitable sur toute la filière (producteur, importateur, distributeur) et représente le mouvement dans divers collectifs nationaux et internationaux.
Les points de vente ADM sont des espaces de vente et d’information « 100% équitable », cela signifie que les produits vendus doivent répondre aux critères du commerce équitable et couvert par des systèmes de garantie reconnus. On trouve aussi de plus en plus de produits « locaux », dans l’objectif de soutenir des initiatives de l’économie solidaire de proximité.
- La Faipride une idée originale de ? il semble qu’il y ait eu une Green pride non ?
Oui en effet, la greenpride a été créée quelques mois après la 1ère édition de la Fairpride.
Affiche officielle de la Fairpride 2014: photo crédit Gabrielle Birnholz UFFP reporter United Fashion for Peace all rights Reserved
Cet événement est davantage orienté sur la santé et a vocation à se renouveler sous un autre format, notamment sous la forme de table-rondes, débats sur la question des perturbateurs endocriniens entre autres…
- Le tout consommer intelligent et durable, c’est un combat véritable, dans ce monde globalisé, il n’est pas facile de pouvoir se positionner quand on est éthique, quel modus operandi? des conseils pour les artisans durables du monde qui veulent s’exporter?
La prise de conscience de l’impact de nos choix de consommation sur la planète, notre santé, et pour les producteurs, s’est traduit par une évolution visible des pratiques alimentaires des consommateurs (bio, circuit court). En dehors de l’alimentation, le changement des habitudes d’achat reste plus marginal. Le consommateur de mieux en mieux informé sur les conditions de productions dans le secteur textile (drame du Rana plaza en 2013), les effets du tourisme de masse, se montre moins enclin à changer ses habitudes.
On observe la grande difficulté de la mode équitable, éthique, à percer. En France, presque toutes les petites entreprises textiles de commerce équitable ont disparu, ont du fermer boutique. Le coton équitable reste un marché en développement, notamment via la commande publique, mais les créateurs et les entreprises de textile n’ont pas réussi à trouver le modèle économique permettant d’assurer leur pérennité. Dans nos boutiques Artisans du Monde, le rayon textile s’est fortement réduit ; y subsiste les accessoires de mode (écharpes, gants, …). La mode est un secteur difficile car très concurrentiel, prix bas, plusieurs collections… Les ventes d’artisanat équitable sont en recul. Trouver de nouveaux débouchés pour les artisans est un défi permanent. Au-delà de la vente via nos boutiques et site internet, nous avons soutenu l’ouverture de boutiques par les organisations de producteurs (à Marrakech, à Dakar) et de tourisme équitable pour diversifier les débouchés et les revenus des organisations.
L’exportation peut être un levier utile pour améliorer la qualité des produits, apprendre à respecter un cahier des charges d’une commande de produit, et aussi des critères du commerce équitable. Il est important de pouvoir trouver des débouchés au niveau local et régional.
- le Green Washing est très présent en France et dans pas mal de marques alimentaires ou make up ou textile, pourtant c’est un passage nécessaire ? on a l’impression que lorsqu’on est écolo et green et durable, on est à contre courant et les politiques ont encore du mal avec nous?
Il y a de plus en plus d’entreprises engagées sincèrement dans une démarche de production responsable, durable. Des labels permettent de guider le consommateur même si ces labels, de plus en plus nombreux, ne sont pas toujours très exigeants et très lisibles. Il est difficile de généraliser mais on peut observer un écart entre la communication des entreprises sur leurs bonnes pratiques durables, rapportées à l’ensemble de leurs pratiques avec leurs fournisseurs, les conditions de productions des biens qu’elles distribuent. On peut parler de green ou fairwashing, qui sert à redorer l’image de grandes enseignes.
Force est de constater que les intentions des pouvoirs publics d’agir pour un développement durable, se heurtent à des intérêts privés qui combattent la mise en place de régulations sociales et environnementales, la responsabilité juridique des entreprises des entreprises multinationales, qui seraient les outils indispensables et efficaces pour changer les pratiques des transnationales et encourager des pratiques respectueuses des droits humains et de l’environnement. L’évolution du code des marchés publics est une avancée dans ce sens.
Mais il reste très difficile pour une entreprise « éthique » de se développer dans un cadre qui n’est pas favorable aux entreprises « vertueuses » puisque les règles existantes les mettent en concurrence avec des acteurs économiques peu soucieux des impacts sociaux et environnementaux. A ce niveau, la pression du consommateur et du citoyen (électeur !) est essentiel. L’éducation des consommateurs est donc un enjeu fondamental.
- Comment sortir des discours culpabilisants et faire son chemin ? UFFP notre cas est altermondialiste et prend le relais des indignés du Monde, dans ma team, chacun de nous a été sacrifié par le capitalisme déshumanisé, comment redonner espoir aux artisans, aux créatifs, aux initiateurs comme nous qui tentons d’inverser le scénario?
Les entreprises de la mode, de la grande distribution, pour se dédouaner de leur responsabilité sur les conditions de travail, les salaires de misère payés aux ouvriers du textile, du jouet, … invoquent souvent la demande de prix bas par le consommateur. Pourtant la part de la main d’œuvre dans le prix des produits est souvent très faible comparée aux coûts marketing, publicitaires, aux dividendes versés, … Les entreprises fuient leur responsabilité.
Le prix des uns est le salaire des autres. Il faut être conscient que lorsqu’un prix est bas, c’est forcément au détriment de personnes dans la filière. Un prix élevé, surtout s’il est justifié par une « marque », ne garantit pas nécessairement de bonnes pratiques. Le consommateur doit s’informer. Il peut agir en achetant mieux (et peut être moins), en privilégiant la qualité du produit, la qualité sociale, en s’informant et en interpellant les marques, des distributeurs sur leurs pratiques.
- Quelle est votre vision de la crise au Sahel et du printemps arabe, comme vous le savez, c’est encore plus dur pour nous?
Concernant le printemps arabe, je crois qu’il nous importe à nous, ONG que ces « révolutions » soient l’occasion pour la société civile de trouver sa place dans la gouvernance nouvelle de ces pays. Nous espérons aussi que cela soit l’occasion pour les producteurs de ces pays de trouver les appuis et les marges de manœuvre pour s’organiser et s’inspirer des démarches de commerce équitable comme levier économique d’émancipation en complément de leur action citoyenne à l’origine de ces « révolutions »…
bonjour monsieur Gérald Godreuil nous somme une association de commerce de tambour et djembé équitablement et des produits viviers si possible accompagner des images veuillez nous contactez a cette adresse pour prise de contact : sidibeseydou213@gmail.com je vous souhaite une bonne année 2016.