Anne Claire Laronde Conservatrice de la Cités Internationale de la Dentelle et de la Mode à Calais
Anne-Claire Laronde est originaire de la région parisienne. Après avoir étudié l’histoire de l’art et l’ethnologie à l’école du Louvre et à la Sorbonne, elle obtient le concours de conservateur territorial du patrimoine. Elle décroche son premier poste au château-musée de Boulogne-sur-Mer où elle passe 6 années. Elle a été nommée à son nouveau poste à la Cité de la dentelle de Calais depuis le 2 janvier dernier. Cette jeune conservatrice est en passe de révolutionner les standards de ce joli Musée. Entre autre projets, Anne Claire souhaite dynamiser davantage les liens avec le monde de la mode et de la Haute-Couture. En effet, bien que les collections du musée soient axées autour de trois axes historiques complémentaires (dentelle, mode et technique), elle reste désireuse de redévelopper l’identité de la Cité autour de la mode.
Par Fériel Berraies Guigny. Photo Diane Cazelles
C’est d’ailleurs, le seul musée au nord de la France à traiter la thématique de la mode en connexion avec la dentelle. UFFP en voyage de presse exclusif pour la Cité de la Dentelle et dans le Cadre de l’Exposition SensationS d’On Aura Tout Vu, s’est entretenue avec elle, le mois de septembre dernier.
Anne Claire Laronde, Conservatrice du Musée de la Dentelle et de la Mode de Calais
Entretien avec UFFP
Vous avez appris votre passion pour votre métier comment ? J’ai appris mon métier au Musée National des traditions populaires qui est le MUCEUM ouvert aujourd’hui à Marseille. Dans le domaine de l’ethnologie, j’ai en effet un parcours dans l’histoire de l’Art et l’Archéologie, donc ces domaines m’ont toujours passionnée.
Alors quel lien avec la dentelle ? Et bien le lien vient du fait que l’on est sur du vivant, on est sur une industrie qui touche aux pratiques sociales. On porte la dentelle et on parle aussi de la place du textile dans nos vies. On est vraiment en lien avec les populations d’aujourd’hui.
Dentelle de Calais, c’est un label mais parfois on ne réalise pas ce qu’il y a derrière’ le label ? Oui il y a véritablement un défi de compréhension qui qualifie un haut niveau de savoir-faire, mais qui implique une grande culture qui se transmet par la tradition orale. Les gestes sont très codifiés et donc comme c’est un savoir-faire qui est méconnu, le produit est méconnu. Donc aujourd’hui, on voit que ce produit est fondu dans des matières bas de gamme et l’on finit par le retrouver dans d’autres contextes et basés sur d’autres cultures.
Défi aujourd’hui ? Pour la dentelle, il faut continuer d’exister de façon dynamique en pérennisant la formation et la visibilité et de stopper la spirale infernale qui fait que depuis cinquante ans, les consommateurs ne savent plus quand ils portent de la vraie dentelle ou une autre qui serait de moyenne ou de bas de gamme et qui ne serait en fait qu’un tricot !
Comment reconnaître la vraie de la fausse ? il faut prendre son temps et bien regarder sa dentelle car l’on voit très vite le bon du mauvais mais il faut aussi savoir reconnaître les fils, il y a des fils qui nous permettent de tester la solidité d’un produit et de voir la qualité du nombre de fils qui passent et aussi de savoir reconnaitre le volume. Le bas de gamme se voit, on peut trouver une quantité importante de colle et avoir des fils entrecroises qui sont fixés par un dérive de colle.
En Europe comment se positionne la dentelle ? Calais n’est pas la Capitale de la dentelle en Europe et cela ne nous dérange pas, cependant en Asie, il est vrai que l’on a ce problème des productions et de l’apprentissage des techniques pour la dentelle bas de gamme.
Dentelle, un savoir-faire féminin ? C’est un métier très mixte et c’est paradoxalement aussi, un ensemble de métiers très sexué aussi. Encore aujourd’hui, chez les plus jeunes, il y a très peu de femmes qui font des métiers d’hommes et vice versa. D(‘un territoire de production à un autre, parfois les métiers ne sont pas affectés au même sexe. Entre Calais et Caudry qui produisent le même type de produits, certains métiers sont à Calais pour les femmes et à Caudry pour les hommes.
Vieillissement de la main d’œuvre ? Il y a et il y a eu, même si aujourd’hui, il y a un léger redressement, puisque on recommence à se ré intéresser à la dentelle surtout auprès des familles de Tullistes. Cela a été faux il y a un moment, car les familles avaient été traumatisées durant les 50 dernières années par les pertes d’emploi, mais il y a une montée en gamme et donc du coup même les employés ont une meilleure formation et il y a bien sur une montée en prix du produit.
Donc on va acheter mieux ? Oui c’est un produit très ancré dans la culture européenne et quand on porte de la dentelle, on porte de l’histoire !
Le Musée ? Et bien on voulait un Musée qui soit vivant qui fasse autre chose que d’exposer des morceaux d’histoire. Le Musée est dédié à la dentelle mais il présente aussi l’envers du décors avec les machines et des équipes qui tissent la dentelle devant les yeux du public.
Parlez-nous des programmations ? Pour rendre le musée vivant on élargit les thèmes par le biais des expositions temporaires et on a des expositions assez festives plutôt dédiées au vestimentaire, par ex on a là, la maison de Couture On Aura tout Vu, avec l’Exposition SensationS. Cette expo dure six mois jusqu’à fin décembre 2014.
De nouvelles programmations? oui nous aurons un prochain couturier mais beaucoup plus codifié, il s’agit de Cristobal Balenciaga, où nous verrons des usages trés codifiés mais très inventifs aussi de la dentelle. On parlera essentiellement des années 50 et 60.