Divers types de violence sur les femmes sont perpétrées dans le Monde. En temps de guerre mais aussi en temps de paix. Des violences qui touchent les femmes d’abord au sein de la famille ( harcèlement et violences conjugales, puis au sein du travail (au sein des usines textiles, dans les administrations, ou sur les champs quand elles travaillent dans les zones rurales ou même en détention) les femmes sont aussi victimes au sein de l’espace public ( harcèlement de trottoir comme on l’a vu particulièrement dans plusieurs pays du Maghreb dont la Tunisie, suite à une étude du Crédif sortie en 2016, attouchements sexuels dans les transports en commun comme en Egypte et ailleurs ou c’est criant, sans oublier le harcèlement sexuel et les viols qui bien que tabou dans les sociétés « dites » conservatrices sont une réalité aussi très contraignante face à une donne sécuritaire en question post printemps arabe et crise sahélienne à l’appui) tout est prétexte pour faire violence à la femme.
En Occident le menu est tout aussi corsé, hélas. Car les chiffres restent accablants, en 2020, prés de 123 femmes ont été tuées par leur compagnon, ex-compagnon ou amant, soit une tous les trois jours, selon le ministère de l’Intérieur. L’Institut national d’études démographiques estime par ailleurs qu’une femme sur sept a subi au moins une forme de violence sexuelle au cours de sa vie.
Nous étions conviées avec UFFP en France à la dernière conférence de l’Association Violences et Droits des Femmes, dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Pour nous l’opportunité d’écouter l’expertise mais aussi le témoignage de certaines femmes qui ont vécu des “effractions” tant physiques que psychiques.
Car la prise de conscience et la responsabilité ne peuvent avoir un poids uniquement si, nous décidons tous que c’est un fléau collectif et pas uniquement remis au gout du jour, juste le temps d’une date anniversaire, que ce soit la déclaration des Femmes de Beijing ou toute autre date.
La violence, la victimisation des femmes c’est tous les jours et cela ne doit pas être un fait divers raconté sur les journaux…
Fériel Berraies Guigny a rencontré la Psychologue Barbara Para pour évoquer les problématiques du “coming out ” des victimes de violences.

Barbara Para psychologue clinicienne photo DR
Entretien avec UFFP
1) Pourquoi seules 1 victime sur 6 porte plainte ?
Parce que la violence conjugale n’est pas seulement un fait. C’est un processus psychotraumatique qui altère la capacité d’agir.
Trois mécanismes majeurs expliquent le silence :
• La sidération traumatique : Le cerveau se met en mode survie : figement, perte de repères, incapacité temporaire à penser ou décider. Ce n’est pas de la faiblesse, c’est un réflexe neurobiologique.
• La peur des représailles : Menaces, chantage, harcèlement numérique, risque pour les enfants… Beaucoup de victimes savent que porter plainte peut déclencher une escalade de violence.
• L’emprise : Dévalorisation, isolement, culpabilisation : la victime finit souvent par croire qu’elle n’a “pas assez de preuves”, qu’elle “exagère”, ou qu’elle n’a “pas le droit” de dénoncer.
À cela s’ajoutent :
- la peur de ne pas être crue,
- la honte,
- la dépendance financière,
- et l’absence de soutien social.
Porter plainte n’est jamais un geste simple : c’est un acte de courage exposé, dans un contexte où la victime est fragilisée psychiquement.
2. Quelles formes de violence ?
La violence est multiforme, visible ou invisible.
Violences visibles :
- physiques,
- sexuelles,
- agressions directes.
Violences invisibles :
- psychologiques,
- économiques,
- numériques,
- sociales,
- dénigrement, gaslighting (déstabilisation mentale),
- contrôle coercitif.
Violence par négligence
Moins connue, elle consiste à priver volontairement la personne de soin, d’attention, de soutien, ou d’informations essentielles.
C’est une violence à bas bruit, mais dévastatrice.
La violence n’est jamais “simple”. Elle est souvent combinée, avec une stratégie de domination progressive.
3. Qui cela touche ?
Tout le monde. Tous milieux sociaux, âges, niveaux d’études.
Cela touche aussi les hommes, dans une moindre mesure statistique, mais avec les mêmes mécanismes psychotraumatiques.
Les violences conjugales ne sont pas un problème individuel. C’est un problème systémique, lié à la domination, au contrôle et au déséquilibre de pouvoir.
4. Y a-t-il des profils plus vulnérables ?
Oui, certaines situations ou certains traits de personnalité augmentent le risque.
Selon le DSM-5, les personnalités plus vulnérables face à l’emprise peuvent inclure :
- Personnalité dépendante (peur de déplaire, besoin d’approbation, difficulté à se séparer),
- Personnalité évitante (peur du conflit, faible estime de soi),
- Personnalité borderline (vulnérabilité émotionnelle, peur de l’abandon),
- Traumatismes précoces ou attachement insécurisé.
À cela s’ajoutent aussi des facteurs de contexte :
- isolement social,
- dépendance économique,
- handicap,
- précarité administrative,
- maternité (période à très haut risque).
Mais rappel essentiel : la vulnérabilité n’est jamais la cause. La cause, c’est l’agresseur.
5. Comment sortir de l’emprise ?
Sortir de l’emprise se fait en 4 étapes essentielles :
1. Sortir du déni
Accepter que “oui, c’est de la violence”, même si elle est invisible. Nommer les faits, c’est le premier acte de libération.
2. Prendre conscience du mécanisme
Comprendre l’emprise, les stratégies de domination, et l’impact psychique. La psychoéducation est un pilier majeur.
3. Être accompagné
Psychologue, associations, proches, médecin… On ne sort pas d’une emprise seul(e). Le soutien reconstitue les capacités d’action.
4. Prendre une décision nette
La rupture doit être claire et sécurisée, idéalement préparée avec :
- un plan de sécurité,
- un réseau d’appui,
- des démarches juridiques si nécessaire.
Ce n’est pas une question de volonté. C’est une question de reconstruction de ressources.
6. Pourquoi est-ce encore tabou ?
Parce que persiste :
- la culture du silence familial,
- la croyance erronée que “cela n’arrive pas chez nous”,
- la peur du jugement social,
- la honte,
- les stéréotypes de genre,
- la faible formation des professionnels.
Le tabou sert souvent… à protéger l’agresseur.
7. Pourquoi la victime pense-t-elle que c’est sa faute ?
Parce que l’agresseur fabrique cette culpabilité. C’est un outil de domination :
- reproches,
- inversions de responsabilité,
- gaslighting,
- critiques permanentes.
Psychologiquement, la victime finit par internaliser cette narration. C’est un symptôme, pas un choix.
8. Faut-il sensibiliser les enfants, et notamment les garçons ?
Absolument. Dès le plus jeune âge, il faut enseigner :
- le consentement,
- l’écoute émotionnelle,
- l’égalité filles-garçons,
- la gestion des conflits,
- la notion de respect.
Et il existe des outils concrets pour le faire.
Les ateliers et jeux ludo-pédagogiques d’Acomplice.fr, comme la série Marcel et compagnie, sont pensés pour cela : apprendre à reconnaître le harcèlement, affirmer ses limites, développer l’empathie, et comprendre les mécanismes de violence… dès le primaire.
Prévenir la violence, c’est d’abord apprendre la relation saine.
9. Ces violences traumatisent… mais peuvent aussi mener à des actes extrêmes ?
Oui, certaines victimes en danger réel peuvent commettre des gestes désespérés. Ce n’est pas une symétrie. C’est une réaction d’auto-défense après des années de menace. Les juridictions commencent à mieux intégrer cette réalité psychotraumatique, mais il reste du chemin.
10. Quel regard de la société ? Les femmes qui se défendent sont parfois inquiétées par la justice.
Oui. Certaines réactions de survie sont mal comprises. La justice doit encore progresser dans la lecture psychologique du trauma, notamment en intégrant systématiquement :
• La preuve du préjudice psychologique
Une expertise psychologique permet d’objectiver :
- l’état psychique,
- le traumatisme,
- la sidération,
- l’emprise,
- la dangerosité de la situation.
Ces documents sont essentiels pour éclairer les magistrats.
11. Que faire ? Quelle thérapie proposer ?
La prise en charge repose sur trois axes : sécurité, soutien, réparation.
Les thérapies recommandées par la Haute Autorité de Santé sont :
- TCC : comprendre les mécanismes de l’emprise, casser la culpabilité, reconstruire l’estime de soi.
- EMDR : retraiter les souvenirs traumatiques, réduire l’hypervigilance et les flashbacks.
- ICV (Intégration du Cycle de Vie) : thérapie plus récente, très puissante pour restaurer une sécurité intérieure profonde et une continuité du soi.
Autres approches utiles
- MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) : réduire le stress, réancrer le corps, diminuer l’hyperactivation.
- Groupes de parole,
- Psychoéducation,
- Accompagnement psychocorporel.
Sortir des violences n’est pas un acte isolé. C’est un parcours de reconstruction, où l’alliance psychologique, sociale et parfois judiciaire est indispensable.
Bio Expresse
Barbara Para est psychologue clinicienne et dirigeante d’Acomplice, un cabinet dédié à la qualité de vie au travail, à la prévention des risques psychosociaux et au management éthique. Elle accompagne les organisations, les managers et les équipes à grandir, se structurer et se transformer tout en préservant la santé mentale et les conditions de travail.
Elleexerce également en libéral au Cabinet Saint Louis, où elle prends en charge les traumas, les violences psychologiques et les situations émotionnellement complexes grâce à une approche intégrative mêlant TCC, EMDR, ICV et psychoéducation.
À travers JuriPsy, elle met son expertise au service des avocats grâce à des rapports d’expertise psychologique rigoureux, objectifs et éclairants, permettant d’objectiver les préjudices psychologiques et moraux dans les dossiers de harcèlement, violences, accidents ou conflits familiaux.
Egalement la fondatrice des ateliers Saint Louis, un collectif dédié au yoga, à la méditation et au bien-être, proposant cours, stages, programmes et outils ludo-pédagogiques pour favoriser l’ancrage, le souffle et la présence au quotidien.
Son travail se situe au croisement de la clinique, du trauma, des enjeux organisationnels et des exigences juridiques, avec une conviction forte : accompagner l’humain dans toutes ses sphères — personnelle, professionnelle, juridique et corporelle — permet une transformation durable.
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