Angelique Kidjo :Batonga le combat pour les petites filles

  • By SLKNS
  • 29 mars 2013
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Par Fériel Berraies Guigny

Angélique Kidjo est une chanteuse béninoise, une star internationale aujourd’hui établie aux Etats Unis. Auteur et compositeur, elle est lauréate de plusieurs Grammy Awards. Femme de coeur et d’engagement, fidèle à son Afrique natale, elle a associé son nom à la Fondation Batonga qui donne aux filles une éducation secondaire et supérieure afin qu’elles puissent prendre les devants et changer l’Afrique.


Entretien avec UFFP
Parlez nous de Batonga ? C’est une Association qui a vu le jour il y a quatre ans. Je suis Ambassadrice de l’Unicef et la raison de mon engagement est très simple: je voulais combattre la précarité des études secondaires chez les filles. C’est ma façon à moi de mettre un petit pied dans l’édifice des objectifs du millénaire d’ici 2015. Depuis mon engagement par rapport à cette cause je n’ai cessé de sillonner le Monde en demandant aux parents de mettre leur fille à l’école.

Cela a été efficace selon vous? Et bien tout ce que je peux dire c’est qu’en Afrique de l’Ouest où je parle certains des dialectes, on a commencé à mettre un nom à mon visage et on a commencé à réfléchir. Il y a trois ans de cela, je suis retournée dans certains des pays où j’ai fait campagne et certaines mères sont venues à moi pour me dire qu’elles comprenaient l’importance du problème, qu’elles avaient envie que leurs filles aient un meilleur avenir qu’elles.
En Afrique dès qu’on a les premières règles on cherche à marier les filles ; elles m’ont demandé aidez nous à faire en sorte qu’elles aient un autre destin » pour les sauver du mariage précoce. J’ai grandi en Afrique dans une famille pauvre, je ne sais que trop la chance de pouvoir s’en sortir malgré un destin qui est contre soi.

La nomination de feu la Kenyane Wangari Maathai cela vous a motivé? Oui, je me suis intéressée à sa vie quand elle était jeune fille. J’ai compris que parce qu’elle avait été boursière, qu’elle avait bénéficié d’une bonne éducation quand elle était jeune, elle avait tout simplement voulu rendre cela à la société. Cela m’a vraiment encouragée, j’ai compris alors le poids de ce message. Je connaissais quelqu’un aux Nations Unies et je me sentais prête à m’engager mais je ne voulais pas faire n’importe quoi.

L’Appel de vos racines? Oui je suis africaine, je viens du Bénin et je ne l’oublie pas!
Je voulais influer sur le cours des choses, j’ai rencontré deux personnes qui ont un cabinet d’avocats à Washington. Ils disposaient d’un Fonds et faisaient quelques actions humanitaires en Ethiopie notamment. Ils étaient fan de ma musique et cela a rendu le contact encore plus facile.

Opportunity Fond a donné naissance à la Fondation Batonga? Oui. Batonga c’est d’abord un mot que j’ai inventé au collège. Au Bénin quand on dépasse le brevet, les garçons font tout pour vous harceler, le but c’est soit de vous mettre enceinte ou faire en sorte en tout cas pour que vous n’arriviez pas au BAC. Je me rappelle de mon adolescence et de mes copines, nous étions trois filles de taille différente. Nous venions à l’école en vélo, on dérangeait!
Mon père disait toujours  » se bagarrer ne sert à rien il faut utiliser sa cervelle » et il avait raison!
En pensant à ses conseils quand il me disait  » invente quelque chose, un mot, une action, fais quelque chose » et c’est de là qu’est née Batonga: c’est à dire « casses toi, lâches moi les baskets, je peux faire ce que je veux et devenir ce que je veux! »

Quels sont les pays qui bénéficient du programme Batonga? Cinq pays au total: Mali, Bénin, Cameroun, Sierra Leone et Ethiopie. Je récupérai en fait des filles qui étaient au primaire pour les réinsérer dans le secondaire. L’USAID est venu ensuite à moi en m’expliquant qu’ils avaient des programmes pour des Ambassadeurs auprès de ces catégories d’enfants. Je leur ai expliqué que je voulais aller plus en avant dans mon engagement, donner des bourses mais aussi donner des formations aux professeurs. J’ai également expliqué que je voulais adhérer au programme des parrains pour être le lien entre l’école et la famille. J’ai insisté aussi pour que les petites filles aient au moins deux repas par jours. Je ne travaille qu’avec des fondations qui répondent à ces critères. Je fais en sorte que tout l’argent que je récupère serve également à construire des écoles et des latrines comme ce fut le cas en Sierra Leone.

Les catégories ciblées? Je m’intéressais particulièrement aux enfants très pauvres, les handicapées et les filles orphelines du Sida.

Aux filles que dites-vous ? je leur dis « Moi je ne suis que l’artiste, le reste est dans vos mains, choisissez votre destin et le juste chemin pour y parvenir. Je délivre toujours aux jeunes ce message « quand vous avez de vous même l’image d’un mendiant alors vous resterez mendiants, si par contre vous avez la volonté de vous en sortir, alors une fois que l’aide est là vous en profiterez pleinement!
Arrêtez la politique de la main tendue pour autant, ne restez pas dépendants, battez vous. Acceptez avec humilité et sans humiliations ce que l’on vous donnera car l’Afrique a tant donné et n’a jamais rien reçu en retour! »
Il faut se réapproprié tout ce qui nous a été enlevé.

La prise du pouvoir de la femme africaine vous en dites quoi? Je pense qu’il faut arrêter un courant de pensée qui consiste à dire ou faire croire que les africaines sont des victimes. Elles n’ont pas envie d’être perçues comme cela!!!
Elles veulent simplement qu’on leur mette le pied à l’étrier. A l’époque, quand le Secrétariat d’Etat américain sous Bush m’avait sollicitée pour savoir comment il s’agissait de faire les choses différemment concernant l’Unicef, je leur ai répondu que la chose la plus fondamentale quand vous envoyez de l’argent en Afrique, c’est de le faire sans donner l’impression que vous vous débarrassez de quelque chose. Suivez chaque centime que vous envoyez à chaque femme ou enfant. Visualisez-les, faites en sorte que ces dons ne soient pas anonymes. Il faut arrêter les clichés sur nous et les fantasmes sur notre Continent. Moi je ne travaille et ne m’associe qu’avec des individus sur le long terme. Le cynisme du monde actuel m’insupporte car c’est de la lâcheté!

De l’Afrique à l’Europe aux Etats Unis aujourd’hui, Angélique votre musique fait le lien? J’ai vécu quatorze ans en France, mon mari est français. Si je suis aujourd’hui aux Etats Unis c’est parce que je voulais aussi faire le lien. J’ai commencé en fait une trilogie d’albums qui m’a conduite aux US. Mais j’ai aussi séjourné et fais des concerts au Brésil et dans la Caraïbe. Si on y réfléchit bien notre musique celle qui vient d’Afrique elle est écoutée partout.

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