La question des identités plurielles est une évidence mais aujourd’hui, elle divise toujours autant et dans beaucoup de pays dont la France. Récupérations politiques, populismes, extrémismes, racisme, stigmatisations d’une certaine communauté, chasse aux sorcières, haine de l’ autre tout est bon à prendre!
L’autre dans sa différence décriée, devient une menace alibi, et bien souvent à tort … « perçu » comme un danger pour la démocratie et la république. Arabes et africains subsahariens ne font que trinquer que ce soit au niveau des politique migratoires en Occident que dans la perception de certaines questions afférentes à la politique étrangères et leur droit légitime à manifester ou se rebeller face à certaines injustices humanitaires en cours ( les conflits qui secouent notre planète actuellement…) tout renvoie à la religion, le culte, la couleur de peau et ou ethnicité. Des double standard, une forme de persécution de facies qui n’en finit pas.
UFFP dont la devise a toujours été la mixité, le dialogue entre les civilisations le bien vivre ensemble, ne pouvait passer à coté de l’actualité de Fatma Bouvet de la Maisonneuve. La sortie cet automne aux éditions du Croquant de « ‘ Debout, tête haute » !
Et c’est donc à l’occasion de la sortie de son dernier manifeste sur le racisme, que l’on s’est entretenue avec Fatma Bouvet de la Maisonneuve pour faire un tour d’horizon sur ces problématiques cuisantes de notre société française.

Entretien avec UFFP :
Pourquoi ce livre? Il fait écho à une actualité nationale qui est peu favorable?
Je travaille sur les conséquences du racisme et des discriminations en général sur la santé mentale depuis plusieurs années, mais après la loi immigration, alors que j’étais en train de commencer mon troisième roman, j’ai senti une urgence , quelque chose d’imminent à dire de là où je suis c’est-à-dire celle qui, médecin psychiatre recueille les mots, les émotions et les souffrances , mais aussi en tant que femme engagée pour les égalités . Je ne savais pas que la suite allait être encore plus menaçante lorsque le RN réalise les scores que l’on connait lors des élections européennes de 2024, puis des législatives anticipées.
Il est de plus en plus difficile d’affirmer son identité surtout si elle s’inscrit dans une minorité décriée?
La question identitaire devient prédominante dans le monde entier, peut-être une réaction à ce qui s’impose et d’inévitable désormais, la mondialisation et la mixité . En France, le passé colonial se rajoute à ce fait. Alors ce sont les personnes issues des anciennes colonies qui sont encore plus stigmatisées . L’identité scandinave ne pose pas de problème, ce sont bien les Maghrébins et les Africains Sub Sahariens qui se sentent en proie avec l’affirmation de leurs identités aujourd’hui en France.
Une certaine communauté n’en finit plus de payer encore et toujours une différence de culte et de conviction, comment vivre cette stigmatisation?
C’est effectivement ce qu’on appelle la communauté musulmane qui est tenue pour responsable de tous les maux aujourd’hui en France . Il s’agit d’abord dans cette expression de nier les singularités de chacun ,de déshumaniser et de nier tout droit à être libre de sa pensée. La politique du bouc émissaire est plus facile que celle de construire : la haine est plus facile que l’amour ou la construction des liens . Au lieu de se pencher sur les réels problèmes d’injustices sociales et d’égalité , il est plus facile de détourner le regard vers ceux qui sont toujours vus comme des dominés , et cela depuis la colonisation . Une des hypothèses de mon livre est que l’imaginaire collectif français est encore imprégné par le passé colonial chez certains. Le racisme est de plus en plus décomplexé , non pas qu’il soit plus important en France qu’ailleurs, mais en France aujourd’hui, il est plus facile de traiter une personne de sale arabe, à peu près partout , y compris au travail et dans la rue. C’est bien douloureux de vivre ces attaques quotidiennes, venues aussi de certains média, j’ai appelé cela le « media trauma » , alors il faut se faire aider, parler et répondre , raconter l’histoire de ceux qui sont venus et dire ce qu’ils apportent à ce pays. Il me semble impératif de parler de ce passé colonial . Moins on en parle, plus il s’impose. Il est là, au milieu du débat, comme un éléphant dans une pièce, mais on tourne autour depuis des décennies. Ce débat de part et d’autre de la Méditerranée, apaiserait les uns et les autres
Dans une société qui veut de plus en plus uniformiser les différences, comment défendre ses valeurs?
Face à des mensonges et des diffamation, face à la bêtise et la paresse intellectuelle, face à ce que je nommerais une forme de délire puisque des commentateurs qui font la pluie et le beau temps en France sont dans une délire , autrement dit, hors d’une réalité d’une France cosmopolite et métissée , une France non dénuée de problèmes, mais quel pays n’en a pas ? IL faut répondre en parlant plus fort. Les ignorants de la situation, ceux qui veulent nous diviser sur la base de préjugés, ceux qui sont dans le déni, ceux qui disqualifient l’apport de l’immigration à la France , il faut parler plus fort qu’eux , car la raison ne suffit pas à les contredire , ils n’y sont pas sensibles. Il faut occuper tous les espaces possibles pour raconter une France réelle, imposer un nouveau narratif national.
La couleur, la confession, le sexe, otages du populisme et des êtremes, comment casser le cercle vicieux?
Le populisme ou la banalisation de l’ignorance. La pensée , la curiosité ne sont pas des valeurs encouragées par les chaines les plus écoutées, heureusement que les plus jeunes regardent moins la télévision et vont chercher l’information ailleurs . De plus en plus sont sensibles à la véracité des sources , ils sont bien plus intelligents que ceux qui nous assènent des mensonges à longueurs de journées. Il faut casser donc ce cercle vicieux en ne laissant jamais sa place aux autres lorsque l’on peut avoir une parole publique ou dans un cercle réduit, la parole est une arme douce et intelligente qui peut inverser des situations . Il faut aussi, lorsque l’on a de la chance comme moi, écrire et diffuser le plus possible ses idées pour permettre la reprise de confiance en soit et une légitimité chahutée régulièrement par des semeurs de haine
Des années que vous écrivez, militez pour défendre des minorités, femmes violentées ou en addiction, minorités ethniques décriées, religion amalgamée, n’avez vous pas l’impression que l’étau se referme de plus en plus?
J’ai plutôt l’impression qu’il y a une prise de conscience sur ces questions d’égalités, avec metoo par exemple, à travers le mouvement woke tant décrié alors qu’il part d’une base intellectuelle tout à fait louable , je m’en réclame . Depuis la dissolution anticipée de l’AN , c’est à dire le 7 juillet 2024, il existe de plus en plus de mouvements de la société civile autour des questions de racisme et d’égalité, dont les politiques n’ont aucune conscience, ils en seront bien surpris, qui tissent des toilent discrètement mais sûrement pour renouer avec les valeurs républicaines . Autrement dit, ils jouent le rôle que les politiques devraient jouer.
Ce livre c’est un peu un coup de gueule? pour redonner la dignité aux identités que l’on qualifie de meurtrières?
Je suis ravie que les Editions du Croquant aient eu cette idée de la nouvelle collections Carton Rouge, sortes de tracts textes courts qui permettent l’expression d’une opinion sans que cela soit forcément académique . De nombreux ouvrages ont été écrits sur le racisme, très complets , mais je sais que des personnes ont besoin aujourd’hui qu’on parle à leur cœur d’humains, afin qu’ils n’aient pas l’impression d’être seuls, afin de reprendre confiance en eux. Je me suis inspirée de Indignez -vous de Stephane Hessel et j’ai écrit ce texte pour qu’on n’ait plus mal, qu’on ne soit plus fatigué d’être Arabe en France, mais qu’on s’y sente à sa place sans que personne n’ait plus à le contester.
merci Fatma !
Retrouvez son livre aux éditions du croquant.
Les éditions du croquant inaugurent leur nouvelle collection Carton Rouge avec trois « tracts » dont celui-ci .
Bio Express Fatma Bouvet de la Maisonneuve
Médecin psychiatre et écrivaine, membre du Parlement des Écrivaines Francophones
Psychiatre: Spécialisée dans les troubles mentaux des femmes et les conséquences psychiques du racisme
Écrivaine : Debout, tête haute , Manifeste pour répondre au racisme , Ed du croquant, Romans Ed Au Pont 9 : L’odeur d’un homme , L’île aux mères, roman, Essais Ed Odile Jacob : Les femmes face à l’alcool, Résister et s’en sortir, Le Choix des femmes, essai, Enfants et parents en souffrance. Dyslexie, anxiété scolaire, maladies somatiques, Une Arabe en France. Une vie au delà des préjugés.
Ex Elue municipale , Ancien membre CESE ,Prix de la Réussite au Féminin par l’association France-Euro-méditerranée en partenariat avec le Quai d’Orsay en 2011 , Chevalier de la Légion d’honneur (2016)