Migline Paroumanou Pavan est venue au Sénégal pour la première fois, en 2012, et c’est sur l’Ile de Gorée qu’elle a fait escale. Elle ne fait pas partie des résidents antillais du Musée Dapper pour l’Expo Mémoire de Gorée, mais nous avons eu la chance de tomber sur elle, lors de la soirée du vernissage de l’Expo. Artiste plasticienne réunionnaise, cette jeune femme s’initie très tôt à ce qui allait devenir son métier : dessin, calligraphie, Art plastique.
photo Diane Cazelles pour UFFP
De notre envoyée spéciale Fériel Berraies Guigny
C’est un voyage d’étude au Kenya qui va bouleverser l’artiste, qui en ressort transformée. Depuis lors, sa vision du Monde changera. Désireuse plus que jamais de poser son regard indo océanique sur l’Afrique. Elle était en résidence à l’atelier de Moustapha Dime à Gorée, ce qui lui a permis de construire cette porte pour appeler les âmes des aïeux à revenir en toute sérénité à Gorée. Migline a réalisé sa performance le samedi 1 décembre 2012, sur l’ile de Gorée. La porte est constituée de contre-plaquée, peint en acrylique blanc. UFFP vous la raconte.
Entretien avec UFFP :
Photo DR MIGLINE PAROUMANOU PAVAN
Parlez nous de votre travail de résidence sur Gorée ? Il est très particulier, je l’avoue car il s’agit pour moi du retour sur une terre africaine. Je suis issue d’un métissage qui vient d’Afrique.
Parlez nous justement de ce métissage ? Je suis métissée indienne, africaine, malgache et blanche. A la Réunion, comme le savez, le métissage est très large.*
Parlez nous de votre œuvre ? La porte du retour, c’était pour moi une façon de rendre hommage à ceux qui sont partis. Tous ces esclaves qui ont quitté les Iles. N’étant plus vivants, la seule chose que je pouvais faire, c’était de leur construire cette porte, pour rendre hommage aux ancêtres. Ce qui reste de la performance et que vous voyez, c’est la porte blanche qui leur demande de rentrer chez eux sur leur terre natale.
Un appel vers la sérénité de l’après ? Oui je voulais signifier par cette porte, le retour à la matrice en paix et en sérénité.
PHOTO DR
Ce retour aux sources comment l’avez vous vécu ? Ce fut quelque chose de très fort et en même temps, cela s’est fait naturellement. Je me suis sentie chez moi, guidée réellement vers ce que j’avais à faire. Je me sens très apaisée et le retour des gens de Gorée, m’a énormément touchée.
De Gorée à la Réunion, avez vous trouvé les mêmes repères ? Il y a avant tout, l’esprit insulaire qui est assez universel, mais la différence peut être vient du fait que les esclaves de Gorée ont le plus souffert quand ils ont été dans les colonies. A l’ére contemporaine, les différences sont aussi là, la nonchalance de l’Afrique on ne la retrouve plus à l’Ile de la réunion, car nous sommes devenus très modernes et on court après le temps.
Cette nonchalance vous manque sur votre terre ? oui la tranquillité est un luxe ( sourires) et le fait qu’il n’y ait pas de voiture, on y gagne beaucoup. Cela nous permet de nous sentir bien dans cet espace..
Que voudriez-vous dire aux artistes et aux femmes qui vivent dans des régions en conflits ? Je ne peux qu’être touchée par ces problématiques. Je suis moi même engagée par rapport aux violences faites aux femmes sur l’Ile de la Réunion. C’est un combat que je mène depuis un certain temps et qui donnera lieu j’espère, à une exposition en 2013 chez moi. Je voudrais dire à ces peuples en transition, que la femme est un être humain et non un objet, une arme de guerre ou un élément de torture.
Pourtant on dit que les femmes sont des Poto Mitan ? Dans l’Ile de la Réunion, la modernité a aussi amené de la violence et les hommes ne respectent pas toujours les femmes.
Mais aujourd’hui, les femmes commencent à avoir le courage de rompre, de quitter leur mari, de divorcer. Et c’est au moment de la rupture que la violence se déclenche.
La violence du couple qui peut entrainer la mort ? Oui cela peut y amener, car on accepte pas la rupture dans nos mentalités. La Réunion est une petite Ile de 200 m carré et il est très compliqué de pouvoir échapper à l’autre. Cela rend la femme dans une position de détresse. Elle reste une proie facile.
La culture pour vous est porteuse de paix ? Oui elle amène de la réflexion, et elle permet aux gens de se poser des questions, de voir les choses sous un autre angle, et cela est important.