SCANDALES ET
DÉMOCRATIE Jérôme Lèbre
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De Cahuzac à Carlos Ghosn en passant par Benalla, les scandales suivent le rythme du monde ou participent à son accélération. Ils se diffusent par Internet, entraînant révélations et réactions quasi instantanées. Au point que nous ne faisons plus la différence entre le vrai scandale et la provocation artificielle : nous devenons très vite un peuple d’accusateurs.Rien ne semble nous arrêter, ni dans la transgression ni dans la défense des règles, qui fragilise plus qu’elle protège. Mais scandaliser ou se scandaliser n’est pas réservé aux extrémistes de gauche ou de droite. Nous sommes tous guettés par un conformisme qui engendre à son tour des scandales financiers, humanitaires, écologiques…
C’est en résistant à cette multiplication de provocations, de scandales et d’affaires que nous pourrons faire apparaître le motif de cet emballement : un désir de justice qui affirme pour tous un droit à l’existence sur une Terre fragilisée. Que des êtres singuliers fassent de ce désir un droit, telle est la condition de la démocratie. Elle contient les scandales : en les portant en elle et en les orientant, au lieu de les laisser déborder. |
© Erwan Masson
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Jérôme Lèbre, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, est membre du Collège international de philosophie. Travaillant sur les questions de la justice, du rythme social et de la mobilité dans le monde contemporain, il a publié plusieurs ouvrages, parmi lesquels : Vitesses (2011) ; Derrida – La justice sans condition (2013) ; Les Caractères impossibles (2014) ; avec Jean-Luc Nancy, Signaux sensibles (2017) ; et plus récemment, Éloge de l’immobilité (2018). |