petite fille du Népal
Toutes les photos sont de KEITH HARMON SNOW.USA
Keith Harmon Snow est un reporter photographe américain, correspondant de guerre, écrivain, activiste et fervent défenseur des droits de l’Homme. Ancien conférencier et chargé de cours en Droit et Société à l’Université de Santa Barbara Californie (2009)
Depuis une décennie, il est reconnu pour son travail remarquable et ses récits sur les génocides et les crimes de guerre. Parmi ses citations les plus célèbres : » Si vous lisez le New York Times vous contribuerez à votre propre maladie mentale » !
enfant Afghan blessé
Keith Harmon Snow est aussi un scientifique qui travaillait pour le gouvernement américain dans des programmes de construction d’armes de destruction massive. Une carrière qu’il a bannie pour embrasser la peau d’un homme épris de justice et de liberté et qui n’a pas peur de pointer du doigt la décadence d’une puissance qui a contribué à détruire certains peuples du Monde.
enfants Afghans « jouant à la guerre » !
Un engagement qu’il n’a jamais cessé de faire valoir depuis lors, sans langue de bois et avec une éthique irréprochable. De ses années en tant qu’enquêteur pour les crimes de génocide pour UNICEF, il a gardé ce gout pour la vérité et son grand sens de la révolte, notamment concernant les atrocités qui font ployer les peuples du Monde. En engagement qui lui vaudra d’être par exemple banni de prestigieuses universités américaines, d’être sur la hit list des Tutsis, d’être interdit de séjour en Ethiopie et la liste est encore longue.
enfants Afghans et la collecte de nourriture
Altermondialiste « anarchiste » comme il aime se définir, il a signé les couvertures et les visuels des deux tomes de l’ouvrage « Enfance et Violence de guerre » que nous espérons publier prochainement. Aujourd’hui, retiré dans sa ferme biologique, il continue de mener ses batailles à son niveau, en tant qu’objecteur de conscience universelle.
L’Afrique pour lui, c’est une révélation à partir des années 90 avec un intérêt particulier pour les atrocités qui sévissent en RDC, avec après les enfants soldats, celui des enfants « marchandises » victimes de trafic pour le Nord, sous couvert des Etats Unis.
Focus sur un activiste qui aime l’Afrique dans tous ses sens et qui nous révèle un tout nouveau scandale.
enfant Afghan hospitalisé
Entretien exclusif avec Fériel Berraies Guigny
Qui est K H SNOW?
Je n’aime pas le « je » et le fait que quand on commence une question ou que l’on doive parler de « soi » en anglais il faille mettre la majuscule. Ce n’est que le reflet de l’égo et du narcissisme que nous inflige notre culture occidentale. Cette même culture qui a tout détruit sur son passage : la culture de l’autre, le beau et l’authentique chez l’autre. La culture occidentale a détruit la civilisation du Monde au profit du sacro saint capitalisme dévoyé. Et bien que j’en sois l’héritier forcé, je la refuse et à commencer par ce « je » en majuscule en anglais je le refuse tout autant et donc je l’écris en minuscule !
Je n’ai aucune légitimité pour cela et je subis cette « culture » qui est mienne et qui est synonyme dans bien des régions du monde de « négation » et de « champ de désolation » Alors pour répondre à votre question : je suis un modeste agriculteur biologique qui a grandi dans une ferme près de la forêt, amoureux de cette nature et de cette terre que mon père, mon grand père et mon arrière grand père ont volé aux indiens d’Amérique. Cette terre où je fais grandir à mon tour mon fils et qui me confronte quotidiennement aux méfaits du chaos écologique mondial. Je suis un père, un frère, un fils, un amant, un poète et un philosophe, un penseur à la recherche de cette éthique absolue, ce mieux agir, à mon sens ce qui devrait tous nous guider. A la recherche éternelle de cette paix intérieure, inconscient que depuis des années, j’étais en total désespoir. J’ai rencontré et j’ai vu la souffrance humaine, et je refuse de considérer que cela est dans l’ordre des choses du monde, je refuse de me taire et mon plus grand regret c’est d’en avoir été inconscient dans le passé !
Les reportages photos, les enquêtes tout cela a commencé comment ?
Pour tout vous dire, je suis un ancien scientifique qui travaillait pour le gouvernement américain. On me payait une fortune pour imaginer et créer des armes de destruction massive. Avec un 3 e cycle en génie électrique et une spécialité dans les antennes futuristes, micro ondes, radars et satellites de communication et les systèmes de téléguidage des missiles. J’ai travaillé pour des contrats top secrets et classés pour le gouvernement en 1989. J’ai démissionné d’un boulot qui me donnait $52,000 par an pour m’envoler en Thaïlande et voyager à dos d’éléphant. C’est à partir de là que j’ai commencé à faire de la photo et à vouloir les vendre alors que je vivais à l’époque au Japon, c’était au début des années 90. Mais il me fallait aussi écrire en même temps et c’est comme cela qu’ont commencé mes reportages et mes enquêtes sur le terrain qui vont interpeller certains éditeurs. Mais le souci, c’est qu’avec le temps, mes travaux n’étaient pas toujours « acceptés » par certains éditeurs et pour la plupart ils étaient rejetés. Et les prétextes et les refus étaient hautement discutables. C’est ainsi que j’ai commencé ma carrière en tant que reporter indépendant mais c’est surtout ma rencontre à Tokyo avec l’altermondialiste et activiste suisse Bruno Manser qui m’a amenée à travailler dans le secteur des droits de l’homme.
C’est ainsi que commence donc votre engagement pour les droits de l’Homme ?
Oui, c’est bien dans le cadre de l’UNICEF, je devais faire des rapports d’enquête notamment dans le cadre des populations indigènes. En fait quelqu’un de cette institution avait lu mes rapports indépendants et m’a contacté pour faire une enquête sur le génocide en Ethiopie. Mais après avoir réalisé et constaté qu’il y avait aussi énormément de fraude et de corruption et de privilèges pour les blancs au sein de ce système « ONUSIEN » j’ai aussi été contraint d’exposer « la machine » de l’intérieur. Car pourquoi enquêter, faire des reportages, souffler sur le feu, mettre en avant la souffrance des autres, quand le système pour lequel je travaillais était aussi discutable ?
Je crois dans le karma, je crois dans le mieux vivre ensemble, je crois à la philosophie de Krishnamurti. Nous avons tous des choix dans la vie, nous avons tous une âme et elle restera après la mort or nous ne savons pas où et comment elle se réincarnera et rien que pour cela tant que je suis sur terre, je ne prendrai pas de risques et je ne marchanderai jamais ma vie, mes convictions et celle des autres.
Parlez nous de votre engagement pour l’Afrique à quand date le sursaut pour le région de l’Est notamment la RDC ?
Le réveil a commencé pour moi en 1990, je sillonnais l’Inde à bicyclette, du Nord de Calcutta en passant par le Népal, puis retour en Inde et trajet sur Bombay et de là j’ai acheté un billet d’avion super low cost pour Nairobi. J’ai pris ma bicyclette et j’ai traversé l’Afrique de l’Est, Madagascar et ensuite cap sur l’ex Zaire ( Congo)
Un homme appelé Yafali s’est occupé de moi quand je suis tombé malade. Mais lui et toute sa famille furent massacrés par le front appuyé par les USA, la guérilla du front patriotique du Rwanda en 1997. Et déjà bien avant cette date, je fut ulcéré et révolté par le meurtre de l’activiste nigérian Saro-Wiwa le 10 novembre de cette année là et surtout de toute la fausse propagande qui fut nourrie par le New York Times et Newsweek autour et après sa mort !
Mais ce qui m’a le plus marqué et j’insiste pour le dire, ce sont les atrocités en masse perpétrées au Congo. Tout cela a fait que je me suis senti investi du devoir de parler de ces choses, je voulais faire prendre conscience au monde, des méfaits de l’impérialisme occidental dans la région. Toutes ces tragédies, ces génocides, ces crimes de guerre, crimes contre l’humanité au nom et au profit de l’Occident en Afrique centrale. C’est à partir de là qu’a commencé mon travail qui consiste à exposer l’économie politique du génocide dans la région.
Commente peut on participer à la souffrance de l’autre, d’un groupe entier de personnes, et se regarder ensuite dans un miroir? C’est ma propre expérience personnelle, jonchée de souffrances et de trauma qui me dicte aujourd’hui mes actions. S’agissant de l’Afrique les mensonges, l’exploitation de toutes sortes et les crimes à son égard, sont légion mais aussi et surtout, l’ignorance de l’Occident à son égard !
C’est incroyable de la part de l’Occident cette propension à la propagande, aux manipulations, aux distorsions s’agissant de la monstrueuse sauvagerie perpétrée en Afrique.
Sans compter les clichés erronés sur le tribalisme, l’exotisme mercantile, la sexualité exotique, la destruction de la faune, les psychopathologies de toutes sortes, toutes ces malveillances à l’ égard de l’Afrique sont sans limites. Tous ces pseudos justifications pour tenter d’expliquer le pourquoi des crimes de religion dans la région, le transfert des armes, le dumping pharmaceutique et celui des déchets nucléaires… l’Afrique avale tout cela !
Cela est d’autant plus facile que l’on abreuve les petits blancs et dès leur plus jeune âge à ces dérives avec des mythes : l’Afrique n’a rien que l’on pourrait désirer avoir et qu’en plus elle est si difficile à comprendre et si loin de nous et de notre seuil de développement et de progrès. Le cliché Tarzan/ Jane/ King Kong a la peau dure et il nourrit les consciences populaires dérivées de l’égocentrisme et des psychopathologies euro centrées. Toutes ces histoires sont fausses et si loin de la réalité, non le père blanc n’a pas amené la civilisation au contraire… il faut arrêter avec ces mensonges. Nous devons aujourd’hui nous repositionner face à ces constructions erronées (qui datent depuis des lustres et ont des références historiques et littéraires comme cela est cité dans l’ouvrage Heart of Darkness) car l’horreur habite l’esprit de l’homme blanc et c’est là où réside réellement le centre de l’horreur du Monde d’aujourd’hui.
Vous avez dernièrement révélé au grand jour un trafic d’enfants en RDC?
Des enfants sont volés et sont victimes d’un trafic au Congo avec l’aide du gouvernement des Etats Unis. Avec la complicité d’un nouveau mouvement chrétien évangéliste qui dit que si l’ont veut « être sauvés » il faudrait en fait « SAVE ORPHANS » c’est à dire les adopter. Mais derrière tout cela, il s’agit d’une industrie qui se chiffre en milliards de dollars et donc on dépasse très largement le trafic de personnes et d’enfants et on aboutit carrément à un véritable commerce. L’Ethiopie a contribué depuis de longues années au trafic d’enfants pour ce type de marché. Mais le Congo est un nouveau marché qui s’initie et qui promet d’être florissant car facile d’accès et les enfants ne coutent pas chers !
Cette industrie au Congo a débuté dés 2005, après la guerre. Les gens ne pourront pas commencer à trouver une solution au problème sans commencer déjà à bien le saisir et à en être informés. Le souci pour l’instant, c’est déjà de pouvoir commencer à cibler les responsables, qu ‘ils soient des individus, organisations et ou gouvernements qui sont ne rien d’autres que des criminels en bande organisée. En attendant, est ce que les gens vont se remettre en question ? J’en doute fort !
Alors en attendant, notre seul espoir serait l’effondrement des économies occidentales et spécialement les alliances de pouvoirs qui unissent les Etats Unis/ Canada/ Australie/ Japon.
Mais pour l’instant on ne peut y prétendre et surtout que prévaut encore et toujours l’impunité pour les grands.
Tout cet activisme dans le Monde, vous vous battez envers et contre tous, n’avez vous pas été inquiété? Non je ne m’inquiète pas en tout cas. Le gouvernement au Rwanda m’a mis sur une Hit liste, je suis persona non grata en Ethiopie et banni à vie par trois Universités prestigieuses aux USA car ils avaient peur de la vérité et voulaient protéger leurs intérêts. Quand les gens me demandent si j’ai peur des hostilités et que l’on attente à ma vie je leur réponds « allez-vous sacrifier les enfants ? Nos ou vos enfants pour protéger votre corps et votre vie ? Il faut agir maintenant, le moment est venu et il est crucial !
Je demande aux gens, qu’attendez-vous pour réagir ? Économiquement bien sûr, il sera difficile de savoir comment subvenir à ses besoins quand on prend des risques pareils.
Tout le socle du journalisme et des médias par ex et nous le savons bien, repose sur le profit et la pub comme dans tout aujourd’hui et dans tous les domaines. En vivant sous le seuil de la pauvreté et en maintenant une vie simple et modeste de façon volontaire, je peux m’arranger pour avoir une vie pleine de satisfactions.
La persistance d’une certaine alliance entre dictatures africaines et impérialisme maintient le statu quo en Afrique? Je ne pense pas que la complicité coupable des africains au pouvoir soit un réel danger. Je suis intimement convaincu que le système politique occidental est une machine à broyer qui ingurgite et rejette quand elle veut tous ces leaders corrompus. Nous savons que par contre tous les leaders qui se sont opposés à l’Occident se sont trouvés marginalisés, poursuivis et même assassinés ! Nous avons de tristes exemples : Frantz Fanon, Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Steve Biko, Ken Saro Wiwa et il y des centaines de mille ; ces individus qui ont résisté au colonialisme et à l’impérialisme et qui ont été à leur tour décimés et détruits. Beaucoup d’entre eux sont inconnus encore aujourd’hui. Alors pour le peuple noir ce n’est plus qu’une question de survie. Doit on pour autant décider que l’homme noir, l’africain ne doit pas nourrir sa famille, et à quel titre ? Non !
Alors pourquoi l’homme noir doit il avoir faim quand nous avons tellement ?! Pourquoi l’homme noir souffre de l’esclavage dans une Plantation Elwyn Blattner au Congo alors que nous mangeons du bon et luxueux chocolat belge sous l’étiquetage Côte d’Or? Pourquoi ces gens subissent les horreurs des viols et atrocités sexuelles au Sud Kivu (RDC) alors que la corporation minière et or canadienne Banro Gold fait ses extractions, protégée par des compagnies militaires privées (en réalité des mercenaires) sur les collines avoisinantes de ces mêmes lieux où sévissent les viols ? Alors oui les complicités entre les dictatures africaines au pouvoir et l’Occident sont réelles mais elles ne sont pas le vrai problème. Le vrai problème vient des puissances des blancs, celles-là même qui financent les corruptions, les malversations, les assassinats !
Et aujourd’hui, c ‘est un mode opératoire qui rentre dans la norme et les faits divers se font sous couvert de pseudo opérations humanitaires et actions caritatives. Même le Pentagone, EUFOR et l’OTAN se cachent derrière les slogans humanitaires du genre « RESPONSABILTY TO PROTECT » le Devoir de protéger. ; Non mais quel fascisme ostentatoire, ils nous prennent pour des débiles profonds !
Alors que faire ?
Nous savons que le capitalisme dévoyé doit cesser ! Cela se fera dans la longueur mais qu’attendons-nous pour agir ? Chaque homme et femme doit prendre sa part de responsabilité ! La peur au fond est notre seul ennemi.
Altermondialisme c’est notre futur ?
Je suis un anarchiste et je suis totalement opposé à la globalisation. Mes grands combats sont surement comme ceux de beaucoup d’autres : combattre ses démons intérieurs et se réaliser pleinement. Se réaliser ne signifie pas avoir plus d’argent ou de confort, c’est plutôt atteindre et parvenir au réveil spirituel et trouver la paix intérieure. Je veux pour mon fils ce qu’un père sain et une mère saine peuvent offrir : liberté, bonheur, paix, courage, dignité, vérité et amour le tout accompagné par la possibilité de s’auto réaliser avec ambition. Si je pouvais garantir quelque chose à mon enfant, ce serait l’absence de peur et aussi la fierté de pouvoir dire qu’il a eu un père engagé, plein d’amour et de compassion pour l’autre, un père qui a vécu pour la justice et la vérité et qui ne s’est jamais laissé aller à la compromission.