Yolstabaa (Burkina Faso), 30 août 2013, 17h34. Larmes pudiques, regards dignes. Des mains sableuses, rongées par la rudesse d’une vie qui les condamne déjà aux plus durs efforts, effacent d’un geste agressif les larmes de notre départ. Pieds nus, les jambes marquées par les stigmates d’une terre hostile, les enfants nous donnent une leçon d’espoir saisissante. Le visage radieux, ils sourient. Quelle claque!
Pour ce regain d’espoir, pour ce témoignage intemporel qui donne un sens au verbe « vivre », pour cette expérience qui marque la vie d’un homme, pour cette leçon de courage, j’ai tenté par ces photos prises sur le vif de leur rendre hommage…. Un merci infini à ces Enfants de la Joie… »
Par Fériel Berraies Guigny et photos DR all rights reserved Romain François
Une très jolie Expo de l’Artiste Romain François, revenu du Burkina Faso, une magnifique aventure humaine et une leçon de résilience à travers le regard des enfants. Une thématique chère à UFFP qui avait fait sa première caravane de mode éthique en février 2012 dans ce pays qui nous a marqués car si attachant. Et nous nous rappelons encore de cette couverture collector avec les tops modèles burkinabés entourés d’enfants du village…
Oui, il nous était impossible de ne pas aimer ce beau message d’amour et de paix à travers le beau…
Romain François nous offre une Expo avec des images poignantes d’une rare beauté…
Avant de vous faire un petit buzz sur l’Expo en elle même, dans nos prochaines pages, nous vous racontons l’auteur et ce voyage initiatique à la rencontre de l’autre.
Bio Express ROMAIN FRANÇOIS :
Romain François entouré des enfants
Romain François est né en 1988 à Dijon. Très tôt passionné par l’image, le dessin, la peinture, le théâtre, et plus particulièrement le cinéma, il s’oriente vers des études littéraires avec option Cinéma audiovisuelle. Amateur de musiques américaines des années 70, inconditionnel de l’œuvre de Chaplin, de Roman Polanski, admiratif de la peinture romantique, particulièrement attiré par le Pop Art et par le travail photographique de Willy Ronis et Marc Riboud, Romain est diplômé de l’école supérieur de réalisation audiovisuelle, spécialisation image depuis 2010. Installé à Paris où il enchaîne les rencontres culturelles et les découvertes artistiques, il commence en tant que stagiaire dans divers projets cinématographiques. Il est tour à tour régisseur, cadreur dans le monde audiovisuel, assistant de production TV dans le milieu de l’organisation d’événement sportif (Tour de France, Dakar, Vendée Globe…). Après différentes expériences humaines et professionnelles Romain se penche et se consacre actuellement à un projet cinématographique dénonçant les ravages du Sida et la pauvreté en Afrique. Un projet qui l’a conduit à intégrer une mission humanitaire en Août 2013 où résulte ces photos prises sur le vif. Romain a réalisé avec Regards d’Afrique, son premier reportage photographique.
Pourquoi le Burkina Faso?
Pourquoi le Burkina Faso? A vrai dire par hasard. Je cherchais pour les besoins de mon long métrage (qui dénonce les méfaits du Sida et de la pauvreté) un pays présentant différents critères. Traditions et coutumes locales bien ancrées, taux de pauvreté élevé, Sida encore très présent, langue française, forte démographie etc. Le Burkina présentait tous ces facteurs.
C’est pourquoi, et afin d’afficher une certaine crédibilité dans la défense de mon projet, je suis parti au Burkina Faso à 10 km au sud de Ouagadougou en août 2013 via l’ONG Afrique Pleine d’Avenir.
Un choc, une découverte. Depuis un amour infini pour ce pays, pour ce continent, pour ces enfants…
Parlez nous de votre projet sur l’enfance? vous parlez au travers des images d’une problématique endémique?
Un repérage implique forcément la prise de photographies. Des paysages, des lieux, des coutumes, les premières photos étaient basiques et permettaient simplement de spatialiser le lieu et de capter une ambiance.
Puis les vrais photos (les portraits) ont commencé, les sourires se sont libérés, les yeux ont commencé à pétiller. Chaque soir j’en voulais toujours plus. C’est donc devenu mon obsession.
Puis les vrais photos (les portraits) ont commencé, les sourires se sont libérés, les yeux ont commencé à pétiller. Chaque soir j’en voulais toujours plus. C’est donc devenu mon obsession.
Edito: pour une presse citoyenne et durable !
Des visages, des regards, des attitudes, des gestes, cette innocence juvénile, cette pudeur. Je voulais cristalliser certaines émotions. Je savais que je ne pourrai retrouver ces expressions en France.
Il fallait que je mitraille, inlassablement. Ensuite, il me fallait « une preuve », un témoignage fort et expressif pour appuyer mon discours. Montrer cette force vive, et nous interroger sur notre comportement.
Ces enfants qui sont heureux malgré la pauvreté apparente. Ces photos sont une trace.
Soyons heureux nous, dans notre confort matériel qui assure à tous santé, bien être et loisir, soyons heureux nous dans notre société où la liberté est érigée en symbole,
soyons heureux nous où l’école est gratuite et l’éducation offerte à tous, soyons heureux nous, simplement par respect pour eux.
Il fallait que je mitraille, inlassablement. Ensuite, il me fallait « une preuve », un témoignage fort et expressif pour appuyer mon discours. Montrer cette force vive, et nous interroger sur notre comportement.
Ces enfants qui sont heureux malgré la pauvreté apparente. Ces photos sont une trace.
Soyons heureux nous, dans notre confort matériel qui assure à tous santé, bien être et loisir, soyons heureux nous dans notre société où la liberté est érigée en symbole,
soyons heureux nous où l’école est gratuite et l’éducation offerte à tous, soyons heureux nous, simplement par respect pour eux.
Couverture Afrique francophone internationale UFFP mars 2014. photo Romain François
Des enfants de la joie et pourtant dans la précarité et l’oubli?
C’est justement ce paradoxe qui choque et qui nous plonge dans une ambiance malsaine. Des enfants de 6 ans qui ont déjà des instincts maternels. Ils s’occupent de leur petit frère, de leur voisin avec une tendresse et une responsabilité bienveillante qui nous fait monter les larmes aux yeux. Ils n’ont rien, mais ils possèdent tout. 1664 photos prises durant un mois et pas un seul regard triste. Que des expressions joyeuses, des sourires radieux, Voilà pourquoi, et ce même dans la pauvreté la plus extrême, dans l’échelle sociale la plus basse, ces gosses sont pour moi : « Les Enfants de la Joie »
Pourtant la résilience est là, qu’est ce qui vous a marqué?
Pourtant la résilience est là, qu’est ce qui vous a marqué?
Incontestablement la rencontre avec les enfants. Ces regards, ces sourires, ces gestes qui marquent au fer rouge la vie d’un homme. De là plus rien n’existe.
Une maturité exemplaire et une dignité sans faille. A jamais bouleversé par ces petits bouts, cette population accueillante, ce pays chaleureux. Bien plus qu’un
apport matériel et financier de notre part (Construction de latrines, don de fournitures scolaires etc.), c’est la découverte d’une culture différente et d’une vie quotidienne criante
de vérité. Pas de triche, pas d’artifice. La vie brute, à l’état pur. Aucun regard triste, aucune nostalgie.
Seul comptait pour eux, l’émerveillement. Comment ne pas craquer? En résumé ce fût une véritable leçon de vie !
La leçon à tirer de cette magnifique expérience?
Nous ne sommes rien! Dans notre confort devenu excessif et ridicule, nous nous complaisons dans la victimisation, la dépression et la tristesse. Nous possédons tout, mais nous sommes tellement pauvres.
Pas de lit, pas de douche, pas d’électricité, pas de sécurité sociale, pas d’école, pas de médecins ! Demandez leur si le souci premier est de posséder le dernier téléviseur, le dernier téléphone portable, de travailler 35h00 par semaine ou d’aller en retraite à 60 ans. Nous sommes pourri gâté, inconscient de la chance que nous avons de vivre dans un pays riche et développé, qui nous apporte tout malgré notre mécontentement à son égard. Les plaintes se succèdent, la mauvaise humeur remplie nos cœurs. Nous revendiquons avec une certaine hypocrisie être les dignes héritiers des idéaux de la révolution française, prônant inlassablement et souvent à mauvais escient la liberté, l’égalité et la fraternité. Mais dans les actes, rien. Personne n’agit. Au Burkina, dans un pays sous-développé (économiquement seulement), et dans une dictature (comme aime le répéter les grands penseurs et défenseurs de la liberté) , ces gens restent
dignes, accueillants, vous offrent les seules choses qu’ils possèdent.
Ils n’ont rien mais ils veulent tout vous donner… Une leçon de courage et de fraternité.
Qu’avez vous envie de lancer comme message?
Je ne me sens à aucun moment porte parole, défenseur d’une cause et ne peux généraliser une expérience individuelle et personnelle. L’Afrique est trop belle, trop riche et trop différente pour entrer dans la caricature.
Cependant l’Afrique ne laisse pas indifférent, c’est une évidence ! Ces enfants qui fleurissaient la cour de l’école, ces regards remplis de joie, ces peaux terriblement marquées et vieillies par la rudesse d’une vie sans hygiène,
cette force vive qui les caractérisaient tous, ce courage intérieur face aux vicissitudes et à l’adversité, cette manière pudique de laisser couler une larme au moment des adieux dans la plus grande dignité. Ils restent et demeureront des exemples. Même pied nus dans la merde, les mains dégueulasses portés à la bouche, ces gosses vous sourient, leurs yeux pétillent. Comment est-ce possible ?
Nos rapports avec le bonheur et la félicité sont remis en cause. Ces enfants sont la jeunesses du monde, ils ne vivent pas, ils survivent.Chaque jour est un sursis accordé par la nature.
Ouvrons les yeux sur ce qui nous entoure sur ces gosses qui n’ont presque rien à manger, qui vont chercher l’eau dans des bidons de 20 kilos, qui font la vaisselle à 6 ans, sous la pluie. Nous sommes privilégiés, profitons-en et ne l’oublions jamais.
Votre prochaine actu?
Votre prochaine actu?
Le but ultime de cette action est le retour des images au Burkina Faso. Il me paraît essentiel et primordiale que les enfants, acteurs principaux de ces expositions photos, puissent voir leurs portraits.
C’est pourquoi soutenu par Inside Out Project, projet communautaire qui défend les valeurs de paix, d’échange et d’altruisme par la photo, nous repartons au Burkina Faso en août prochain,
Les photos d’une dimension de 4 mètres par 3 mètres seront collées par les enfants sur leurs case, sur l’école du village, sur les bidonvilles. Premières images qu’ils verront d’eux même dans des dimensions impressionnantes.
Nous nous attendons bien évidement à des moments émouvants que nous tenterons d’immortaliser à travers un documentaire de 26 minutes.
