Le colloque CNB/ABA sur la responsabilité internationale des entreprises en zones de conflit a eu lieu le 21 mars 2013 dernier.
Les participants ont répondu très nombreux à l’appel du Conseil national des barreaux et de l’American Bar Association (ABA) à l’occasion du colloque sur la responsabilité internationale des entreprises en zones de conflit. Plus de 250 personnes étaient réunies, ce jeudi 21 mars 2013, au Centre de conférence du Ministère des affaires étrangères.
Cette journée a réuni autour de la promotion des droits de l’Homme, des représentants du monde politique, des magistrats, des avocats, des entreprises, des directeurs juridiques et des représentants d’ONG, issus des continents américain, européen et africain, ainsi que des représentants des tribunaux pénaux internationaux.
Un défi relevé avec succès !
Des intervenants de qualité étaient présents tout au long de la journée pour animer et débattre sur ce sujet porteur d’avenir pour la profession.
Le Président du Conseil national des barreaux, Christian Charrière-Bournazel et la Présidente de l’American Bar Association, Laurel G. Bellows, qui ont ouvert et clôturé la journée, ont vivement remercié les intervenants et les participants de s’être mobilisés et d’avoir alimenté un débat de grande qualité.
On a également pu noter la présence exceptionnelle de :
• François Zimeray, Ambassadeur pour les Droits de l’homme,
• Stephen J. Rapp, Ambassadeur extraordinaire des États-Unis pour les crimes de guerre, Bureau de la justice pénale mondiale,
• Fatou Bensouda, Procureur en chef de la Cour pénale internationale,
• Mireille Delmas Marty, Professeur au Collège de France et bien d’autres …
Le défi du Conseil national des barreaux et de l’American Bar Association était d’unir leurs efforts et réflexions au service du respect des droits de l’homme afin de définir les contours d’une responsabilité internationale des entreprises opérant au sein des Etats fragiles.
President CNB+ M.Delmas Marty + L.G.Bellows +B.Debosque
Les intervenants et le public ont su partager avec passion leurs expériences, confronter leur réalité de terrain et porter leurs valeurs respectives afin de poser les bases d’un concept juridique qui sera demain un outil au service du citoyen.
La problématique
Si l’impunité a prévalu jusqu’alors, c’est qu’il a longtemps été considéré que le droit international pénal ne s’appliquait pas aux opérations commerciales des entreprises transnationales. Concernant le jugement des individus, le droit international pénal n’est plus contesté, à part peut-être par les accusés eux-mêmes. Les tribunaux pénaux spéciaux et la Cour pénale internationale, piliers désormais du paysage juridique international, poursuivent les auteurs de crimes de guerre, génocides ou crimes contre l’humanité.
● C’est désormais aux entreprises de rendre des comptes. Dans un monde globalisé, celles-ci peuvent être amenées à s’aventurer en terrain instable pour poursuivre leurs activités et s’exposer au risque de traiter avec des pouvoirs corrompus ou des milices armées avec des conséquences qui peuvent être tragiques : encourager un conflit, financer des entités qui se retourneront contre la population ou faire travailler des prisonniers.
● Qu’elles soient induites par la violence physique ou morale, la torture, les conditions de travail déplorables ou l’esclavage, les violations des droits de l’Homme sont malheureusement moins bien reconnues par les tribunaux dans les pays en développement. Des lois internationales ont évidemment été mises en place, mais elles sont extrêmement difficiles à faire respecter malgré les alertes et rapports des ONG.
Des réponses juridiques diverses
Les tribunaux européens et américains tentent aujourd’hui de pallier ces carences.
● Les juges américains utilisent notamment le « Alien Tort Claims Act », vestige juridique datant de 1789, qui leur permet de se déclarer compétent pour juger des violations du « droit des nations », même si celles-ci sont commises par un étranger en dehors du territoire américain. C’est précisément sur ce fondement que la responsabilité civile de l’entreprise pétrolière Total est aujourd’hui engagée devant les tribunaux américains pour avoir enrichi la junte birmane à l’occasion d’un projet gazier et pétrolier.
● En France, peu de condamnations ont été prononcée à ce jour. Imitant les magistrats néerlandais, le tribunal correctionnel de Paris a condamné en septembre 2012, le groupe d’aéronautique et de défense Safran (ex-Sagem) à une amende 500 000 euros. Le groupe français était accusé d’avoir corrompu des agents nigérians entre 2000 et 2003 en marge d’un contrat pour la fabrication de cartes d’identités. Les juges se montrent donc plus sévères qu’autrefois : « On constate une mondialisation du droit », avance Simon Foreman, associé chez Soulez Larivière et président de la Coalition française pour la CPI, une association défendant la justice pénale internationale.
Des condamnations qui répondent à la pression croissante dont font part les entreprises de la part de l’opinion publique.
● Une mise en lumière, due au travail de fond des ONG défenseures autoproclamées de la défense des droits de l’Homme. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Association européenne pour la défense des droits de l’Homme (AEDH) figurent parmi les plus emblématiques de ce combat. L’association Sherpa qui était représentée lors du colloque par son Président William Bourdon, qui rassemble des juristes et des avocats d’horizons divers, travaille également en étroite collaboration avec de nombreuses organisations de la société civile à travers le monde et reste active sur la question.
● La Cour pénale internationale (CPI), créée en 2002 à La Haye, ne s’intéresse pas seulement aux auteurs des crimes, mais aussi à leurs réseaux et à leurs financeurs, affirme la gambienne Fatou Bensouda, Procureur générale de la juridiction : « Le trafic d’armes joue un rôle important dans les conflits, notamment en Afrique. Plus d’un millier d’entreprises, dans le monde, sont impliquées. Cela suppose des transactions financières, des moyens de communication. La Cour établit des listes d’entreprises à risque ».
Un mouvement international est donc en marche. Plus que jamais les entreprises transnationales doivent s’assurer d’un soutien juridique, pour être ensuite en mesure d’apporter la preuve de leur vigilance aux affaires dans les zones en conflit. Des garanties, qu’elles trouveront notamment auprès de leurs avocats et des experts juridiques.
Les suites à donner à cette grande mobilisation
En organisant ce colloque international, le Conseil national et l’ABA se sont saisis d’une problématique d’ampleur, d’une actualité criante, qui touche à une valeur fondamentale et qui est susceptible d’avoir une incidence sur l’activité de la plupart des avocats. Dès lors, le Président Christian Charrière-Bournazel a souhaité, à l’issue de la journée, rester en première ligne en poursuivant la réflexion, en partenariat avec l’American Bar, et en lien avec tous ceux qui ont fait part de leur intérêt.
● La première voie à suivre tient à la poursuite d’un partenariat étroit entre l’ABA et le Conseil national des barreaux. Dès lors, le Président se rendra au prochain congrès annuel de l’ABA du 8 au 13 août 2013 à San Francisco. Il a également invité officiellement l’ABA au prochain évènement majeur de la profession d’avocat qui est la Convention nationale des avocats, qui se tiendra du 28 au 31 octobre 2014 à Montpellier.
● La seconde voie s’inscrit dans la perspective de cette prochaine Convention nationale puisque la CAEI prépare en vue de cette manifestation un atelier consacré à ce thème porteur.