Le 9 mai dernier, 400 féministes de France, de pays en développement et du monde entier, se retrouvaient à Paris pour le sommet Women 7. A la tribune de la maison de l’UNESCO se sont suc cédées de nombreuses femmes comme Ephrasie COULIBALY, militante ivoirienne ; la tunisienne Aya CHEBBI, émissaire pour la jeunesse de l’Union africaine, Ghada HATEM, la fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis ou encore Lyric THOMPSON, la directrice des politiques de l’ICRW (International Center for Research on Women).
Et le public se souviendra longtemps de la standing ovation faite à la jeune féministe guinéenne, Hadja Idrissa BAH.
Le Sommet Women 7 a permis de mobiliser la société civile, alors que, dans quelques mois, du 24 au 26 août, les chef·fe·s d’Etat du G7 se retrouveront à Biarritz. La France a en effet pris, depuis le 1er janvier 2019, la présidence du G7. Et tout au long de l’année 2019, des réunions ministérielles se sont égrenées, dont la réunion des ministres de l’égalité du G7 qui se retrouvaient également à Paris les 9 et 10 mai.
Enclenché en Italie en 2017, le mouvement Women 7 vise à rassembler les voix féministes du monde entier pour défendre les droits des femmes et des filles dans les pays du G7 et dans le monde, et a porter la mobilisation pour que le G7 prenne des mesures politiques et financières en faveur de l’égalité de genre. Ce mouvement a pris son essor dès 2018, grâce au soutien du premier ministre Justin Trudeau, alors que le Canada accueillait le G7. C’est lui, notamment qui a fondé le Conseil Consultatif à l’égalité entre les sexes. Un format judicieusement repris par la France.
Dans sa version française, le mouvement Women 7 rassemble déjà une centaine d’associations féministes du monde entier. Lors de l’événement, le Women 7 a remis ses recommandations aux ministres du G7. Et notamment les deux principales : l’augmentation des ressources financières en faveur des associations féministes et l’accroissement de la participation des femmes et des filles à l’élaboration des politiques dans leurs propres pays mais aussi au sein d’espaces internationaux tels que le G7 et aux processus décisionnels.
Cette initiative vient emboîter le pas sur beaucoup d’autres, beaucoup de lois / de promesses, de « sur place » depuis le Sommet de Beijing, qu’est ce qui, selon vous, fera la différence aujourd’hui ?
Effectivement, le Women 7 en France s’inscrit dans la continuité des différents sommets sur les droits des femmes et particulièrement de la quatrième conférence mondiale sur les femmes à Pékin dont on célébrera les 25 ans en 2020.
Aya Chebbi credits photo Cyril Le Tourneur
Il s’inscrit aussi dans la continuité des acquis du Women 7 canadien. Pour la première fois dans son histoire ce sommet avait ouvert l’ensemble de ses discussions à vingt femmes et un homme réuni·es au sein d’un Conseil consultatif à l’égalité entre les sexes. Ce Conseil avait été chargé d’intégrer l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des résultats de la présidence canadienne du G7.
Le Women 7 contribue à ancrer les organisations de la société civile dans les discussions et les politiques mises en place lors du G7. Ce mouvement permet de porter des demandes et des propositions claires pour que le G7 soit réellement féministe.
À l’issue de leur rencontre les 9 et 10 mai, les Ministres de l’égalité femmes-hommes du G7 ont adopté une déclaration en faveur des droits des femmes et des filles. Les Ministres se sont engagé·e·s à adopter le partenariat de Biarritz, compilant certaines des lois les plus progressistes pour les droits des femmes dans le monde entier. C’est déjà une bonne nouvelle, même si cet engagement est encore loin d’être suffisant !
Les associations féministes du Women 7 ont remis des recommandations plus ambitieuses que les engagements pris. Le Women 7 demande aux Ministres d’augmenter les financements des associations féministes et d’assurer la participation réelle de toutes les femmes et les filles dans l’ensemble des décisions prises au G7 et au-delà
Dans le Sud, il y a encore des lenteurs, mais dans le Nord et en France en l’occurrence, le plafond de verre, les égalités salariales etc. c’est encore et toujours du sur place, qu’en pensez-vous ? Comment crever ce plafond de verre et en l’occurrence briser les mentalités ? Ne s’agit-il que de mentalité encore aujourd’hui ?
Aucun pays au monde n’a atteint l’égalité entre les femmes et les hommes et pas un seul s’engage ou investit suffisamment afin d’y arriver.
Bien que la France se revendique d’une diplomatie féministe, Emmanuel Macron n’a pas fait le déplacement pour assister au Sommet Women 7, contrairement à son homologue Justin Trudeau, qui avait participé au Women 7 en 2018.
La France a une responsabilité historique en tant que présidente du G7. Si le Women 7 salue la reconduction du Conseil Consultatif pour l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les travaux en cours afin d’établir une liste de lois modèles en faveur des droits des femmes et des filles, ces initiatives doivent être accompagnées de mesures ambitieuses et financières. Car sans des engagements concrets ayant un réel impact sur la vie des femmes et des filles partout dans le monde, ce G7 ne réussira pas à briser le statu quo ou à contrer les régressions autour des droits des femmes et des filles que l’on observe malheureusement dans de nombreux pays. Car mettre en avant des politiques publiques et une diplomatie dites « féministes » sans les accompagner de mesures décisives créerait un standard au rabais.
Pour le moment, la France a annoncé la création d’un fonds de 120 millions d’euros pour soutenir les associations féministes des pays du Sud. Le Women 7 appelle les autres pays du G7 à emboîter le pas à la France en augmentant considérablement les fonds destinés aux associations féministes partout dans le monde. Par ailleurs, le Women 7 appelle les Etats à être exemplaires en fournissant le même type d’efforts financiers pour les associations nationales. Si la France, présidente du G7, veut vraiment faire de l’égalité femmes-hommes une grande cause mondiale, cette ministérielle n’a pas fait ses preuves. Le Président de la République Emmanuel Macron a une ultime chance de rectifier le tir lors du Sommet des leaders en annonçant davantage d’actions concrètes en faveur des droits des femmes.
« Féminisme » est un mot que l’on a tendance à stigmatiser, pourtant rien ne se fera sans les hommes ?
Comme l’affirme sa campagne « feministscount.org : le temps passe mais les inégalités persistent », le Women 7 est sans équivoque féministe. Bien sûr, des hommes ont leur place dans le mouvement du Women 7 et les mouvements féministes en général. Mais il s’agit bien de favoriser la participation des femmes et des filles à l’élaboration des politiques et aux processus décisionnels notamment au sein du G7. A ce jour, elles restent sous-représentées. Par ailleurs, les activistes féministes sont, au mieux, « consultées ». Pourtant, le féminisme est un moyen puissant de repenser nos sociétés à un moment où cela est vraiment nécessaire. Les revendications pour les droits des femmes interrogent l’ordre, les pouvoirs et les dogmes établis. Elles invitent à regarder en face les différentes inégalités construites sur des rapports sociaux de sexe, de classe et de «race» qui traversent nos sociétés. Les revendications féministes, profondément transformatives, constituent des leviers déterminants pour construire un monde plus juste, plus durable et finalement plus humain.
Collectif Women 7.