De nos envoyées spéciales à Dakar : Fériel Berraies Guigny
Photos Diane Cazelles
Métisse congolaise et belge d’origine et de nationalité française et sénégalaise, elle réunit à elle seule cette Afrique plurielle riche et diversifiée que nous aimons tant. Amoureuse de l’Art africain, elle a l’Art et la manière pour dénicher ces talents insoupçonnés de notre Mama Africa.
les marabouts en bois d’ébène et en bronze, le fabuleux travail d’un artisan de Casamance in la Galerie Arte de Dakar
UFFP est allée à la rencontre de cette galeriste de renom de la capitale sénégalaise, pour découvrir les merveilles de l’artisanat et de la création contemporaine africaine. Nous avons d’ailleurs craqué pour une magnifique statuette en bronze du Burkina, de fabuleux bijoux de cérémonie Baoulé de Côte d’Ivoire, mais également un irréel collier et une bague d’un artisan du Niger venu tout droit de son Agadès natal.
merveilles artisanales d’Afrique de l’Ouest in la Galerie Arte de Dakar
Mais outre le fait d’avoir du goût, Joëlle le Bussy avec sa Galerie Arte est véritablement une femme engagée pour la cause de l’Art et de l’artisanat dans notre région.
colliers avec les cories
C’est par le biais d’expositions qu’elle met en avant les créateurs qu’elle choisit ensuite d’exposer. C’est aussi une femme au grand cœur, à l’écoute par rapport aux problématiques de son temps. UFFP vous la raconte.
Joëlle Le Bussy
Entretien avec UFFP
L’Afrique c’est une histoire qui dure ? Oui, j’ai été élevée en France, mais très tôt j’ai été attirée par l’Afrique. Je vis aujourd’hui au Sénégal et cela fait plus de trente ans.
Votre africanité vous la vivez comment ? Par ce que je fais. J’ai deux galeries, une à Dakar et une autre à Saint Louis.
Celle de Dakar, la galerie Arte s’articule autour de trois départements : le premier est la promotion de l’art africain contemporain. Je participe activement à la vie culturelle du Sénégal, en faisant la promotion des artistes durant la biennale de l’Art contemporain. A Saint Louis, la Galerie a organisé une biennale « off » pour se rallier à la biennale « in » . Nous avons également participé à l’événement « parcours » où dans 15 endroits on a exposé de l’Art contemporain. Nous avons d’ailleurs exposé un congolais de la RDC du nom de Mayemba, formé à l’école des Beaux Art de Bruxelles, il est allé en résidence à Saint Louis au mois de juillet. Il a peint Saint Louis d’après son ressenti. Il a peint les Signares. Un véritable voyage dans le temps. Le deuxième volet est relatif à la promotion de l’artisanat, dans la Galerie Arte vous pouvez découvrir tous les artisans d’Afrique de l’Ouest. Et le troisième volet est orienté « design »
les colliers en tissus wax
Parlez nous de vos artisans d’où viennent-ils ? On a le Niger avec Moussa Ambiti qui expose quatre mois par an. Il vient d’Agades, la Galerie est une vitrine pour lui. A part Moussa qui est physiquement présent avec ses bijoux, les autres ne le sont pas directement, mais à travers leur production. Du Burkina nous avons les bronziers comme Hyppolite et Hamidou. Il y a également, les boites en cuir qui viennent du village artisanal d’Ouagadougou. Des colliers d’un créateur malien « Titou Toglo »
Il y a également des créateurs de bijoux ivoiriens, qui font des pièces baoulé « l’or baoulé » qui se porte lors des mariages. Mais ces pièces peuvent également être représentées comme objets d’Art contemporain.
collier touareg en argent. Moussa oumbiti artisan d’Agadés
La Galerie est une vitrine pour l’Afrique de l’Ouest ? Oui absolument, pour les bijoux, le cuir et le verre. Nous avons d’excellents sous verristes sénégalais qui exposent ici, on a Djibril Diev, Alexis Ndoye. La Galerie le Patio à Saint Louis a quant à elle rendu un hommage à un excellent sous verriste du nom d’Oumbida qui est décédé en juillet dernier. On a aussi des chemins de table en bogolan, toute une promotion de l’artisanat est donc faite dans la galerie.
Votre travail de promotion s’oriente aussi vers le durable ? Oui je suis partenaire avec l’USAID de la promotion de l’artisanat ouest africain aux Etats Unis. Afin d’aider à exporter davantage.
Votre troisième volet après la promotion de l’Art contemporain et l’artisanat, c’est donc le design. Oui je suis designer, je crée des meubles que je dessine et j’ai un atelier où travaillent dix menuisiers, tous de Casamance et du même village.
Ces meubles utilisent du bois d’Afrique ? Oui plusieurs bois d’Afriques qui viennent du Gabon, de la RDC, de la Casamance. Pour citer les bois : le wengué, le sipo, le bete, le dibetou…etc
J’essaye de faire des patchworks de bois, je mélange la petite pointe africaine avec du contemporain. Mes meubles sont métisses comme moi, j’emploie les techniques et les finitions européennes.
Gardez les standards européens, ce n’est pas compliqué en Afrique ? en fait l’atelier est chez moi et je les ai à l’œil (sourires) au début j’ai fait une formation à mes ouvriers et aujourd’hui ils ont assimilé ce que j’attends d’eux.
Vous exposez à l’international ? Oui j’ai fait pas mal d’expos à Paris dont Maison& Objets,il y a un an. J’ai aussi fait les Etats Unis avec l’USAID.
Quels sont vos défis ? L’exportation du bois en fait est de plus en plus compliquée. Car c’est du bois précieux et avec les surtaxes, c’est de plus en plus compliqué de travailler avec les Etats Unis. En travaillant du bois de récupération, j’essaye de contourner le problème, mais j’ ai de plus en plus de mal à en avoir !
Votre clientèle ? Essentiellement américaine et européenne. Au début les sénégalais étaient réticents à acheter des meubles cirés, ils préféraient les meubles brillants ou vernis, genre Roméo ; en fait on se méfie toujours de ce qui est fait localement. Mais les choses commencent à changer, les sénégalais en général n’achètent jamais d’Art premier. Mais les gouts sont en train d’évoluer.
statuette en bronze avec une vraie feuille trempée du Burkina Faso
USAID fait des projets avec les femmes ? Oui notamment avec les femmes artisanes de Thiès et c’est un projet d’envergure qui est en train de propulser la région. Il s’agit des paniers que l’on exporte par container.
S’agissant de la promotion de l’artisanat, l’Etat sénégalais est il investi ?pas vraiment et c’est une de mes frustrations. On n’est pas soutenu, les artisans sont livrés à eux mêmes et il n’y a pas de belles vitrines pour les mettre en avant. C’est dommage que les Ambassades sénégalaises ne soient pas une vitrine de l’artisanat sénégalais.
Quels conseils pour les femmes artisanes sénégalaises ? la qualité, la rigueur, cela fait un peu défaut ici.
La culture, ambassadrice pour la paix et le dialogue ? oui j’y crois ! j’étais membre du jury du SIAO. Oui cela crée des échanges, de l’amitié, et la paix aussi quand on est dans l’ART et la créativité.
Lieu référent à Dakar pour qui aime le design, l’artisanat, l’art… La Galerie Arte est incontournable. Créée en 1996 par Joëlle Le Bussy
Galerie Arte, 5 rue Victor Hugo X Léopold S. Senghor, Dakar, Tél. : 33 821 95 56.
Le Patio Saint Louis, 252 quai Henry Jay X rue Amadou Ndiaye, Saint Louis, Tél. : 33 961 60 26