Par Aicha Bounaies
Spécialiste en finance et chargée de programmes de développements financiers à l ‘international, Charlène Mc Koin a travaillé près de 25 ans dans la coopération internationale, et la finance internationale. Cette afro-américaine a vécu 22 ans en Amérique Latine et plus de six ans en Afrique lusophone. Elle est actuellement Chef de projet dans le domaine financier en Angola auprès de l’USAID. L’USAID a plusieurs programme d’aide au développement en Angola notamment dans les secteurs du développement agricole et de la sécurité alimentaire. Ces programmes visent principalement à améliorer l’environnement de l’investissement dans le pays en créant des politiques incitatives tout en développant l’infrastructure financière qui doit les accompagner. C »est son passé dans la banque et le marketing qui fait que Charlene McKoin était la personne toute trouvée pour collaborer dans le cadre d’un projet en finance en jumelage avec le Banco Nacional de Angola ou BNA. Sa tâche est entre autre de conseiller cette Banque sur les produits et les services susceptibles d’améliorer le secteur de la finance et de promouvoir un meilleur accès du crédit au citoyen moyen angolais. Car près de 94% des angolais n’ont pas accès à la Banque et de ce fait ignorent quels seraient les services bancaires disponibles. En plus de veiller à ce que la BNA mette en place des règles éthiques en faveur de la promotion de l’investissement il s’agit aussi pour Charlène de mettre sur pied une campagne en vue d’éducation la population aux rouages de la finance » nous devons rendre les banques accessibles au peuple même aux couches les plus défavorisées » explique t-elle. Un défi, car il faut véritablement rétablir la confiance par rapport au service bancaire et ce n’est pas toujours facile » un défi que je suis prête encore et toujours à relever, même si parfois je suis profondément découragée » nous confie t-elle.
Les réalités de l’Angola: Malaria et Mines anti personnelles
Un des fléaux qui continue de tarauder l’Angola est la malaria. Une maladie qui reste endémique et qui paralyse la croissance d’une Nation car elle frappe plusieurs fois l’année et est mortelle dans les zones rurales où l’accès aux services sanitaires reste limité. Une piqûre de moustique et le pire est à craindre car même l’utilisation des moustiquaires reste aléatoire » si l’on est malade on ne peut plus travailler et quand on considère que l’essentiel des activités reste le secteur primaire, alors la personne contaminée ne peut même plus nourrir sa famille » un cercle vicieux pour l’heure qui ne trouve pas de réponse adéquate, faute de campagnes d’éducation appropriées et dans la durée. Ajouté à cela, le problème des mines antipersonnel qui continuent de fragiliser un quotidien déjà précaire.
Pourtant la fin d’une guerre terrible laisse présager de meilleurs lendemains, mais tout cela n’est encore que l’hypothétique faute de pouvoir reconstruire une infrastructure complètement démantelée par les conflits sanglants qui ont perduré dans le pays.
La femme angolaise un roc devant l’adversité
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, des années de guerre, de misère et de souffrance n’ont pas tari la volonté de la femme angolaise » elle est forte, fière et dure » nous raconte Charlene Mc Koin, elle n’a pas le temps d’être victime, tout repose sur elle. La femme angolaise est la pierre angulaire, le pilier de la famille elle est aussi la source principale de revenu. L’USAID considère d’ailleurs qu’elle est la cible de tous ses programmes d’éducation financière dans le pays. Ces femmes sont des entrepreneuses nées, on les voit dans les rues en train de vendre leurs marchandises, elles se lèvent tôt pour arpenter des k ms en vue de se rendre en ville et vendre leurs biens dans les marchés de la capitale. » La femme angolaise est un roc elle a survécu à vingt ans de guerre civile » c’est réellement une survivante. Il faudra une autre génération pour que les choses se stabilisent pour ces femmes, mais elles ont compris la valeur de l’éducation et elles font tout pour maintenir leurs enfants à l’école » la pauvreté en Angola et en Afrique c’est un fait endémique et elle ne sera pas éradiquée de sitôt. Toutefois l’espoir subsiste de voir le pays se reconstruire et sa société se moderniser » le rôle des femmes est important ce sont elles qui payent toutes les charges de la famille et l’éducation; elles sont conscientes que leur relève c’est à travers les générations futures » explique Charlène MCKoin. Garder les enfants à l’école, scolariser les filles, combattre l’analphabétisme sont les défis au quotidien.
Procéder un pas après l’autre, lentement mais sûrement, le Ministère de l’Éducation angolais est quant à lui déterminé à inclure également dans le secondaire des cours de gestion. Un programme qui sera financé par les Nations Unies, un moyen d’encourager l’entrepreneuriat dans le pays » dans mon projet, la plupart de ceux qui y collaborent sont des femmes, dont notamment l’ancienne Vice Gouverneur »! ajoute l’experte.
Etre afroaméricaine en Afrique
Pour Charlene MCKoin, l’Afrique c’est un peu chez elle et pourtant elle le sait elle est une étrangère chez Mama Africa. » je ne peux pas prétendre que notre culture est la même mais pourtant il y a une sorte d’affinité du fait d’être femme, on se regarde, on se voit et on apprend l’une de l’autre » Charlène MCKoin a appris la force face à l’adversité, c’est ce que sa sœur angolaise lui a enseigné. Elle a vécu en Afrique et elle a appris ce que veut dire donner même quand on n’a pas grand chose » les collègues que j’apprécie le plus dans mes expériences sont les femmes et les africaines notamment, cela a d’ailleurs été mon moteur et m’a motivé à encore plus les aider à devenir indépendante, à prendre le pouvoir pour contrôler leur destin » !
Donner le pouvoir aux femmes
Il suffit de donner des microcrédits, d’éduquer, d’aider au développement de petites entreprises et là nous mettons sur les rails des générations de femmes entrepreneurs » ce sont les femmes qui répondent le mieux à nos programmes de développement » insiste t-elle. Les femmes africaines savent épargner, elles sont les meilleures quand il s’agit de crédit et elles gèrent sérieusement leurs affaires. Sans elle, la famille serait en danger, elles ramènent le salaire à la maison quand le mari travaille aux mines ou qu’il a immigré pour trouver du travail ou encore quand il succombe au virus du sida. Plus de pouvoir aux femmes africaines » More power to African Women » !
Il n’y a pas de recettes miracles pour donner le pouvoir aux femmes: tout d’abord les filles doivent aller et surtout rester à l’école. En temps de crise on considère qu’il est plus important de garder le garçon à l ‘école, alors que la fille elle est réduite aux tâches ménagères » je trouve cela très triste et injuste » !
La solution? allouer des microcrédits aux femmes et même aux filles en secondaire: un programme que l’USAID a actuellement accompli au Kenya, pour prendre en charge les jeunes filles qui viennent de quitter l’école ou qui n’y sont jamais allées, des microcrédits sont mis à leur disposition pour créer des petites entreprises et les rendre ainsi financièrement indépendante » ce programme vise des filles en danger qui pour se nourrir et nourrir leur famille sont poussées à échanger le sexe contre du poisson »! explique Charlene MCKoin.
Ce programme les aide à faire pousser des fruits et des légumes dans des jardins qu’elles vont ensuite vendre dans les marchés et garder ensuite une part pour nourrir leur famille. En inculquant des bases entrepreneuriales, elles apprennent à produire encore mieux, gagner plus d’argent et ainsi vendre plus. D’autres jeunes filles ont également commencé des élevages de poulet et de chèvres, d’autres encore ont acheté des machines à moudre les fruits et légumes en vue de confectionner des confitures. Ces jeunes filles ne sont plus des cibles potentielles des pêcheurs et deviennent des role models dans leur communauté » c’est véritablement le côté positif de tous nos programmes de développement humain et ce qui me donne la force pour continuer » confie Charlène.
L’Afrique vue par l’Amérique
Paradoxalement, l’Afrique est perçue comme un grand pays et non comme un Grand continent avec ses disparités et ses diversités. Il y a beaucoup de clichés négatifs » on voit l’Afrique comme un grand pays pauvre et on ignore tout de son incroyable richesse humaine et culturelle, on retient les images d’enfants squelettiques succombant aux famines » et ça parce qu’une « célèbre star du cinéma nous a montré qu’elle faisait de l’humanitaire pour venir en aide aux enfants »! une image terrible si loin de la réalité mais qui perdure aux Etats Unis, d’autant que jusqu’à récemment dans les écoles quand il s’agissait de relations internationales on ne s’intéressait qu’à l’histoire européenne, l’Asie ou l’Amérique Latine et non l’Afrique!
» Je parie qu’avant Obama, aucune américain ne savait où était le Kenya ajoute » Charlène Mc Koin. Avec Obama on a assisté à de nouvelles relations, un nouveau regard !
D’un point de vue stratégique, l’Afrique a toujours été importante pour l’Amérique, mais bien sûr nous ne sommes pas à l’écart d’une certaine extrême droite raciste en Amérique qui essaye de détruire l’image du Président Obama » clamant qu’il n’est pas né aux Etats Unis pour éviter son élection en tant que président américain, ce qui est un mensonge avéré »! clame Charline MCKoin.
Mais les mentalités sont en train de changer en Amérique » mes neveux et nièces ont passé tout un semestre à apprendre des choses sur le Continent africain et nous devons aussi beaucoup à certaines personnalités du show biz qui ont mis les pleins phares sur l’Afrique. les afro-américains ont envie de retrouver leur racine, découvrir la terre de leurs ancêtres » il y a une histoire qui nous a été volée, nous devons nous réapproprier cet héritage et qui sait, refaire le lien avec des parents de x générations antérieures » mais Charlene MCKoin ne veut pas jeter la pierre à ses frères et sœurs blancs pour autant » certains d’entre eux sont allés en Afrique et y sont restés !
L’Afrique a des richesses et des perspectives insoupçonnables, son peuple est riche et résilient, son enfance créative » je suis toujours étonnée par ses jouets que les enfants apprennent à fabriquer de rien du tout, ils n’ont pas besoin de game boys ou de computer pour sourire!
» Pour moi, il n’y a rien de plus beau que l’image d’un enfant d’Afrique en train de sourire, ce sourire il vaut de l’or car il rime avec espoir »!