DAKAR FASHION WEEK : dix ans déjà !
Par Fériel Berraies Guigny
PHOTOS DR ADAMA PARIS
Dakar Fashion Week a dix ans: entretien exclusif avec la Fondatrice Adama Paris
Adama Paris Designer et Fashion Producer. photo DR
Rendez vous devenu désormais incontournable, la Dakar Fashion Week dont la fondatrice est nulle autre qu’Adama Paris, Adama Ndiaye de son nom de baptême, aura lieu cette année le mois de juin. Une grande première pour nous les habituées du mois de juillet, mais aussi un changement de stratégie comme a expliqué Adama Ndiaye qui considère que le mois de juillet est déjà trop surbooké par les Fashion Week du Monde. Dix ans tout rond, une belle date, pleine de souvenirs et un bilan où se mêlent les plus grandes joies et les plus grands défis pour cette jeune baroudeuse de la mode qui il y a dix ans, a décidé de créer cette Fashion Week alors qu’elle quittait son Europe et son Amérique, là où elle avait séjourné une grosse partie de sa vie. Adama Paris, c’est d’abord une marque de prêt à porter mais également une façon d’être et de voir la mode en Afrique. Pour elle, les débuts furent assez mouvementés trop jeune, « étrangère » venue d’ailleurs, elle voulait conquérir la Teranga le pays de ses aïeux dans un milieu où les « ainés » font toujours loi et où l’innovation peut faire peur. Mais Adama est une battante, une personnalité de fer, une ambition sans égale et surtout un désir de faire les choses bien!
Adama Paris entourée de ses tops l’année derniére. PHOTO DR
Adama Paris ne compte pas s’arrêter à Dakar, productrice de plusieurs événements de mode dans le Monde dont la fameuse Black Fashion Week qu’elle a exporté à Prague et dont UFFP était également partenaire média, aussi prochainement à Paris, Bahia et Montréal, UFFP vous donne en avant première , cette interview exclusive à une semaine du lancement de la Fashion Week que tous les aficionados de la mode africaine attendent avec impatience.
DAKAR FASHION WEEK souffle ses dix bougies !
Par Fériel Berraies Guigny
United Fashion for Peace webzine qui est le partenaire média de cette 10 e Fashion Week; qui a un gout très spécial puisqu’Adama nous a confié durant l’entrevue, que depuis la naissance de la plateforme UFFP son regard sur la mode éthique a changé » je vois la mode autrement aujourd’hui et quand je fais mes sélections et programmations je me rappelle des valeurs de United Fashion for Peace et j’essaye d’aider les créateurs qui sont dans cette mouvance » nous a-t-elle confié. Adama Paris évolue dans le monde du luxe et de la mode et même si l’industrialisation de la mode reste son principal créneau, nous savons aujourd’hui qu’elle comprend et soutient notre combat pour les femmes et le développement durable dans la mode.
UFFP vous fait découvrir un entretien à cœur ouvert entre deux femmes du même feu à quelques jours de la Fashion Week sénégalaise et des fameux trophées de la mode africaine qui récompensent le meilleur de la création dans le Continent.
Adama Paris designer et productrice
Adama Paris. photo Alexis Peskine
Récit de l’entretien:
Pourquoi la Dakar Fashion Week, la genèse du lancement de cette Fashion Week ? à la base je voulais revenir chez moi. Je voulais à l’époque faire un défilé dans mon pays. Mais à mon arrivée, j’ai été surprise de voir que presque rien ne s’y passait. Il y avait un événement qui aujourd’hui n’existe plus, la Simode. Quand je suis arrivée à Dakar la Simode de la designer sénégalaise Oummou Sy s’était arrêtée depuis sept ans. C’était une opportunité pour moi, et j’ai alors décidé de lancer la Dakar Fashion Week.
Dix ans déjà cela fait quoi? ça fait beaucoup ( sourires). J’ai commencé la production d’événements mode alors que j’avais 24 ans. Mais en tant que designer avec la marque Adama Paris j’ai commencé il y a treize ans. Dix ans c’est un bon chiffre, c’est un chiffre rond et cela prouve qu’on tient la distance et que l’on a su s’imposer. Dix ans aussi de lutte, de galères, de pleurs et de rires et de beaucoup de joie surtout. Je suis une femme cancer je vis à fond les choses et je cache aussi mes émotions ( rires) j’ai appris avec la notoriété à ne plus me dévoiler aussi. Mais il faut aussi être réaliste, l’Afrique c’est aussi des difficultés et beaucoup de critiques parfois et des embuches.
Les galères c’est quoi pour toi ? j’ai la chance d’avoir un noyau solide et dur autour de moi, leur avis est important pour moi, le reste m’importe peu. J’ai pour principe d’écouter toujours mon cœur et de toujours essayer de faire bien les choses. Par expérience j’ai appris qu’écouter trop les personnes peut freiner notre élan. Le manque d’argent est la réelle problématique car on a les idées et l’envie de faire mais le budget qui est très important peut venir à manquer. C’est vrai qu’au tout début, mon premier obstacle au Sénégal c’était que l’on considérait que j’étais trop jeune et donc j’avais du mal à trouver des sponsors. Je connaissais peu le milieu dakarois de la mode et personne ne me connaissait. Au Sénégal et partout en Afrique ‘il faut avoir un certain âge pour avoir de la crédibilité « aujourd’hui je n’ai plus ce problème (sourires)mais au tout début, j’ai pris ma grande sœur pour la mettre en avant et chercher les sponsors pour pouvoir avoir enfin le respect des gens.
Clientélisme et népotisme et la politique des monopoles cela aussi il faut casser qu’en penses tu? c’est tout à fait vrai, le monopole et le copinage c’est très récurrent au Sénégal et je pense que c’est un peu partout comme cela dans le Continent. En Afrique le milieu politique y est aussi étroitement mêlé.
Le nouveau gouvernement sénégalais mais aussi le fait d’avoir un Youssou Ndour comme Ministre de la Culture cela peut aider ? en tout cas je l’espère. Youssou Ndour le connaissant je sais que c’est un artiste très impliqué déjà et même pour mon événement il m’a demandé ce dont j’avais besoin ! il est clair que c’est un grand pas car en général on écrit des lettres et on ne vous répond jamais. Youssou est à l’écoute du peuple, il va vers les gens, il n’a aucune prétention il essaye vraiment de bien comprendre les choses. C’est une démarche que je trouve excellente.
L’Etat sénégalais te soutient il? Non ! mais pour deux raisons, et il faut que je le précise moi je ne demande jamais rien au gouvernement. Et c’est une démarche que j’ai depuis toujours. Mais le gouvernement de Wade, il faut quand même le dire, m’a aidée deux fois. Mais je n’aime pas faire cette démarche en général. Bien sur le Ministère de Tutelle, s’agissant du Tourisme et de la Culture et en l’occurrence le Ministère aujourd’hui de Youssou Ndour, oui je fais la démarche mais je ne vais jamais à la Présidence pour demander quoi que ce soit. C’est d’ailleurs une chose que je déplore chez certains créateurs du Continent africain. J’ai écris à la Mairie de Dakar et au Ministère du Tourisme car il et vrai que mon événement est une vitrine touristique pour la Capitale.
Quels sont les critères de sélection pour les designers? il n’y a pas de candidatures spontanées car nous choisissons les designers selon certains critères. Il faut une très belle collection dans la création mais également les finitions car le podium est aujourd’hui à un niveau international reconnu. On n’ accepte plus les tous jeunes créateurs, je ne fais plus de soirées jeunes créateurs depuis deux ans. Parce que je veux mettre l’accent sur le développement haut de gamme comme pourrait l’être la South African Fashion Week. Je l’ai fait depuis huit ans ceci dit. Cette année, j’ai invité les designers qui ont marqué la décennie à Dakar, j’ai véritablement été à l’écoute de mon public dakarois qui a plébiscité certains designers qui ont beaucoup vendu sur place d’ailleurs.
Dakar Fashion Week ne cible pas uniquement l’afro couture? Absolument pas, nous avons des designers comme Imane Ayissi, Elie Kuame, Martial Tapolo qui ne font pas de l’Afro et que l’on invite. A part les sénégalais, dans cette programmation à venir aucun fait de l’Afro.
Déroulement de la Fashion Week ? les shows commencent le 13, on va faire cette année les choses en grand, un défilé dans la rue sur la place du centenaire, c’est l’avenue la plus populaire de Dakar. Cela va permettre de démocratiser la Fashion Week pour les jeunes des banlieues de Dakar afin qu’ils puissent venir voir les créateurs. Cela sera suivi d’un concert avec les artistes qui m’ont accompagnée depuis dix ans, des gens de ma génération et un peu plus vieux comme Didier Awadi, Vivianne ou encore Salam Diallo. Le lendemain on aura un défilé pour deux cent personnes au BARRAMUDI qui est un des coins chics de Dakar. Vendredi et Samedi on aura deux grands défilés au Radisson. Et dimanche on aura la cérémonie des trophées de la mode, une soirée à l’ALKIMIA assez sélecte.
Tes autres productions à venir? je viens de boucler le budget de la Paris Fashion Week on a beaucoup bataillé pour y parvenir mais ça y est, on va faire cela juste après le pap Paris, c’est-à-dire du 4 au 7 octobre. Entretemps j’ai aussi eu un financement de la ville de Bahia pour faire la Black Fashion Week du 19 au 29 juillet. C’est l’année de la conscience noire pour eux, ils étaient impressionnés par les images de Prague. Et en septembre j’ai un autre financement pour la Black Fashion Week à Montréal.
Et ta vie perso dans tout ça? j’ai la chance d’avoir un homme gentil et qui me soutient dans tout ce que je fais ( sourires)
Quel est ton message aux lecteurs de UNITED FASHION FOR PEACE? je pense que c’est vraiment des valeurs qui me touchent, car je suis la première à défendre entrepreneuriat au féminin en Afrique !
Les femmes du Continent ont toujours plus de mal à se démarquer dans le milieu et l’idée est de pouvoir pour nous femmes africaines travailler dans ce qui nous passionne. Ne pas être uniquement reléguée à des petits boulots pour survivre. Au delà de cela je voudrais être la porte parole d’une Afrique qui change et qui bouge qui se prend en charge.
Tu es une femme de cœur Adama quel est ton regard par rapport aux conséquences désastreuses du printemps arabe aussi bien pour tes sœurs nord africaines que tes sœurs sahéliennes ? j’ai beaucoup de peine pour ne rien te cacher, d’autant que ce sont toujours les femmes qui souffrent le plus de ces conflits. Je n’ai pas de solution mais je suis de tout cœur avec elles, je sais qu’il y a énormément de femmes engagées, dont toi et je sais qu’elles n’ont qu’elles mêmes pour se défendre. J’ai beaucoup d’admiration pour toutes ces femmes et je suis convaincue que c’est par elles que la vraie démocratie s’installera dans le Continent.
United Fashion for Peace, que penses tu de cette philosophie? c’est une superbe initiative et j’y ai adhéré depuis sa création. C’est vrai que moi j’ai un créneau bien précis mais je trouve que c’est très courageux car c’est très dur d’évoluer avec cette philosophie dans un monde de plus en plus hermétique . La Mode c’est beaucoup le luxe et le rêve et l’éthique n’est pas toujours une réalité évidente. Mais je pense personnellement et j’en suis convaincue, que c’est à construire et que cela prendra du temps, mais c’est réellement possible. On peut être Fashion et être éthique, c’est encore une fois une superbe initiative et pour ma part j’attends avec impatience la sortie du magazine papier. Tout est possible, UFFP a une grande notoriété sur le net et au-delà de cela, le personnage derrière cette initiative s’est imposé et le nom et la signature qui vont avec, restent très respectés et reconnus dans le Continent. Grâce à des gens comme toi, les gens se penchent aujourd’hui sur le problème de l’éthique et le développement durable d’une autre façon. En tout cas moi, j’ai été très sensibilisée en tant que designer et en tant que productrice d’événements. Maintenant je plébiscite aussi cette catégorie de créateurs et j’aide les créateurs qui travaillent dans l’éthique et cela je le dois à UFFP!
Merci Adama Paris et bon vent à cette FASHION WEEK qui promet…
Programmation de la 10e Fashion Week de Dakar :
Adama Paris ( Sénégal /France)
Adja Diagne( Sénégal)
Alphadi ( Niger)
Amadou Diop ( Sénégal)
Awa Maité ( Mali)
Ayesha Razza ( Pakistan)
Dasha Nicoué ( Bénin)
Dior Lo ( Sénégal/ USA)
Duaba Serwa ( Ghana)
Elie Kuame ( Liban/ Côte d’Ivoire)
Imane Ayissi ( Cameroun)
Karim Tassi ( Maroc)
Ken Traore Ndoye ( Sénégal)
Martial Tapolo ( Cameroun)
Mariah Bocoum Keita ( Mali)
Maxi Style ( Sénégal)
Meriem Boussiko ( Maroc)
Mustafa Hassanali ( Tanzanie)
Oumou Sy ( Sénégal)
Patrick Asso ( Côte d’Ivoire)
Sadiya Gueye ( Sénégal)
Sidi Counda ( Sénégal)
Siham El Habti ( Sénégal)
Taibo Bacar ( Mozambique)
Tito ( Egypte)
Yayi Design ( Sénégal)
Zacometi ( Haiti)
Moustapha Traore ( Guinée) catégorie jeune styliste
Pour contacter et avoir des infos:
ADAMA PARIS