Elle a choisi la lingerie dans un pays qui a connu un passage « conservateur religieux » depuis le printemps arabe. Elle, c’est Raoudha Belhadj la gagnante du second prix du concours des jeunes créateurs au festival de la mode de Tunis en avril 2013. Une première édition, où cette jeune femme qui est voilée a eu le courage de laisser libre cours à son talent et sa fantaisie créatrice en faisant des dessous hyper féminins et sexy. Elle a d’ailleurs défrayé la chronique lingerie dans le pays et en même temps, elle s’est attirée la foudre de mouvances conservatrices qui lui reprochent de dévoiler la femme, alors qu’elle est voilée.
Par Fériel Berraies Guigny photos Diane Cazelles
C’est assurément le grand coup de cœur d’UFFP depuis l’année dernière et cette année étant média partenaire du festival de la mode de Tunis, dans sa seconde édition et membre du jury du concours des jeunes créateurs, nous n’allions pas manquer l’occasion de vous la faire connaître, chères lectrices UFFPIENNES.
Raoudha Belhadj. photo Diane Cazelles pour UFFP
L’amour couture au berceau
Elle est tombée « dedans » dans la couture depuis qu’elle était enfant « toute petite je m’amusais avec mes poupées et dans ma boite à trésor, il y avait toujours mes fil et mon aiguille » nous confie la jeune designer qui s’amusait à piquer les déchets de tissus de sa mère « pour faire des robes à mes princesses » !
Au lycée, ses vêtements ne lui plaisaient pas et c’est alors qu’elle commence à se confectionner ses propres tenues
« je voulais un truc original qui corresponde à mes gôuts et donc je commence à les customiser à les couper et à rajouter des détails et des accessoires »…
Une vocation est née
En 2002 son bac en poche alors qu’elle voulait s’orienter dans les arts, les parents refusent :pas de beaux arts stylisme ou modélisme dans le menu !
Pour un temps, raoudha s’oriente vers la pub et le marketing et commence à travailler dans l’entreprise familiale « mais j’étais mal dans ma peau et j’ai alors pris mon courage à deux mains pour entrer à Esmod Tunis : ce qui correspondait pour moi au « paradis sur terre » ! nous explique telle.
Après deux ans de tronc commun, elle choisit la spécialité lingerie et prêt-à-porter « mais toujours un faible pour la lingerie , j’ai fini mes études à Esmod et j’ai remporté en 2011 le prix pour les deux spécialités « et c’est en 2013, qu’elle lance sa ma marque de lingerie tunisienne » Pin-Up Me » et en participant au Festival de la mode de Tunis, elle remporte le prix de la création « et la surprise pour tout le monde, de voir une femme voilée avec une collection de lingerie « …. le Buzz fut garantit, mais il devait aussi et surtout venir à cause de son incroyable talent…
Un premier pas à l’International
Raoudha participera après son prix tunisien, au festival de la mode à Riccione en Italie avec une liberté de création certes , mais aussi sous couvert de certaines contraintes » pas de collection nue cad des « deux pièces » car cela ne sortirait pas sur podium !!!
En 2014, elle participe au Festival de la Mode de Tunis, dans sa 2eme édition, mais cette fois ci parmi les créateurs chevronnés avec une petite collection sous le thème les années folles « The Great Gatsby «
Une jolie collection avec du satin ,du tulle brodé , de la dentelle brodée, des écailles « j’ai fait des nuisettes, un corset , un pantalon .. de la lingerie haute couture en même temps que des articles commerciaux, vue que j’ai pas eu des demandes l’année dernière, car on jugeait ma collection trop » fantaisie et pas portable » !
Comprendre les besoins de la consommatrice tunisienne
Pour l’instant, Raoudha tente de comprendre sa cible « je n’arrive pas à comprendre le besoin des femmes tunisiennes ou bien leurs budgets , tout en sachant que j’ai des difficultés à trouver la matière première et les accessoires de la lingerie , je fais de mon mieux pour résister aux conditions de travail ; matières ,moyens, mannequins pas professionnels qui n’acceptent pas de porter mes articles sous prétexte que c’est nu alors quelles portent des robes seins nus « pas facile certes dans une société profondément conservatrice et contrastée sous des dehors de libéralisme, la femme tunisienne depuis le printemps arabe a « plus peur de montrer son corps « et trouver des mannequins qui acceptent de se dévoiler est une grosse contrainte pour Raoudha Belhadj qui a fait de la lingerie sa spécialité couture.
Alors quel bilan dans tout ça ?
J’ai gagné un peu d’argent ce qui m’a permis de participer au festival de la mode de Riccione, une certaine visibilité avec tout le buzz autour d’elle. Mais le constat également que les médias de son pays la boude, que durant les fashion events, ses modèles deux piéces sont à peine exhibés, Raoudha Belhadj, aux vues de toutes ces contraintes, songe sérieusement à changer de spécialité. Ce qui est fort dommage, tant elle sait y faire et a du talent. Pour une fois que l’on a une jeune marque de lingerie émergente, capable de rivaliser avec les marques occidentales, il est triste de voir à quel point, les possibilités de développement de nos jeunes créatifs sont limitées. UFFP ADORE LA MARQUE PIN ME UP et surtout le talent et la mentalité de Raoudha BELHADJ.
BIG UP SISTA de Paris nous te soutenons !