Lucille Desjonquères est co-fondatrice du cabinet Leyders Associates où elle est chasseuse de têtes. Mais elle occupe aussi un statut de présidente de Femmes au Coeur des Conseils ; projet rendu possible grâce à la Loi Copé/Zimmermann. Cette loi permet aux femmes de faire l’objet de recrutements au sein des Conseils d’Administration et de Surveillance.
Compte tenu de son engagement identifié et repéré outre Atlantique, elle a été nommée en Mars 2016 présidente en France du célèbre réseau américain de femmes emblématiques IWF (International Women’s Forum » http://www.iwforum.org°
Entretien avec Lucille Desjonquères :
Parlez-nous de votre travail autour du fait qu’il faille casser le fameux « plafond de verre » ? Ici vous êtes au sein de Leyders Associates cabinet de chasseurs de têtes et en fait depuis 2013, nous sommes dans une dynamique où il faut se repenser, se renouveler, se transformer. Et dans ce contexte précis, nous avons voulu trouver des sujets qui pouvaient nous illustrer. Et la loi Copé Zimmerman qui est la loi des quotas qui impose 40% des femmes dans les conseils d’administration, nous a semblé être un formidable levier pour nous permettre de nous inscrire comme des facilitateurs auprès de tous ces présidents d’entreprise.
C’est si difficile de trouver ces « femmes » ? Au départ, Les PDG se sentaient contraints, opprimés avec la certitude de ne pas trouver les profils féminins requis. Les administratrices légendaires étant saturées de demandes, la contrainte des quotas risquaient d’assoir des femmes « incompétentes. Nous avons décidé au sein de notre équipe de nous inscrire dans un rôle de « facilitateur » . Pour cela, nous nous sommes rapprochées de nombreuses femmes méconnues coincées dans leur ascension professionnelle sous le plafond de verre.
Plus je rencontrais ces femmes mirifiques, souvent mère de deux à trois enfants, et plus je suis devenue totalement engagée presque malgré moi. Cet état de fait s’est imposé telle une évidence.
Sur un plan plus pratique, nous avions d’un côté des candidates motivées, disponibles, pleinement légitimes qui allaient pour un grand nombre d’entre elles se former pour parfaire leurs compétences afin d’agir dans l’excellence.
De l’autre côté, nous avions des obligations légales destinées à des centaines de stés cotées de toutes tailles et des ETI non cotées, qui devaient impérativement intégrer des femmes pour leur CA et leurs conseils de surveillance.
Nous allions tout simplement faire le lien entre l’offre et la demande en faisant gagner un temps précieux aux principaux intéressés.
Les Présidents de groupes n’ont pas le temps de recevoir des dizaines de candidates et encore moins d’aller fouiller dans tous les viviers qui s’échafaudent par secteur, par métier, par école etc et les femmes pressenties n’ont pasla vocation d’être le VRP d’elles mêmes.
Lucille Desjonquère, le sexisme en entreprise vous l’aviez vécu ? Pas vraiment, à l’époque où je travaillais en entreprise je n’avais pas eu à souffrir d’une quelconque différence, mais je sais que certaines femmes ont par contre enduré de nombreuses injustices. Cela doit cesser.
Comment procédez-vous quand vous les choisissez ? Nous approchons des femmes sur des critères précis, des parcours internationaux, des cursus attendus, et des résultats obtenus.
Les fantastiques résultats observés juxtaposés à leur humilité voire leur manque de confiance en elles, m’ont propulsée dans le combat du féminisme bienveillant. Défendre la richesse de la mixité et non pas à tout prix la présence unique des femmes me semble essentielle. La société à besoin des deux sexes dans une harmonie et égalité productrice de valeurs, d’enrichissement et de performance.
Femmes et Entreprise uniquement ? Oui je ne peux pas être sur tous les sujets, même si la maltraitance et la violence en général sur les femmes me touchent.
Parlez-nous de cette base de données ? Elle comporte Mille femmes toutes vues, entendues, rencontrées prêtes à être proposées aux sociétés demandeuses contraintes ou pas au quotas pour la partie française. A-t-on besoin d’une loi pour agir intelligemment ??
Des femmes françaises, mais aussi des profils internationaux ? Oui j’avais au départ un maillon faible avec l’absence de profils internationaux. Consciente de l’importance de ce manque, j’ai eu un cadeau du ciel avec la proposition de la part d’un réseau international de femmes emblématiques nommé « International Women’s Forum » www.iwforum.org de créer la filiale française . Ce forum est aujourd’hui composé de 7000 membres présents sur les six Continents et chaque pays œuvre sur un sujet lié aux femmes. En France, nôtre rôle est de placer les femmes dans les Conseils d’administration.
L’accès à intranet très fermé de ce réseau nous permet de répondre à toutes demandes de profils internationaux. La boucle est bouclée !
Les discriminations ont la peau dure ? Le sujet touche autant les hommes que les femmes. Mais pour les femmes cela reste toujours compliqué car à un moment donné elles sont trop jeunes puis ensuite elles vont avoir des enfants et ensuite, elles sont trop vieilles. La fenêtre de tir est très limitée. Heureusement certaines parviennent à faire fi d’un grand nombre de préjugés et tracent leur voie. L’audace est souvent bien perçue !
Mais le vrai sujet reste l’égalité salariale. De 30 % d’inégalités nous sommes maintenant à 15%. C’est un vrai sujet. La RSE des groupes s’est emparée du sujet, ce qui laisse présager une amélioration de cette injustice intolérable.
Les blocages au fond, c’est quoi ? Les mentalités, les stéréotypes, mais aussi les femmes elles-mêmes. Elles sont souvent leur propre victime et sont très mal à l’aise avec les questions d’argent les concernant.
Première licenciée tout de Même ? Non pas vraiment, quand un homme se trompe il a autant de chance d’être licencié qu’une femme. Cela étant les promotions sont le plus souvent proposées à la gente masculine.
Parlez-moi du plafond de verre, et des initiatives comme Force Femmes ? Le plafond de verre il est très épais, quant à Force Femmes je trouve cette association formidable.
Il s’agit de femmes qui vont aider d’autres femmes victimes de notre jeunisme national.
La nouvelle génération X Y Z change les mentalités, modifie les règles du management, l’entreprenariat se développe, le monde bouge de façon spectaculaire et c’est bien . Reste le plafond de verre qui doit s’adoucir et pour cela les quotas doivent être appliqués à bon escient. Il faut se dire que plus de deux mille sociétés sont concernées et seuls 120 ont joué le jeu aujourd’hui. Nous sommes loin du compte. Un mouvement est en route, et avec désolation je constate que les sanctions ne sont pas encore appliquées. Quand est ce que le monde du travail cessera de se passer de 50% de la population !
Merci Lucille Desjonquéres !