Par Fériel Berraies Guigny
Leila Menchari, un nom synonyme de goût et de grand raffinement. Et pour cause, la décoratrice des vitrines d’Hermès en a transcendé le sens, devenant la référence et le symbole dans un monde qui n’en manque pas !
Le fabuleux destin d’une petite fille de la mer
Leila est née près de la mer, à Hammamet en Tunisie. Au cours de l’une de ses nombreuses promenades, elle s’égare et découvre un jardin luxuriant. La petite fille de 10 ans qu’elle était alors, est accueillie avec gentillesse par les propriétaires de la maison, Violet et Jean Henson, une Anglaise et un Américain passionnés d’archéologie et d’histoire, un couple d’intellectuels qui abandonna l’Europe après la première guerre mondiale; Ce jardin, allait devenir le catalyseur de ses rêves car il incarnait la beauté et la liberté, pour une petite fille qui voyait déjà son chemin tout tracé. A leur mort, au début des années 1970, Violet et Jean lèguent leur maison à celle qu’ils considèrent comme leur fille adoptive. Cet héritage consolidera à jamais sa quête éternelle du beau et de l’esthétique. Un penchant naturel qui allait la conduire à cette fabuleuse destinée artistique qui a pavé les chemins de sa vie mais aussi celui de sa réussite professionnelle.
Des années et une belle carrière plus tard, elle nous en parle comme si c’était hier.
Nous l’avons rencontrée, dans ses quartiers au Faubourg Saint Honoré, où elle nous a fait voyager l’espace d’un moment mémorable, à travers ses magnifiques rencontres humaines. Car Leila en plus de son talent, a vu défiler dans sa vie les personnages les plus incroyables de notre siècle. Le luxe et le beau sont un carrefour de rencontres extraordinaires, nous a-t-elle confié.
Baignée dès sa plus tendre enfance dans le pluriculturalisme, Leila a depuis toujours été ouverte à la création universelle. Talent et persévérance, mais aussi sens du mélange des matières et influences, lui ont justement permis d’imposer son sens de l’art décoratif.
De ses voyages, elle rapporte avec elle, la technique, l’artisanat, le savoir faire ancestral d’un pays ; Et alors, le temps et les espaces n’ont plus de prise sur elle, car elle finit par se réapproprier l’âme de cet artisanat. Cultiver le beau oui, mais dans l’universel avec cette touche d’humanisme qui sont ses valeurs personnelles primordiales. Elle nous a confié, qu’elle aimait faire ressortir les traditions du travail manuel. Le beau a bien entendu plusieurs notes et couleurs mais les spécificités culturelles ou historiques d’un pays sont toujours mis en exergue: de la Russie à l’Asie, de l’Orient à l’Occident, à l’Afrique chaque vitrine est une page de l’histoire d’un peuple et d’un pays.
L’Artisanat de tous les pays du monde est source d’inspiration. Revisitant les arts de nos ancêtres, elle a su l’imposer dans l’univers du luxe parisien. Directrice artistique pour Hermès, depuis près de vingt ans, elle nous offre à chaque saison, un magnifique voyage dans les cultures du monde. Elle ajoute que les racines sont nécessaires à la création humaine, que le patrimoine se doit d’autant plus être préservé qu’il est le fidèle garant de notre identité, qu’elle soit en évolution ou passée. Ces vitrines sont des contes et des histoires merveilleuses, des histoires sans fin. La surprise, l’attente, l’imaginaire, Leila Menchari cultive tout cela et c’est aussi cela qui la singularise. Et à chaque veille de Noel, l’attente est délicieuse et les surprises divines dans les vitrines du plus connu des magasins de la rue du Faubourg St Honoré à Paris. L’écrivain Michel Tournier, un ami, dit d’elle que c’est une « reine mage » qui offre aux regards « les parfums de son Orient natal mais aussi les matières précieuses (cuir, soie, cachemire) qui sont plus que son décor : son univers ».
Du Mannequinat à la décoration
Diplômée des Beaux-arts de Paris, elle défile pour Guy Laroche, histoire d’arrondir ses fins de mois ; elle est l’un des mannequins vedettes. Peu à peu la muse devient mentor et l’artiste peintre qu’elle n’a jamais cessé d’être, s’épanouit aux regard du grand public.
En 1978, c’est le grand tournant, le nouveau patron d’Hermès, Jean-Louis Dumas, lui confie non seulement la décoration des vitrines du magasin historique du 8e arrondissement, mais également la direction du comité de couleur de la soie, dont les choix de palettes symbolise l’un des produits phares de l’enseigne : le carré hermès !
Ambassadrice de cœur
On lui connait le talent mais aussi l’engagement et le don de soi. Leila Menchari se prête volontiers à plusieurs causes nobles : en 2006 elle a participé à un événement caritatif d’exception en proposant ses services lors d’une soirée à Versailles, organisée par l’Association française pour la vie espoir contre le cancer (Avec) mettant à l’honneur la Tunisie. Soirée qui, il faut le rappeler, devait commémorer le sixième anniversaire de la charte de Paris contre le cancer.
En 2007 elle a donné un formidable petit coup de pouce « touristique » pour son pays d’origine, avec le traditionnel prix Diane Hermès, où elle a reconstitué à l’occasion de ce rendez vous mondial et incontournable de la jet set et des amoureux du sport hippique, le village de Sidi Bou Saïd, en plein cœur de Chantilly. Tentes bédouines, souk et artisans, galeries de peinture, village bleu et blanc, la Tunisie fut immortalisée.
Reconnue internationalement et chérie dans son pays
Leïla Menchari s’est vue décernée en Tunisie le Didon d’Or, en 2006 en récompense de l’action constante et soutenue qu’elle mène pour l’image de la Tunisie à l’international.
Leila suit en effet de très près l’évolution de l’artisanat tunisien et on la voit souvent intervenir comme membre de jury à diverses manifestations comme la Khomsa d’Or, défilé récompensant les créateurs tunisiens qui mettent en exergue l’artisanat local. Durant la première édition Mode et Design de Carthage 2009, on lui a solennellement rendu hommage. Elle est même rentrée dans la postérité cinématographique avec le dernier long métrage de Josée Dayan en 2008, sous la voix magique de Jeanne Moreau qui a immortalisé à l’écran le fabuleux destin de l’artiste.
Et cette reconnaissance, qui est la marque du talent, est bien méritée.