La mode au cœur. Une belle histoire comme on les aime à UFFP. Rencontre avec Patou Manga créateur de Patoustyle une marque centrée sur la mode masculine haut de gamme et remarquée dernièrement à la Black Fashion Week. Un style recherché mais simple et coloré et surtout l’histoire d’un créateur qui a su se servir d’internet pour développer sa marque et fédérer toute une communauté autour de ses créations.
By Supa Djiles & Damien Paillard photographe. Reporters UFFP
Il était une fois donc …un petit garçon. Ce petit garçon vivait à Douala au Cameroun. Douala ville portuaire et effervescente capitale économique du pays. Ce petit garçon aimait jouer dehors au foot avec ses amis. Il était très doué et on l’appelait toujours pour venir dans l’équipe. Il rêvait de devenir un grand joueur. Ce petit garçon qui s’appelait Patrice était très curieux et observateur. Il aimait particulièrement ce moment privilégié du dimanche, car le dimanche il y avait la messe. Il aimait regarder les gens bien mis, les jolies robes et les costumes bien repassés. Les cols blancs et les beaux atours. Ce moment de fête et de communion. Il aimait surtout ce moment où sa mère se préparait «L’héritage de la mode me vient de ma mère qui était une femme très élégante. Elle enfilait de belles tenues les dimanches et nous habillait toujours très chic pour aller à l’église. C’est de là qu’est née cette passion pour la mode. Ma mère était ma principale source d’inspiration et de motivation car c’était une battante, une self made woman », Petit à petit, il grandit et se mit au foot et…à la couture. Avec beaucoup de volonté et de rêves en tête. Les rêves sont faits pour qu’on les réalise et il avait fait deux vœux. A force d’obstination il réalise le premier et devint footballeur. Le voilà donc en France à 17 ans en « Mbeng » comme on dit au Cameroun. Sport étude. Une première carrière et aussi l‘étonnement. « C’était le jour et la nuit et j’étais étonné de voir que les gens s’habillaient en fonction des saisons ». Un beau métier mais hélas au parcours très court et aux reconversions limitées. Pour Patrice, dit Patou, c’était l’occasion de passer à son deuxième vœu sur sa liste. Il rangea donc ses chaussures à crampon et passa dans un deuxième univers, la mode ! A force d’obstination, de culot et surtout de bagout car l’homme n’a pas la langue dans sa poche. Le voila dans la mode.
Pas chez les pire. Tout d’abord chez Balenciaga comme approvisionneur des tissus et gestion des fournisseurs puis chez St Laurent Couture. Période magique : « J’ai eu la chance d’être là au bon moment, Saint Laurent accueillait dans sa Maison des stylistes italiens comme Stéphane Pilati aujourd’hui chez Zungla ». Cela lui apporte deux choses importantes pour l’avenir. D’une part, une sensibilité au style italien avec « Le mélange des matières, des coupes croisées et ce style très particulier très formel et sportwear », d’autre part une compréhension de l’ensemble de la chaine de la mode. Du processus de fabrication à la livraison en boutique. Il enchaine ensuite dans une autre maison tout aussi prestigieuse, le siège Louis Vuitton au Pont neuf. Là, il travaille sur sensiblement le même poste, les tissus avec en plus la spécialité de la marque les techniques de maroquinerie. Des expériences riches qui façonneront sa vision du prêt à porter. « Ma première révélation a été quand j’ai commencé à travailler pour la maison Balenciaga, où j’ai découvert le processus de création du vêtement. Cela a révélé en moi le talent de styliste que je portais déjà dans mon cœur. J’ai eu la chance de croiser des personnes qui étaient des exemples pour moi. A leurs contacts et au vu de leurs parcours, cela à renforcé mes convictions. La reconnaissance de grand noms du monde du Showbiz et de la mode tels que Kanye West, Sean Combs (Puff Diddy), Cassie, Tinie Tempah, … que j’ai eu la chance de côtoyer lors des évènements, m’a forgé une notoriété de conseiller vestimentaire auprès de la diaspora africaine et internationale ». Car, hasard des choses comme souvent sa « maturité » coïncide avec un phénomène qui va prendre très vite une ampleur incroyable : les réseaux sociaux. Curieux et observateur dans l’âme, il étudie avec intérêt ce nouveau phénomène. « J’ai suivi attentivement l’arrivée des réseaux sociaux et surtout des blogueurs, je regardais attentivement ce qu’il faisait et surtout le phénomène Street Style. Je me suis dit, Patou, il est temps ! ».
Mais Patou prends son temps, se donne un an de réflexion puis se lance avec comme souvent des difficultés au départ. «Mes amis n’étaient pas d’accord et je ne trouvais pas de modèle ». L’homme est à a du caractère, ce qui professionnellement peut être une qualité. D’ailleurs, Baudelaire disait : « »Que ces hommes se nomment raffinés, incroyables, beaux, lions ou dandys, tous sont issus d’une même origine ; tous participent du même caractère d’opposition et de révolte ; tous sont des représentants de ce qu’il y a de meilleur dans l’orgueil humain, de ce besoin, trop rare chez ceux d’aujourd’hui, de combattre et détruire la trivialité. ». Combattant dans l’âme, ce n’est pas cela qui va l’arrêter. Il décide de porter lui même ses prototypes. Pas de photographe ? Il prend sa petite fille de trois ans. L’installe sur une chaise une caméra dans les mains. La technologie évolue rapidement I Five puis Myspace. Il est sur la vague : « Mes premiers posts commençaient à prendre, quand Facebook est arrivé j’étais prêt ! ». Le phénomène prends de l’ampleur petit à petit et la mode d’envoyer les photos sans retouches lui permets de se faire un nom petit à petit. « J’ai compris qu’il fallait un minimum d’audience pour être crédible et de plus c’était justement mon côté naturel qui plaisait. J’ai commencé à bâtir un discours, à mettre en avant mon savoir faire avec ma connaissance de la mode pour donner des conseils et petit à petit à mettre sur pied ma propre marque. Beaucoup de gens m’encourageaient et ce soutien était et est encore aujourd’hui très important pour moi car j’ai l’impression de représenter beaucoup de gens c’est aussi ce qui me pousse vers l’avant. Je fais ce que je pense être juste». Aujourd’hui Patoustyle a plus de 20 000 fans et enchaîne les présentations avec dernièrement une très belle vitrine à la Black Fashion Week 2014 mais l’homme ne compte pas s’arrêter là. « C’est une belle vitrine mais l’explication de texte autour de l’évènement me semble un peu minimaliste. Je ne sais pas ce que veut dire mode africaine. Pour moi la mode est universelle, c’est créer une tendance, un style propre à soi en s’appropriant les éléments afin de ne faire qu’un avec la matière. Je refuse qu’on m’enferme dans une catégorie pour la simple raison que je suis conditionné depuis tout-petit. Une des raisons pour lesquelles j’ai choisi le style, la mode, c’est avant tout la liberté de s’exprimer. Je ne veux pas être enfermé.
Il y a encore beaucoup de blocages liés à des stéréotypes. Il faut colorer. Pour moi la mode est justement un point de rassemblement pour tous. Je souhaite me positionner comme un styliste qui apporte une mode différente. Un prêt à porter facile à porter justement mais je ne veux surtout pas devenir élitiste. Il est important de rester au contact de gens qui m’ont permis de grandir et je souhaite aussi garder cette partie conseil. Le dandysme existera toujours mais je pense qu’il faut prendre en compte l’apport des réseaux sociaux qui renouvelle le genre. Je mets en avant le style « Patoustyle » qui est «trendy » et intemporel. Arriver à concilier ces deux éléments, voilà ce à quoi je m’efforce de faire pour que mes créations et mon style durent dans le temps. Je ne révolutionne rien sauf que j’apporte cette touche qui caractérise ma personnalité ». Voila pour la mise au point. Patou sait ce qu’il veut et envisage prochainement un retour à Douala la belle. « En attendant, mon challenge est la préparation de mon défilé gala prévu l’année prochaine au Cameroun. Je souhaite à travers cet événement promouvoir la diversité de l’art de la mode et du style. J’envisage lancer le site internet pour ma marque ce qui me permettra de m’adresser directement à mes clients et à mes fans » et de conclure : « Mon slogan « faire de son rêve une réalité » n’est jamais aussi vrai dans l’adversité. Être soi-même et s’habiller en adéquation avec son âge et son corps. Et toujours se rappeler que « Less is More » !
Ecrivain célèbre mais également grand dandy dans l’histoire Oscar Wilde disait : »La mode c’est ce que l’on porte. Ce qui est démodé, c’est ce que portent les autres. » Une citation qui va comme un gant avec notre styliste. Un styliste ambitieux et talentueux à suivre de près. Dans le viseur UFFP. A suivre….
celui qui a fait de son rêve une propre réalité, trop de créativités en toi patou 😉 longue route à toi