Julien Lauprêtre Président du Secours populaire français
Rien n’arrête le Secours populaire français quand il est désireux de porter la solidarité à l’international tout comme en France. Car le don, le partage et l’amour sont les moteurs de cette Institution vieille de près de 70 ans. Refusant de prendre parti ou de juger les politiques des pays qu’ils assistent, le Secours populaire n’a qu’une religion, l’amour et le partage. A sa tête un dinosaure comme on en fait plus « la bonté et la générosité à l’état brut » personnifiée par Julien Lauprêtre le Président de cette Institution. Pour lui la solidarité est sans frontières et elle peut même braver les interdits s’il le faut.
Par Fériel Berraies Guigny
Engagé dans plusieurs programmes aussi bien l’aide aux sinistrés des catastrophes naturelles, ou de situation post conflits ou faisant face à la précarité qui plombe l’humanité du 21e siècle, le Secours Populaire français est peut être le dernier bastion solidaire. Le maillon fort d’une chaine qui est tout de même mis à mal face à l’égoïsme des sociétés qui sont de plus en plus hermétiques face à la crise mondiale. UFFP est allée à sa rencontre suite au colloque du Monde diplomatique, pour parler justement de solidarité et de comment restaurer le mieux vivre ensemble, à l’heure où tout est devenu si aléatoire.
Julien Lauprêtre Président du Secours Populaire Français
Entretien :
Quelles sont les actions du Secours populaire en Afrique et dans le Monde arabe ? L’enfance et sa problématique est une raison vitale de notre activité. Lorsque le Secours populaire est sorti de l’occupation nazie, pour devenir le Secours Populaire français sa première grande activité a été d’organiser des colonies de vacances pour les enfants de fusillés et de déportés. Nous avons des souvenirs extraordinaires de cette époque. C’est une ligne de conduite que nous avons encore aujourd’hui quand il s’agit de penser à l’enfance. Toutes nos activités sont en direction de l’enfance et c’est une priorité. Que ce soit en Afrique ou au Moyen Orient ou ailleurs, c’est un souci permanent.
BURKINA FASO
La Solidarité ne règle pas tout ? Certes mais pour ceux et celles qui la reçoivent, c’est extraordinaire !
Nous sommes actuellement sur un grand projet ; construire un mouvement enfants copains du Monde. C’est une initiative que nous avons déjà en France, depuis une vingtaine d’années, nous avons en fait le club enfants copains et où nous développons des idées et des projets de solidarité active pour les enfants français et également les personnes âgées. C’est un de nos grands sucés. Ce sont des enfants qui vont dans des centres. Ils arrivent avec des cadeaux mais ils chantent aussi des chansons que les personnes âgées chantaient. On essaye en fait de développer aussi la solidarité intergénérationnelle.
Le Mouvement « enfants copain du Monde » c’est donc votre dernier bébé ? Oui depuis plusieurs mois on a cette idée de construire un mouvement enfants copains du Monde. C’est vrai qu’au niveau de l’organisation le projet peut paraitre complexe car on a affaire à des enfants et le grand problème est justement de « prouver » que cela paye : « des enfants copains du Monde au Japon qui collectent pour des enfants turcs car les enfants turcs avaient collecté pour les enfants japonais etc. On souhaiterait aussi « que des enfants tunisiens » fassent quelque chose pour les pays autour. Cultiver en fait la solidarité internationale.
VIETNAM. PHOTO A LEJARRE
Quel bilan du travail du Secours populaire ? Le bilan sera rapide et tout ce que je peux dire c’est que le passage sur terre est tellement court qu’il faut vraiment que les activités du Secours populaire français apportent quelque chose de concret. L’écrivain Henri Barbusse qui est l’auteur du « Feu » racontait tous les malheurs de la guerre 14/18. Il avait trouvé cette formule en disant « la solidarité ce ne sont pas des mots mais des actes » et vraiment c’est le cœur de notre engagement. Pour nous il ne s’agit pas de faire des déclarations tout azimut, ou de chercher pourquoi tel gouvernement a cette responsabilité etc. On ne prend pas position sur les problèmes politiques on se positionne sur les problèmes de solidarité internationale.
JAPON
Avez-vous eu des pays où votre « solidarité » n’était pas toujours comprise ? Oui j’ai des souvenirs bouleversants à cet effet, en Birmanie par exemple. Ils ne voulaient pas entendre parler de solidarité, mais on a réussi à faire parvenir la solidarité quand même car on avait des Associations qui travaillaient autour du pays et ils ont réussi à faire passer la solidarité. Il n’y a rien qui arrête la solidarité du secours populaire, quand ça se passe bien et que les autorités nous accueillent c’est tant mieux, mais s’il faut le faire clandestinement et bien on le fait quand même !
Votre colloque sur la solidarité avec le Monde diplomatique, a ses partisans comme ses détracteurs, on reproche parfois à l’humanitaire de ne pas être éthique ? Depuis le colloque que l’on a tenu au Monde diplomatique, j’ai changé mon refrain. Le Secours populaire ne joue pas dans la cour des grands mais dans la cour des « grands différents » car pour nous la solidarité ce n’est pas la loi du marché. Dans tout le Secours Populaire de France, nous avons seulement 500 personnes qui sont appointées. Nous avons par contre 80 000 bénévoles. Nulle part nous avons des expats. C’est le contraire des autres associations. On est en train de créer une nouvelle cour des grands qui n’existait pas avant. On est en train de créer une stratégie d’expression qui est différente des autres. C’est une autre cour des grands qui reste complétement indépendante. On ne cherche pas à exporter la solidarité mais à venir là où il y a un besoin.
Votre grand projet espoir c’est enfants copains du Monde ? C’est faire le lien entre les enfants et voir ce qu’ils pourraient faire ensemble.
La solidarité est en déliquescence et pour beaucoup sélective, vous en pensez quoi ? Nous on s’inscrit en faux contre cette notion. Car ce n’est vraiment pas dans notre lignée d’action bien au contraire. Nous voulons mondialiser la solidarité. Quand j’avais rencontré le Président Chirac, il m’avait dit à l’époque que c’était une sacrée idée. Mais nous on veut la mettre en pratique. Dès qu’il y a un drame qui se passe dans une région du Monde, quel que soit le gouvernant ou l’orientation politique, on veut œuvrer avec les gens qui sont sur place. On ne veut pas simplement y aller avec un bol de riz ou un truc médiatique. On est là au Salvador et au Mali depuis des dizaines et des dizaines d’années. On est toujours dans une idée de long terme et de partenariat. D’égal à égal. On veut être une cour des grands différente des autres.
Bio Expresse
Julien Lauprêtre est né le 26 janvier 1926 dans le douzième arrondissement de Paris, où il réside toujours. Après l’obtention de son certificat d’études primaires, il travaille comme tailleur de glace-miroitier de 1940 à 1943. Il a seize ans lorsqu’il rejoint la Résistance contre l’occupant nazi. Arrêté le 20 novembre 1943 par les brigades spéciales, il se retrouve dans les lieux de détention de la préfecture de police de Paris, où il partage les conditions de vie de Manouchian et les autres héros de « l’affiche rouge », épopée historique écrite par Louis Aragon et chanté par Léo Férré. Il est ensuite incarcéré à la prison de la santé. Il y restera jusqu’au 27 mars 1944 Remis en liberté surveillée sous la responsabilité d’un tuteur désigné par le ministère de la Justice (n’ayant pas 21 ans au moment de son arrestation, ses parents sont déchus de leurs droits), il reprend un très court temps ses activités professionnelles, car refusant de répondre à une convocation du STO (Service du Travail Obligatoire en Allemagne), il devient réfractaire, entre dans la clandestinité et reste caché dans la région lyonnaise. Le jour même de l’annonce du débarquement allié, il rejoint Paris et participe aux combats de la libération. Julien Lauprêtre dit que cette période, pleine d’atrocités, « a beaucoup contribué à sa conviction qu’il fallait changer la société ». Sa volonté d’un monde plus juste, plus libre et plus heureux le fait donc tout naturellement s’engager au service des grandes causes humanitaires.En août 1947, il épouse Jeannette qu’il rencontre, alors qu’il a dix ans, en colonie de vacances, au cours de l’été 1936. De leur union naîtront quatre enfants. Après avoir été trois ans secrétaire parlementaire de Raymond Guyot député communiste de Paris, en février 1954, il est employé au Secours populaire français en qualité de secrétaire administratif. Il est élu Secrétaire général en 1955 puis Président en 1985, après la reconnaissance d’utilité publique de l’association. Nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1986, il est promu Officier en 1998. Il est également Officier des Arts et des Lettres et de l’Ordre national du Burkina Faso. Il a toujours pris soin de séparer ses responsabilités d’ordre politique et celles de l’association humanitaire.« Je crois en l’autre », dit Julien Lauprêtre ; Tout son engagement l’a prouvé et le prouve encore aujourd’hui, pour que vive une association totalement indépendante, rassemblant toutes les bonnes volontés et que se développe une solidarité populaire loin de l’assistanat. Sous son impulsion, de grandes initiatives ont vu le jour : la « Journée des Oubliés des Vacances », les « Pères Noël Verts », des centaines de projets dans des dizaines de pays étrangers…Aujourd’hui, l’association rayonne sur tout le territoire et compte 86 000 bénévoles. Avec eux, Julien Lauprêtre continue d’œuvrer pour que « demain soit plus humain ».