Mongia Souahi Islamologue  » … la femme n’est pas un symbole religieux »!

  • By SLKNS
  • 2 avril 2013
  • 0
  • 602 Views

Par Elyssa Souissi
Dr Mongia Souaïhi, Tunisienne, est l’une des rares islamologues femmes dans le monde arabo-musulman.

Traduction des versets coraniques au féminin
Professeur en Sciences islamiques et exégète coranique, Mongia Souahi a fait une recherche sur tous les versets coraniques qui parlent de la femme. Dans toute l’histoire de l’Islam, l’homme a toujours interprété les versets coraniques en donnant une dimension masculines du divin » dans tous les versets, l’homme est présenté dans toute sa suprématie et la femme est dans une posture inférieure » explique l’universitaire. La femme serait la moitié de l’homme, elle n’aurait pas le droit d’étudier de travailler, d’avoir accès à la politique.
Déconstruire les mythes qui relèguent la femme dans le religieux
Dans le hadith Nabawi et dans le comportement du prophète et de ses amis, les femmes étaient professeurs, Khadija elle même était professeur, c’était une femme d’affaires une politique, Oum Salma aussi. Il y a eu des femmes qui se sont opposées à Omar Ibn El Khattab. Il y a eu des femmes qui se sont élevées contre Mouaawi Abousofiene ; elles étaient activistes et elles ont parlé des problèmes qui taraudaient leur société et leur pays. Rien dans les écrits ne prouve véritablement  » que la femme est la moitie de l’homme » explique l’islamologue. Mais cet état d’esprit a perduré depuis le premier et second siècle de l’Islam et cela a été la décadence pour le monde arabe. Les exégètes du 18e et du 19 es ont malheureusement largement abondé dans ce sens, rares sont les exégètes qui ont pris la défense des femmes à l’exception du tunisien Mohamed Tahar Ibn Achour.
Islam égal violence à l’encontre des femmes ?
Il n’y a aucun texte de religion qui légitimise la violence à l’égard des femmes  » personne n’a le droit de frapper une femme, même en islam » affirme Mongia Souahi, dans un des derniers essais de l’auteur en arabe « interprétation de la condition féminine par la femme  » en 2008, dans lequel la problématique de la lapidation est exposée. Déjà du temps du prophète, à la Mecque on exhortait les femmes à rendre les coups qu’elles recevaient  » si ton époux te gifle, rends la lui » a dit le prophète Mohamed aux femmes de la Mecque. Frapper n’est pas le fait de la religion, du temps de la vie du prophète ce dernier n’a jamais frappé ni une femme, ni une domestique ni un animal!
« On doit revenir aux mots du Prophète » affirme l’islamologue. Si aujourd’hui les Sakineh du Monde continuent de mourir sous la lapidation, c’est simplement parce qu’on a mal interprété l’Islam et que l’on s’en sert à tort et à travers pour exercer des vendettas personnelles. Les conditions économiques, la mauvaise éducation, la perdurance de certaines coutumes qui font que l’on donne toujours le meilleur à l’homme, et au jeune garçon dès son plus jeune âge et on banalise la petite fille, c’est tout cela qu’il faut déconstruire.
La femme et le voile
« je suis catégorique: je suis contre le voile, il n’existe pas dans le coran! C’est uniquement culturel et environnemental, je l’ai écrit dans un article. C’est un fait historique avant tout! En Occident, la problématique du nikab ce n’est pas sérieux  » la femme musulmane doit respecter la loi du pays hôte! Pourquoi provoquer et choquer l’autre? Pourquoi donner à l’Occident à l’image d’une femme soumise et victime?! Il ne faut pas imposer le signe religieux et cela pour toutes les religions. A l’inverse » ce qui me choque par exemple en Allemagne c’est que l’on accepte le signe religieux des juifs ou des chrétiens mais s’agissant de l’Islam c’est non! S’il y a droit de l’Homme c’est pour tout le monde et c’est sans exception!!! L’Occident doit réviser sa vision du Monde arabo-musulman également!
Il faut cesser de faire de la femme un symbole religieux de l’instrumentaliser au gré des politiques du Nord et du Sud  » on est en tant que Femme un homme au grand H »
Réformer la pensée arabe s’agissant des femmes
Il faut un gros travail des mentalités car la modernité ne sera jamais prise en faveur de la femme sinon. « On peut avoir des droits mais si la mentalité n’est pas prête que l’on n’a pas la culture pour, alors tout cela ne servira à rien, la femme passera toujours après l’homme »! Dans certains pays arabes, ce cliché perdure, la femme est soumise dans l’ombre. Bien que le Coran est écrit pour tous, c’est le wahabisme, le soufisme, le sunnisme, le chihisme qui en diffère la compréhension.
Pour s’en sortir, il faut des femmes qui interprètent le coran à leur façon  » … je suis une révolutionnaire dans le milieu, en Tunisie j’ai eu un très bon accueil, mais dans d’autres pays arabes j’ai reçu des lettres de menaces, des lettres anonymes où l’on menaçait mon intégrité physique » explique l’islamologue. Dans plusieurs colloques on m’a apostrophée en me taxant de non croyante, de pro-occidentale etc… Une bataille longue et difficile mais qui vaut la peine pour l’universitaire tunisienne. Car de nouvelles écritures apparaissent petit à petit et réinterprétant El Kiwema, El Darraga. Il y a un nouveau souffle on le trouve en Tunisie et en Syrie, voire en Egypte où l’on voit peu à peu des exégètes femmes interpréter les textes.
Dans le monde arabe il y a une vision moderne pour la femme, ce n’est pas suffisant pour changer les choses en profondeur et il y a beaucoup de disparités. Le discours se doit d’être respectueux, et à chaque pays arabe de commencer à faire le travail des mentalités. Même en Arabie Saoudite, il y a des femmes qui s’engagent pour le changement, cela prendra le temps qu’il faudra mais cela se fera. « la Présidence tunisienne a donné un vrai coup de fouet s’agissant de la lutte contre la pauvreté, la discrimination, la lutte pour une meilleure vie sociale. L’accès à la santé et à l’éducation  » je pense sincèrement que ce sont les piliers du développement durable au féminin » conclut Mongia Souahi.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *