Depuis quelque temps, la culture connait des jours sombres en Tunisie.
On a encore en mémoire l’action du 10 juin 2012 entreprise par des salafistes au Palais Abdelia à La Marsa. Une action appuyée par le ministre actuel de la culture qui avait jugé blasphématoires (sans les avoir vues…) certaines œuvres alors exposées. Rappelons aussi que suite à ces incidents une centaine d’artistes ont été condamnés à mort, dont Sana TAMZINI… Hasard ? Coïncidence ???
Par Nadia Zouari
Selon M. Houcine TLILI (historien et critique d’Art – chercheur à l’Institut National du Patrimoine et enseignant dans les écoles supérieures d’arts plastiques) et connaissant Sana TAMZINI, nous allons dans le même sens, « Tous les opérateurs culturels nationaux et internationaux, les artistes tunisiens, les historiens de l’art, les associations culturelles considèrent que cette décision ne peut venir que d’un ennemi de la liberté, de cette liberté de création et d’expression. »
C’est hélas désormais officiel, Sana TAMZINI, directrice du Centre National d’Art Vivant de Tunis depuis avril 2011 a été démise de ses fonctions (fin de détachement) par Mehdi MABROUK, Ministre de la Culture et remise à disposition de l’Université de la Manouba (Ministère de l’Enseignement Supérieur).
Retour sur les étapes de ce limogeage
- 19 Juin 2013 – Le jour de l’inauguration officielle de l’exposition de photographie « Regards Croisés sur CHOUCHA » M. Mehdi Mabrouk s’en prend violemment à Mme Sana TAMZINI sous prétexte qu’elle avait laissé entrer et donné la parole à des réfugiés en colère.
- Aucune décision ne s’en suit et Mme Sana TAMZINI continue son action au sein du CNAV. Elle continue même à suivre les projets en cours, à assister à des réunions (récemment encore les 8 et 11 juillet 2013) et à recevoir divers courriers de son Ministère.
- Mme Sana TAMZINI remarque que son salaire n’a pas été versé. En cherchant à connaître l’origine de cet « oubli », elle apprend finalement par téléphone son limogeage…
- Mme Sana TAMZINI envoie un courrier à son Ministre de tutelle pour demander confirmation de cette décision et pour savoir si son successeur à la tête du CNAV a déjà été nommé.
- Sans réponse à son courrier, Mme TAMZINI décide d’organiser avec son comité de soutien, une conférence de presse au CNAV pour dévoiler les détails de cette décision arbitraire et des modalités indignes de son limogeage. La date est fixée au 15 Août et un communiqué de son comité de soutien est envoyé à la presse (voir texte en commentaire au bas de notre article).
- 15 Août 2013 o Dans la matinée, les services du Ministère inondent Mme Sana TAMZINI d’appels pour essayer de trouver un accord et tenter d’annuler l’événement, ce que Mme TAMZINI refuse catégoriquement. o 11h – Conférence de presse pendant laquelle le « fameux » courrier officiel en date du 1er juillet 2013… lui mentionnant officiellement qu’elle est démise de ses fonctions et la fin de son détachement au CNAV lui est remis…
A-t-on à faire à un nouveau scandale de la Culture en Tunisie ?
Ce qui semble désormais clair c’est qu’il s’agit en fait d’un limogeage qui touche à la liberté d’expression en Tunisie.
Sana TAMZINI, c’est une femme passionnée toujours prête à ouvrir les portes de son espace à tous les arts. Peinture, art contemporain, photographie, performances, sculpture, poésie… sans oublier la musique puisque le piano à queue du Centre a bien souvent permis de réunir les mélomanes de tout âges.
Sana TAMZINI, c’est une professionnelle qui a organisé des expositions magnifiques et des rencontres mémorables entre artistes venus du monde entier.
Sana TAMZINI, c’est une énergie et un sourire. Toujours là pour accueillir ses invités et les amoureux des arts et de la culture sous toute ses formes.
Et M. Houcine TLILI de rappeler […] « Depuis 2011 le CNAV est l’espace le plus important dans la vie des arts plastiques dans notre pays. Retrouvant en cela son aura des années 90.
Des expositions nationales et internationales, des rencontres, des séminaires, des publications, des workshops… ont eu lieu au centre du Belvédère. Toutes les tendances modernes, post modernes, contemporaines s’y sont exprimées. Elle a développé dans ce sens des rapports très suivis avec l’art contemporain européen et arabe.
Des rapports culturels très importants ont été développés avec des pays du nord, de l’est et du sud méditerranéens. Des centaines d’artistes tunisiens, quelques dizaines d’artistes européens et autres ont été exposé par le centre depuis 2011.
Jamais le centre n’a connu autant d’activités que pendant ces trois dernières années. Des peintres, des designers, des céramistes, des jeunes chercheurs, des grands artistes de grande envergure tels que : Durer, Picasso, Henri Cartier-Bresson, Joseph Koudelka, Nja Mahdaoui, Agostino Ferrari, Shadi Al Zakzouk … »
[…] « Les références avec lesquels Sana TAMZINI travaille reposent sur l’action démocratique, sur la liberté et la modernité. Et ces principes ne sont pas peu être pas ceux du ministre de la culture actuelle. » […]
Tous les choix entrepris est réalisés par Sana TAMZINI sont d’essence humaniste, démocratique et moderniste. Ils constituent l’ossature d’une politique possible artistique d’un futur que nous espérons proche dans notre pays. […] »
AUCUNE RAISON NE PEUT JUSTIFIER UNE TELLE MISE A L’ECART !