Emmanuelle Gagliardi est directrice associée de CONNECTING WoMEN, une agence de communication et d’événementiels qui accompagne les entreprises dans leur politique mixité mais aussi dans leur communication à destination des femmes, en interne comme en externe.
credit photo Barbara Buchman
Après une première expérience dans la presse consumériste, elle séjourne plusieurs années aux Etats-Unis où elle est sensibilisée à l’importance des réseaux professionnels féminins. De retour en France, elle en fera un premier livre : Le Guide des Réseaux au féminin (2007, Cherche Midi). 200 réseaux professionnels féminins seront ainsi recensés et Emmanuelle sera sollicitée régulièrement en entreprise pour faire le point sur leur évolution. En 2009, elle lance un magazine mensuel BtoB dédié à la réussite au féminin : L/ONTOP donnant à ses lectrices conseils d’experts, rôles models, mise en avant d’entreprise engagée sur la mixité et agenda de la femme active !
S’ensuit la création de l’agence CONNECTING WoMEN qui organise le Printemps du Networking, premier rassemblement de réseaux professionnels de femmes, et le Forum de la Mixité qui réunit chaque année les 1500 acteurs de la mixité en France et dont la 3e édition aura lieu le 13 décembre 2013. Emmanuelle est également co-auteure d’un deuxième livre : Réseaux de femmes : comment booster votre carrière (2013, Eyrolles).
UFFP partenaire média de cette troisième édition, s’est entretenue avec Emmanuelle Gagliardi évoquer les questions relatives au poids et au rôle des femmes dans le secteur entrepreneurial en France:
Entretien avec UFFP
1 / Parlez-nous de cette 3e édition du Forum de la Mixité ?
Cette édition 2013 sera :
Régionale ! 9 régions désignées comme Territoires d’Excellence en test sur l’égalité par le Ministère des Droits des Femmes viendront faire le compte rendu des actions menées en région. Notre devise plus que jamais : Think global, act local !
Connectée ! Avec un pôle IT, réunissant des entreprises du secteur du numérique. Les femmes & la IT = une équation d’avenir !
Mixte ! La mixité concerne autant les hommes que les femmes. Un classement des entreprises impliquant le plus d’hommes au Forum de la Mixité sera d’ailleurs réalisé !
2/ En regardant en arrière, quel bilan feriez-vous par rapport à cette initiative ?
Je ferais 3 constats :
– La mixité s’élargie progressivement à tous les services de l’entreprise. Ce n’est plus l’apanage des ressources humaines. Les directions opérationnelles s’intéressent de plus en plus au sujet et sont, de fait, de plus en plus présentes sur le Forum.
– La mixité s’étend progressivement au tissu économique. Initiée par les grands groupes, les actions de mixité se diffusent dans les PME.
– La mixité concerne des populations de plus en plus jeunes, et certaines jeunes filles anticipent les contraintes professionnelles qu’elles risquent de rencontrer lors de leurs parcours professionnels. C’est la raison pour laquelle nous consacrons un workshop est au rapport qu’entretiennent les différentes générations (Y, X et BabyBoomers) avec la mixité et le discours approprié à chacune.
3/ Le gouvernement actuel a créé un Ministère rien que pour cette question, la parité et la mixité une affaire en bonne voie ?
La mixité nécessite une approche systémique. Le Ministère rend visible les multiples initiatives notamment grâce au calendrier : le 8 mars, c’est toute l’année ! et appuie tout autant les initiatives en faveur de l’égalité femmes/hommes que la lutte contre les stéréotypes ou les violences faîtes aux femmes. La mixité est donc à l’agenda, mais la France n’est pas bien placée dans l’étude du Forum Economique mondial et doit donc redoubler d’effort pour rattraper son retour !
4/ Quels sont encore les défis et les obstacles pour la femme entrepreneuse ? Pensez-vous que le problème est avant tout affaire de mentalités, avant que cela ne soit de jure et de fait ?
Les créatrices pensent trop souvent que l’entrepreneuriat est la meilleure parade au plafond de verre. Or le plafond de verre existe aussi dans l’entrepreneuriat féminin, dès lors qu’il s’agit de lever des fonds, faire croitre un projet et passer la barre des 1 millions d’euros de chiffre d’affaire. Les freins sont là encore multiple : l’image que les acteurs projettent sur elles et en effet miroir, l’auto censure des femmes elles-mêmes.
5/ Avec la crise économique et sociale qui amènent justement beaucoup d’hermétismes de part et d’autre, on a le sentiment qu’encore une fois, la femme est le dommage collatéral quand il s’agit des licenciements, des plans de restructuration, de délocalisation d’évolution de carrière?
La Mixité amène le changement dans l’entreprise. Les entreprises déjà engagées dans cette démarche poursuivent leurs actions et cherchent réellement à rééquilibrer les représentations hommes/femmes en interne. Les autres, qui surfaient sur la tendance, renoncent momentanément, préférant des logiques cour termistes. Et sur le marché du travail, les femmes restent prisonnières de leurs fortes représentations dans les statuts précaires (temps partiels subis) et les emplois non qualifiés, ce qui créent en effet pour elles une énorme fragilité.
6/ Pensez-vous qu’une meilleure répartition des rôles, des devoirs, des partages des « responsabilités » de la vie entre homme et femme, pourrait alléger le fardeau au féminin ? Et par ce fait, lui donner plus de disponibilités et donc de meilleurs chances ?
Vous avez tout à fait raison. La mixité commence dans l’intimité. On ne peut envisager une mixité dans la vie économique sans revoir le partage des taches dans la vie privée. C’est pourquoi toutes les mesures législatives allant dans le sens de la mise en place d’un congé parental avec une meilleure répartition du temps accordé entre les deux parents me paraissent essentielle.
Au fond célibataire, vieille fille ou sans enfants, seraient les atouts majeurs que rechercheraient tout employeur ?
Pas vraiment, c’est plus compliqué que cela. Meme les femmes sans enfants connaissent des freins quand il s’agit de passer à des postes de direction. Le vrai problème ne réside donc pas dans la disponibilité ou non des femmes, mais dans les mentalités de ceux qui les recrutent. Une femme n’est pas, encore aujourd’hui, légitime dans la sphère du travail. Et plus elle évolue dans sa carrière professionnelle, moins elle est légitime.
7/ Vous êtes dans les médias, nous constatons que même dans ce secteur, les femmes ne sont pas à la tête des entreprises, la seule était la dirigeante de la Tribune qui malheureusement a connu quelques déboires financiers, ( je parle ici de médias non féminins) ?
Oui, ce qui est remarquable, c’est que le plafond de verre existe dans tous les secteurs, même ceux qui ne peinent pas à attirer des femmes (le luxe, la communication, le secteur de la beauté). Les médias n’échappent pas à ce constat. Mais les rébellions récentes dans certaines rédactions prouvent que la prise de conscience a eu lieu et que la aussi, la mixité est à l’ordre du jour !
8/ Vous comptez l’appui et le parrainage de certaines entreprises et structures, qu’auriez-vous envie de leur dire ?
Qu’elles sont les fer de lance d’un changement sociétal profond, qui ne pourra se faire sans quelques résistances.Qu’elles doivent tenir bon car nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère. Qu’implanter la mixité, c’est prendre en compte la différence pour au final, une meilleure performance.
9/ Les Entreprises solidaires et sociales qui ne génèrent pas toujours beaucoup de revenus ( surtout celles de l’Associatif, comme UFFP par ex, peinent beaucoup, pensez-vous qu’il faille changer de paradigme, l’éthique et le féminin n’ont pas toujours une bonne lecture ?
Le changement rencontre toujours de la résistance, c’est normal. Mais d’après des études sociologiques, près de 20% de la population partagent les 4 valeurs suivantes :
– La mixité et la lutte contre les violences faîtes aux femmes
– L’intégration des valeurs écologiques et de développement durable
– L’implication sociétale
– Le développement personnel
Il faut donc persister et de nouveaux modèles économiques se mettront en place !
10/ Le luxe est également une orientation qui perdure même en temps de crise, comment pensez-vous qu’il faudrait les amener à une politique RSE qui soit réelle et non de façade ?
Nous avons vécu le green washing et nous aurons le pink washing. Mais en ce qui concerne la mixité, des réseaux féminins se sont crées dans de nombreuses entreprises pour s’assurer que l’égalité femmes-hommes ne soit pas un concept mais bien une réalité.
11/ Le Forum de la mixité sert principalement les femmes françaises, néanmoins qu’auriez-vous envie de dire, à celles qui peinent dans des régions en crise du sud de la Méditerranée ?
La mixité amène avec elle une nouvelle répartition des rôles Hommes –Femmes, non seulement dans l’entreprise, mais dans la société toute entière. Les femmes des pays du sud de la Méditerranée sont extrêmement mobilisées pour participer à ce changement et nous ne pouvons qu’applaudir leur courage et leur détermination. Dans les faits, de plus en plus de réseaux féminins français tissent des partenariats avec les femmes de la méditerranée pour les aider dans leurs démarches d’autonomie.
merci
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