Juriste de formation, femme militante et engagée, la franco camerounaise Françoise Traverso, a fait de la cause féminine, un vecteur de ses combats pluriels pour les Droits de l’Homme.
Par Fériel Berraies Guigny
A la tête de l’AIDH, Association des Droits de l’Homme, nous l’avons rencontrée pour vous, afin d’évoquer la thématique de son prochain colloque qui aura lieu au Sénat. La violence sur les femmes, une thématique endémique et douloureuse concernant toutes les femmes du Monde. Un colloque qui aura lieu le 24 novembre, en concordance avec le 25 Novembre, la journée internationale contre les violences faites aux femmes consacrée par les Nations Unis en hommage aux sœurs MIRABAL victimes des violences en République Dominicaine en 1960.
Le Ministre Jacques Godfrain et Françoise Traverso
En France et dans le monde, chaque jour, une femme tombe victime de son compagnon ou du poids des traditions rétrogrades, un crime d’honneur voire une lapidation.
Entretien :
UFFP : Parlez-nous de votre parcours ?
Mon parcours n’est en rien singulier.
Issue d’une fratrie de 10 enfants, j’ai quitté mon pays d’origine le Cameroun, pour suivre des études en France dans les années 80.
Très jeune déjà, j’étais très sensible à la détresse humaine. C’est donc très naturellement que je me suis dirigée vers des études de droit afin de défendre « la veuve et l’orphelin » car, l’injustice, la misère dans laquelle vivaient certaines personnes m’était difficilement supportable.
Le Ministre Olivier Stirn et Françoise Traverso
Après une Maîtrise de droit privé « mention carrière judiciaire » et une spécialisation en droits de l’homme, mon choix était fait : Je voulais plus que tout autre chose donner du bonheur aux personnes en mal-être autour de moi. J’avais une situation privilégiée en vivant en occident, je me devais donc de construire ce pont afin de tendre la main à ceux d’ici et d’ailleurs, notamment ceux d’Afrique. Un Continent si riche et si pauvre à la fois, véritable paradoxe n’est-ce pas ?
En plus de ma rencontre avec Alain mon époux, les Droits de l’Homme m’ont permis de découvrir et de naviguer au sein des Nations Unies – Genève – Suisse.
Après quelques années d’expatriation en Asie du Sud-Est dont Singapour, la Thaïlande pour raisons professionnelles, je suis revenue à Paris 15 ans plus tard.
2.- UFFP : L’A.I.D.H hier à aujourd’hui ?
Mathieu MBARGA-ABEGA – du Professeur Capet De BANA, Alain TRAVERSO, le Ministre Jacques GODFRAIN et les soeurs OUATTARA
L’A.I.D.H est née en 1998 en Haute-Savoie (74) près de Genève. L’idée était celle-ci : comment faire pour aider les personnes en situation de précarité ? Comment faire en sorte que les individus prennent conscience de leur existence en leur permettant de se « révolter » par rapport à eux-mêmes ? Au contexte socio-économique existant ? L’A.I.D.H était le levier permettant d’atteindre cet objectif.
L’Association Internationale des Droits de l’Homme (A.I.D.H) est une Association régie par la loi de 1901. Elle a pour objectifs essentiels l’Education, l’Information et la Sensibilisation aux Droits de l’Homme notamment, ceux des femmes et des enfants. A cet effet, l’A.I.D.H organise des cycles de Conférences, de Séminaires, de Déjeuner et Diners débats, de Colloque à l’instar de celui qui se tiendra le 24 Novembre 2012, au Palais Bourbon, de 14h à 18h sur « les violences faites aux femmes ».
Le Ministre Olivier STIRN – F.T. Professeur de BANA et le Journaliste Ecrivain Mathieu MBARGA-ABEGA
L’Education aux Droits de l’Homme implique également des actions de sensibilisation auprès des Associations Nationales et Internationales, des ONG, des Institutionnels voire de simples particuliers.
Enfin, l’A.I.D.H soutient les initiatives locales des communautés rurales de Femme en Afrique. Ces initiatives visent à développer l’agriculture, l’élevage, l’artisanat au-delà des besoins immédiats des populations.
Les femmes Africaines sont une force souvent sous-estimée. Leur autonomisation économique contribue à l’essor des villages et surtout, elle est créatrice d’emplois au sein des communautés et empêche l’exode rural des jeunes. Par ailleurs, ces femmes se sentent valorisées, respectées de tous car elles sont le moteur économique tant pour leur famille que pour l’ensemble de la communauté.
Suite à mon expatriation en Asie, l’A.I.D.H a été mise en veille pendant plusieurs années. Elle a été relancée officiellement le 26 Novembre 2011 par une Conférence au Presse Club de France sur le thème : « quels droits de l’homme pour une paix en Afrique » ?
Depuis ce lancement, l’A.I.D.H a organisé entre autres des Déjeuners et Diners débats sur la problématique des droits de la femme. Il faut rappeler que nous avons dédié l’année 2012 à la femme au sein de l’A.I.D.H. Nous avons également participé à différentes Conférences et Forums Internationaux pourtant sur les droits économiques, sociaux et culturels des Femmes des Continents d’Asie et d’Afrique…
L’année 2012 s’achève par la tenue du Colloque du 24 Novembre au Palais Bourbon
3.- UFFP : Quel est votre engagement par rapport aux femmes et à la diversité ? En France, quel état des lieux ?
Que signifie au juste le terme « diversité » ? C’est le fait d’être extra-européen à l’origine ? Extra hexagonal? Le fait d’avoir une culture autre par rapport au pays, au continent d’accueil ?
Je suis humaniste en premier lieu et mon engagement est en direction de toutes les femmes, quelques soient leurs origines. La souffrance, les violences ne connaissent pas de frontières car, les femmes dans tous les milieux, subissent des violences, des abus, à des degrés divers sans doute. Cependant, il se trouve malheureusement que les femmes issues de la « diversité » comme vous dites, subissent en plus des violences classiques, d’autres violences qui leur sont « propres », je veux parler ici des mutilations sexuelles ou des mariages forcés qu’il faut dénoncer et interdire de façon absolue. Il s’agit là d’une atteinte grave à l’intégrité même de la personne humaine. Rien ne saurait justifier ces pratiques d’un autre temps. Les traditions ne sont pas immuables, il faut revenir à la raison, accepter d’évoluer avec son temps. C’est pourquoi, nous insistons à l’A.I.D.H, à l’importance de la vulgarisation des droits humains au sein des Associations et des communautés entre autres. Connaître ces droits, c’est permettre aux individus d’avoir des éléments de réflexion par rapport à leur quotidien, ainsi, ils pourront décider en toute connaissance de cause.
La France, pays des droits de l’homme avec sa grande Déclaration de 1789 est loin d’être un exemple en la matière. On se souvient aussi de la première Déclaration des Droits de la Femme écrite par Olympe de GOUGES en 1791. Dans cette Déclaration, cette révolutionnaire de la première heure définissait la Nation comme « la réunion de la femme et de l’homme » (article 3), en déduisait que « la Constitution est nulle si la majorité des individus qui composent la nation n’a pas coopéré à sa rédaction ». Elle déclarait par ailleurs que « … l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose… » (art. 4). Olympe de GOUGES avait tout dit dans sa Déclaration des droits concernant l’égalité homme – femme. Croyez-vous que la société française ait fondamentalement changé depuis ce temps ?
4.- UFFP : Les prises de positions sur les Noirs de France ? Sur l’Islam et les dernières affaires polémiques : Affaire Merah, Charlie Hebdo, l’islam de France, Burga ; le Gouvernement socialiste face à la crise actuelle, vous y croyez ?
A tort ou à raison, la France reste le pays de référence en matière des Droits de l’Homme. Elle se doit de tenir compte de toutes ses composantes sans discrimination d’aucune sorte. Il se trouve malheureusement que les noirs de France manquent de visibilité dans toutes les sphères de la vie publique : politique, médias, haute administration… Les compétences sont là pourtant.
Concernant l’Islam et les affaires qui ont suscité des polémiques ces dernières semaines, certes, il est difficile de rester neutre. Cependant, bien que la liberté de la presse soit une des libertés fondamentales de notre République, je pense que les journalistes se doivent de respecter les croyances des uns et des autres sans nécessairement les caricaturer.
La Burga ? Je suis réservée sur le port de ce vêtement qui est en mon sens, une forme de prison. Il m’arrive de rencontrer ces femmes couvertes dans les pays du Nord alors que rien ne les y oblige ? L’A.I.D.H est contre toutes les formes de violence, y compris celle qui oblige la femme à mettre la Burga. La femme doit être libre de son choix sans pression d’aucune sorte.
Concernant l’affaire Merah, il m’est difficile de porter un jugement approprié ne connaissant pas le dossier. Cette affaire aurait pu être gérée différemment ? Sans doute.
Quant au Gouvernement actuel face à la crise ? Le contexte économique mondial lui est défavorable, cependant espérons et misons sur la durée qui est plutôt un élément favorable à sa résolution.
5.- Votre thématique de la conférence est la violence envers les femmes pourquoi ? Quel est votre regard sur les femmes qui subissent des exactions depuis le printemps arabe?
Cette thématique s’imposait à nous non seulement par ce que la question des violences est de plus en plus récurrente, mais également parce que le 25 Novembre, est la journée internationale contre les violences faites aux femmes consacrée par les Nations Unis en hommage aux sœurs MIRABAL victimes des violences en République Dominicaine en 1960.
En France et dans le monde, il ne se passe pas une journée sans que l’on apprenne le décès d’une femme victime des coups d’un compagnon, un crime d’honneur voire d’une lapidation.
Il y a de cela quelques semaines, je recevais une photographie d’une femme de la République Démocratique du Congo. Cette dernière avait été dépiécée par son époux polygame qui la soupçonnait d’adultère… La photo était atroce par un simple regard. La personne qui me l’avait transmise me dit : je ne sais pas ce que j’aurais fait s’il avait été question de ma sœur !
Autre exemple : un père qui pleure sa fille retrouvée sans vie le 18 Novembre 2011 après avoir traversé un cycle de violence conjugale !
C’est pour ces femmes là que je me bats. Ces femmes en souffrance, qui ne peuvent s’exprimer. Celles qui osent en parler, qui se révoltent, celles qui veulent tout simplement reprendre le cours de leur vie en disant stop à la violence. Il est inacceptable que les femmes continuent à mourir en 2012 sous les coups d’un compagnon ou d’un mari (plus de 122 en 2011 en France). Qu’une petite fille soit mutilée sexuellement pour cause de tradition, les petites filles que l’on marie de force ? Le harcèlement sexuel au travail ? La liste est loin d’être exhaustive.
Comme je vous l’ai dit plus haut, mon regard se pose sur toutes les femmes en souffrance quelque que soit le pays. Le Printemps Arabe a été un vent d’espoir et de liberté pour tous ces peuples et en particulier pour les femmes. Commettre des exactions après ce vent de liberté est contraire à tout principe de droit humain et une insulte à toutes ces femmes qui ont payé un lourd tribut. Nous avons suivi il y a quelques jours, la situation de cette jeune Tunisienne qui a été abusée par des agents de police, ceux-là même censés protéger les individus. Je le déplore.
6.- UFFP : Quel message voudriez-vous donner aux femmes du sahel et aux femmes du monde arabe?
Le message est simple et clair à la fois. Les femmes doivent se lever et se prendre en mains. Qu’elles comprennent que personne ne le fera à leur place. Mutualisez-vous, fédérez-vous afin que les organisations de femmes constituent une force, un contre-pouvoir et un levier de développement de ces pays si riches et si pauvres à la fois. Enfin, je dirai à ces femmes, surtout, croyez en vous, prenez-vous en main quel que soit votre fardeau et surtout, ne laissez personne vous dire que vous ne valez rien. De notre côté, nous ferons toujours de notre mieux pour vous apporter aide et soutien si besoin.
7. – UFFP : La Tunisie longtemps une référence pour l’Afrique vit des errements, pourtant les femmes sont actives?
F. T.
En effet, la Tunisie de Bourguiba et de Ben Ali a longtemps été présentée comme un modèle de liberté pour les femmes par opposition à certains pays voisins. Le mariage à 18 ans, le droit au divorce entre autres. Durant le « Printemps Arabe », les femmes tunisiennes ont pris une part très active et notamment les groupes féministes. A ce jour, ces femmes redoutent une confiscation du pouvoir par les hommes suivi d’une régression de leurs conditions. Je leur fait confiance pour rester en éveil afin de surveiller la remise en cause possible des acquis sociaux, politiques, économique et culturels des femmes.
8.- UFFP : La société civile s’organise et les femmes du Sud militent plus que jamais, que pensez d’initiatives comme UFFP ? Que pourrait faire l AIDH pour nous aider ? Quel message aux lectrices de UFFP ?
Très honnêtement, je suis admirative des actions de l’UFFP sur le Continent Africain. En effet, les femmes du Sud sont très mobilisées et actives à la fois et ce, depuis quelques années. Il est essentiel que ces Organisations du Nord encouragent les actions des femmes du Sud à l’instar de l’UFFP. Grâce à de telles initiatives, ces femmes, à travers leurs réalisations, sortent de l’ombre et se sentent valorisées. Le Continent africain est un réservoir d’emplois et de main d’œuvre, la femme est le levier essentiel à son développement.
Celui-ci permettra à l’Afrique de sortir des conflits, des violences et de la misère. L’Afrique retrouvera sa splendeur d’antan ! Croyez-moi, ce n’est pas une utopie.
Pour vous aider, ou nous aider ? Je dirai plus tôt que l’A.I.DH a besoin de vous ou plutôt, nous avons besoin de mutualiser nos forces afin de mener à bien ces combats d’un autre temps. Vous comme nous, partageons des valeurs humanistes et voulons le meilleur pour l’humanité. L’A.I.D.H vous invite donc à la rejoindre dans ses actions afin de faire comprendre à l’homme qu’il y a de l’humanité en lui pour bâtir un monde sans violence et en paix. N’est pas là le but même des Nations Unies ?
Mon message à vos lectrices ? Venez nous soutenir et dénoncer par là même, les violences à l’encontre des femmes, ce 24 Novembre au Palais Bourbon, de 14h à 18h. A la fin du Colloque, vous deviendrez des nouvelles Ambassadrices de l’A.I.D.H.
Mille mercis à vous Chère Fériel !
Bravo à l’AIDH qui ne se lasse pas de défendre la cause des Femmes et qui malgré la réticence de certains Gouvernements essaye de faire comprendre aux Femmes le bien fondé de se constituer en Groupement pour pouvoir défendre leurs causes et aussi se faire entendre par les Hommes qui ne veulent pas considérer la Femme comme une personne entière !!!
Donc les Femmes soyez unies et faites vous entendre pas les plus hautes Autorités !!!