La Culture méditerranéenne à l’honneur durant la 7e édition de la Semaine Economique à Marseille
La mondialisation peut être considérée comme une formidable ouverture sur le Monde. Mais pour certains, cela peut être aussi une machine implacable qui écrase tous ceux, Etats, entreprises et en victimes collatérales les individus, qui n’arrivent pas à suivre la course effrénée de la compétitivité, du profit et de la domination économique.
Beaucoup d’initiatives sont prises pour tenter d’atténuer les effets de cette nouvelle donne économique ou pour introduire dans le marché maintenant global certains pays qui étaient jusqu’à présent restés un peu sur le bas-côté de la route.
photo Diane Cazelles pour UFFP
Un Reportage de Fériel Berraies Guigny à Marseille
Et parmi toutes ces initiatives, la semaine économique de la Méditerranée était un événement phare à plusieurs titres.
UFFP était invitée à cette 7e édition en tant que média et militante Associative pour la Culture pour la Paix.
Une réussite nous disions, d’une part parce qu’il réunissait des pays qui ont subi ou vécu quelques « turbulences » ces derniers mois. D’autre part, parce que le thème de référence, la culture comme vecteur de la croissance et de développement économique, pouvait paraître sinon utopique, du moins en décalage par rapport aux enjeux ou au contexte d’urgence auxquels cette région du monde est confrontée.
MuCEUM surplombant la baie . photo Diane Cazelles pour UFFP
Et bien ce fut une vraie réussite. En premier lieu grâce à la mobilisation active d’une ville, Marseille, de toute la région PACA et de ses composantes étatiques ou administratives, économiques, et de la sphère éducative à travers les écoles et universités locales. Et cette réussite est également liée à la qualité et la richesse des débats qui ont ponctué cette manifestation. Seule petite ombre au programme, la présence disons discrète de la Lybie, de l’Egypte et dans une moindre mesure de la Tunisie.
Par Fériel Berraies Guigny
Dans un Espace européen où l’on parle trop souvent des problématiques liées à l’immigration, des conséquences de la crise économique et de l’austérité (pour le peuple) comme seul remède, redonner l’espoir et la créativité dans la région et en l’occurrence valoriser la culture dans notre mare nostrum, peut s’avérer comme une entreprise laborieuse.
Le Nord ces derniers mois a devant lui un Sud soumis à de profonds bouleversements géopolitiques, qui ont mis à mal les économies et généré à la fois inquiétude et suspicion quant aux évolutions en cours.
La Villa Méditerranée
Comment donc redonner l’espoir à la société civile de ces pays, et continuer à valoriser surtout sa jeunesse qui reste une importante manne économique en devenir et pourtant une des plus grandes perdantes du printemps arabe ?
La 7e édition de la Semaine Economique de la Méditerranée
Et puisque la culture c’est à la fois le patrimoine d’une civilisation et le socle sur lequel on s’appuie pour construire l’avenir. Puisque la culture c’est une fenêtre ouverte sur le monde, sur les autres ou pour les autres. Puisque la culture c’est l’histoire et l’avenir du Monde, et bien la SEM (semaine économique de la Méditerranée) a choisi ce thème comme référence de sa 7ème édition.
Ce rendez-vous,qui réunit chaque année, des entreprises, institutions et représentants de la société civile des deux rives de la Méditerranée à Marseille, a permis de débattre pendant quatre jours, des grands enjeux économiques dans les pays de la Méditerranée et du Monde arabe.Et a tenté de proposer de nouveaux axes de coopération entre les deux rives, pour faire face aux aléas géo économiques et politiques de la mondialisation.
Au programme de cette 7ème édition, un menu à la fois riche et varié autour de sessions plénières dédiées à la culture comme outil d’inclusion à l’économie des territoires, des ateliers thématiques organisés autour d’experts sur des axes liés à la culture, des lieux/espaces de networking pour favoriser la mise en réseau de ces acteurs de provenances diverses et le MENA Economic Forum.
Le MENA Economic Forum
Le MENA Economic Forum est le premier événement économique consacré aux affaires méditerranéennes. Cet événement aura assemblé plus de 400 décideurs, chefs d’entreprises et grands dirigeants, désireux de partager leurs expériences et de développer de nouveaux partenariats. À un moment où le monde arabe connaît de profondes mutations et où l’Europe traverse une crise sans précédent, le MENA Economic Forum offre aux décideurs, chefs d’entreprises et institutionnels, un moment de réflexion indispensable pour relever les défis des transitions et de la croissance.
l’Émir de Sharjah
La troisième édition du Mena Economic Forum, fut donc organisée les 7 et 8 novembre 2013 à Marseille par Cap MENA et Kedge Business School dans le cadre de la Semaine Économique de la Méditerranée et a réuni une dizaine de ministres ou d’anciens ministres des deux rives de la Méditerranée, une commissaire européenne, l’Émir de Sharjah et plusieurs centaines d’acteurs économiques et politiques méditerranéens et de la région du Golfe.
Alors que les pays arabes comme l’Europe connaissent des crises importantes, le Mena Economic Forum, a tenté de proposer des solutions pour relever les défis de la croissance. Tous les intervenants ont plaidé pour une intégration méditerranéenne intégrant le Moyen-Orient.
Michel Vauzelle
Pour Michel Vauzelle, président du conseil régional Provence Alpes Côte d’Azur, « l’Europe du Nord doit se repositionner et avoir un rapport de coopération égalitaire sans paternalisme avec les voisins du Sud « … Il faut inventer un forum permanent des jeunes de la Méditerranée s’appuyant sur Internet et les réseaux sociaux, une plateforme méditerranéenne qui rende nos pays visibles et lisibles. La France doit faire de Marseille le symbole de l’ouverture de notre pays vers la Méditerranée. »
Jacques Pfister
Le président de la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence, Jacques Pfister, estime quant à lui que« la culture constitue un levier de développement économique. Nous le constatons avec la réussite de Marseille Capitale Européenne de la Culture 2013, qui replace notre ville au cœur de la Méditerranée. »
Le Maroc, selon Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie du royaume chérifien,voit en la Méditerranée un espace et un partenaire incontournable « l’avenir du Maroc se joue en Méditerranée. Mon pays promeut une relation triangulaire Afrique, Moyen-Orient, Europe seule capable de relever les défis de la désindustrialisation. »
« Nous devons déghettoïser la Méditerranée, permettre plus de mobilité. L’histoire et la géographie lient tous les pays méditerranéens pour le meilleur ou pour le pire » ajoute l’ancien ministre algérien, Cherif Rhamani.
La solution ne peut venir des politiques englués dans des rivalités qui paralysent la Méditerranée depuis des décennies. Pour Hamid Jafar, président de Cresent Group, la solution réside dans « l’éducation et sa coopération avec l’industrie. L’émirat du Sharjah attire plus de 30 000 étudiants de 90 pays dans ses universités. 90% des jeunes trouvent un travail dès la fin de leurs études, car les diplômes sont ciblés sur les besoins réels de l’industrie.»
L’entrepreneuriat féminin euromed
L’entrepreneuriat féminin a aussi eu sa propre journée de rencontre, durant le Paicem Day.
les lauréates du PAICEM 2013: Tunisie, Maroc et Algérie
Des femmes issues du Monde universitaire et de la recherche scientifique, du Monde corporate et de la finance ont ainsi pu deviser de l’avancée de l’entrepreneuriat au féminin dans la région.
En France, « cinq millions d’entreprises composent le territoire et 30% des femmes sont auto entrepreneuses », souligne Frédérique Clavel, présidente de l’Agence pour la Création d’Entreprises (APCE). Pour améliorer cette situation, le gouvernement français adoptait fin 2012 un plan de promotion de l’entrepreneuriat féminin, auquel s’est associée la Caisse des Dépôts.
Les objectifs sont clairs : la « création d’entreprises à 40% par des femmes d’ici à 2017″rappelleÉlisabeth Viola, directrice interrégionale Méditerranée du groupe.
Mais les défis au féminin sont encore là, les femmes créent moins d’entreprises et de plus petites entreprises. Pour faire face à cette lacune, il est impératif aujourd’hui de faciliter l’accès au financement des femmes et pour se faire, de mettre en place des politiques locales incitatives «Renforcer la création d’entreprises au féminin permettrait une économie plus responsable, plus pérenne et plus ancrée sur le territoire », explique Michèle Tregan, conseillère régionale sur l’emploi en PACA.
Pourquoi également ne pas envisager un renforcement, de l’aide du gouvernement et de la Banque centrale européenne pour mettre en place plus de projets au niveau local ?
Après la signature de la Charte pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes par l’Institut deRecherche pour le Développement (IRD) et la région PACA, ces deux derniers ont fait un point sur l’état d’avancement de l’entrepreneuriat féminin durant la Semaine Économique de la Méditerranée (SEM). Durant ce Paicem Day, l’APCE, la Caisse des Dépôts, le CREDIF et l’association Femmes et Sciences, se sont concertés.
Entrepreunariat féminin de la rive sud de la Medittérannée : Maroc, Tunisie
Au Maroc, l’entrepreneuriat féminin est en cours d’évolution souligne la Présidente Fondatrice de l’AFEM Salwa Karki Belekziz, mais la crise économique n’a pas épargné le textile et l’agroalimentaire, secteurs particulièrement féminisés, dégradant le taux d’activité des femmes, de 27,9% en 2003 à 27,7 % en 2012. Néanmoins, le Maroc reste le pays le plus épargné par rapport aux profonds aléas de l’après printemps arabe qui ont frappé de plein fouet l’économie et les femmes dans des pays traditionnellement ouverts et modernes ( Tunisie, Egypte etc) . A savoir que pour l’instant mêmes les mouvances conservatrices au Maroc, ne semblent pas être trop réfractaires à l’emploi des femmes.
Le Centre de Recherches, d’Études, de Documentation et d’Information sur la Femme (CREDIF) en Tunisie, précise quant à lui que les principaux secteurs d’activités des porteuses de projets et entrepreneuses tunisiennes sont l’artisanat, le commerce et les services. Souvent bloquées par « les lenteurs administratives, le manque de ressources personnelles et la cherté des loyers », ces femmes se concentrent en milieu urbain. Pour autant les tunisiennes sont toujours mobilisées et malgré l’instabilité politique et la profonde crise économique et sociale qui traverse le pays ; le tissu associatif et entrepreneurial au féminin bouge avec plus de difficultés certes, mais les tunisiennes restent résilientes et créatives et des initiatives comme le réseau Entreprendre, incarné par la présence de Zeineb Farhat femme chef d’Entreprise ( durant le Paicem Day) à démontré que tout est encore en cours pour la tunisienne.
S’agissant de l’Algérie, le contexte est aussi différent, même si l’on connaît une certaine forme de dynamisme entrepreneurial et d’embellie, à cela prés que beaucoup d’entre elles sont souvent confrontées aux lenteurs bureaucratiques et à la problématique de l’économie « informelle » qui peut constituer une entrave, aux femmes entrepreneuses désireuses de « percer » à titre « officiel » !
Moralité que retenir de tout cela ?
C’est que ça bouge, que les femmes sont résilientes, créatives, qu’elles innovent dans le Sud avec de beaux projets, qu’elles sont de véritables porteuses de projets et qu’elles n’ont rien à envier à leurs « sœurs « du Sud.
Et des initiatives comme Fédération Pionnières en France, ont aussi inspiré les marocaines qui ont retransposé ce concept dans leur pays, notamment par le biais de l’AFEM.
Et voici justement, un bel exemple du transfert d’expérience et de compétence NORD SUD, qui peut justement encourager, par le biais entre autre du mentoring, à faire naître de nouvelles vocations pour les femmes de chez nous.
Lancement de la plateforme régionale de la jeunesse
La plateforme régionale Jeunesse, lancée à l’occasion de la 7e Semaine économique de la Méditerranée, vise à soutenir « les jeunes et le développement de la région arabe » et comprendre le rôle de la jeunesse dans cette zone.
Ce dispositif mis en place grâce à la collaboration technique de Microsoft, de la Ligue des États arabes, du Centre de Marseille pour l’intégration (CMI) et de la Banque mondiale, pourrait contribuer à enrayer le chômage des jeunes qui sévit sur la région. Cent millions de jeunes entre 15 et 29 ans peuplent la région arabe, soit 30% de la population totale. Selon le rapport annuel de 2012 de la Femise, le taux de chômagedes pays du Printemps arabe touche environ 11,4% de la population active. Seulement 50% des 20 à 24 ans sont en activité.
Cette plateforme appuiera, selon les initiateurs du projet, la participation des jeunes dans plusieurs secteurs (économique, politique et autres) autour de cinq thèmes : la gestion des conflits, l’environnement, la santé, entrepreneuriat et l’aide à l’emploi des jeunes. Ils agiront sur les politiques publiques et effectueront des activités de réseautage auprès d’ONG.
Composée d’un bureau exécutif et de membres permanents et inscrite sous la forme juridique d’ONG, la plateforme indépendante se compose pour le moment de soixante-dix jeunes issus de treize pays de MENA (notamment en Jordanie, au Maroc, en Égypte, en Libye, en Tunisie et en Syrie). D’ici trois mois, le projet devrait réunir les vingt-deux pays de la région.
La plateforme électronique, à la recherche de financement et de partenariats avec des organisationsinternationales, devrait être lancée d’ici deux mois.
La Culture, les Femmes, les Jeunes : trois priorités, trois axes de développement, trois mondes fragiles, trois thèmes d’avenir. L’histoire nous dira si Marseille a été le théâtre de l’acte fondateur d’une nouvelle vision du monde. UFFP ne peut que le souhaiter !