De nos envoyées spéciales à Gorée : Fériel Berraies Guigny. Photos Diane Cazelles
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Gabriel Kemzo Malou l’Art sans tabou
Nous sommes allées à la rencontre d’un grand artiste solitaire sur Gorée. Un robinson Crusoé d’un nouveau genre qui a choisi de vivre loin de tout, en bas de l’île dans un ancien bunker où du temps de la colonie se trouvait un canon qui stoppait tout intrus désireux de se rendre dans l’Ile forteresse. Arriver jusqu’à lui était une véritable expédition, terrain étroit et escarpé, vue plongeante sur l’océan. Expédition qui pourrait en décourager plus d’un. Mais la rencontre avec l’artiste atypique, Gabriel Kemzo Malou valait le détour. Il a choisi de vivre loin de la foule des humains, près de la nature sauvage, entouré d’objets artistiques hétéroclites, vestiges de ses parcours créatifs. Entouré de sa petite famille, et de ses petits garçons qui m’ont reçue à coup de bâton, « il faut bien qu’enfance se passe » l’interview a été vite écourtée pour coups et bastonnades !
Dans ce vieux bunker qui fut l’atelier de Moustapha Dimé. Délaissé par le grand sculpteur, parti depuis des années, disparu à l’apogée de sa reconnaissance artistique, il y a près de 10 ans, l’endroit est occupé aujourd’hui par son élève Gabriel Kemzo Malou. Sculpteur, cet artiste récupère des matériaux bruts qu’il transforme et assemble entre eux, osant une réflexion sur les signes, les symboles des religions. Engagé, entier, inclassable comme son Art atypique et grandiose, avec une langue bien peu dans sa poche. Gabriel nous a parlé de sa vision de la Culture et du Monde.
Quel moment mémorable, chers UFFPiens, que cet après midi goréenne à redessiner le Monde sous la lucarne de la culture. Apprivoiser l’artiste Kemzo Malou, deviser, une petite heure sur sa vision de la création, et son projet du moment en rapport avec les signes des religions. Un vrai régal !!
Récit de l’entretien
Gabriel Kemzo Malou
En étudiant les signes et les symboles des trois religions dites révélées Gabriel Kemzo Malo a constaté qu’ils étaient aussi vieux et existaient bien avant ces religions. C’est le départ de son nouveau projet artistique, « de quel droit nous nous approprions un symbole religieux pour ensuite l’interdire à l’autre » ? se questionne l’artiste.
Le signe et le symbole appartiennent à l’homme
Tout est être humain a le droit d’utiliser un de ces signes ou symbole religieux explique-t-il, car cela fait partie du patrimoine universel. Au risque de heurter certains conservateurs religieux, l’artiste sénégalais défend sa vision artistique « je ne travaille pas sur une religion mais sur le signe et les symboles ; tout être humain a le droit de les utiliser » il y a des individus qui ne comprennent pas bien sur, tout dépend de l’angle par lequel on appréhende le signe. L’angle de Gabriel consiste à montrer à l’autre, que le symbole appartient à tout le Monde.
Gabriel travaille avec des matériaux de prédilection mais refuse d’être assimilé à la mouvance du recup’ art : avec le fer, des clés, des cadenas pris dans un engrenage pour mieux se questionner aussi par rapport à la problématique du savoir « ou comment le savoir peut devenir une prison » nous explique -t-il.
Des objets qui transmettent l’histoire
Au quotidien, Gabriel se positionne dans la préoccupation de l’instant « ces objets qu’on dit récupérés, c’est dans la normalité qu’ils se positionnent, je donne à l’objet son vécu et pour moi c’est un objet témoin, il raconte quelque chose « quand il vient à toi, c’est simplement parce qu’il veut transmettre à travers nous un message » que ce soit un tronc d’arbre qu‘il taille, ou un instrument moderne qu’il aurait entre ses bras, la finalité est la même : il faut donner vie à une histoire.
Tout objet a une histoire, et s’adresse à l’humain, c’est en tout cas la vision de Gabriel Kemzo Malou.
Le nouveau projet artistique de l’artiste sénégalais s’intitule « la série des dialogues » et il devrait s’exposer en décembre 2013 à la Galerie Nationale de Dakar.
La dernière exposition de Gabriel en France, fut au jardin des Tuileries avec deux à trois pièces magistrales. En Afrique du Nord, Gabriel avait également participé en Egypte à un symposium international sur la question de la mobilité en Afrique et sur la nécessité de soutenir en Afrique des espaces de création, afin que les artistes puissent changer la donne.
La culture ? C’est la paix !
Pour Gabriel Kemzo Malou « on ne peut faire abstraction de la culture car le reste est de la connerie humaine » rétorque l’artiste sénégalais. Il ne faut par perdre l’essentiel « au nom de quoi peut-on interdire la culture, que ce soit en Afrique du Nord avec les fatwas sur les artistes trop libre penseurs ou ailleurs », et en analysant les choses, ces mouvances sont aussi révélatrices d’un hermétisme à l’autre qui dépasse les frontières géographiques » même dans les pays dits de paix, la culture peut parfois se heurter à beaucoup de barrages. Rien ne m’autorise à empêcher l’autre de s’exprimer « quand je travaille par exemple avec des croix et des croissants je sais que je vais déranger mais je ne me place pas dans l’optique de déranger. »