La cosmétique végane est une tendance forte en Allemagne, pays qui est le marché européen n°1 de la cosmétique naturelle et bio, loin devant la France. Dans l’Hexagone, certains consommateurs se disent également de plus en plus intéressés par les produits végans, même si le nombre de végétariens (et encore plus de végans stricts) est bien plus faible chez nous qu’Outre-Rhin. Que faut-il en penser ?
UFFP a eu la chance de recevoir les précieux conseils et l’éclairage de Heinz Jürgen Weiland, Directeur R & D du groupe Logocos.
Heinz Jürgen Weiland, en charge depuis de longues années de la Recherche & Développement au sein du groupe Logocos (marques Logona et SANTE Naturkosmetik en France), une des entreprises leader de la cosmétique naturelle et bio en Allemagne et en Europe.
M. Weiland, dites-nous d’abord quelques mots sur vous.
Je suis à la tête du service Recherche & Développement du groupe Logocos depuis 25 ans environ. Mais mon expérience est encore plus ancienne : je fus auparavant en charge de la fabrication d’extraits végétaux que nous faisons en interne, tout en suivant encore en parallèle mes études. Celles-ci ont porté sur la technologie alimentaire, avec une spécialisation sur la cosmétique et les produits d’hygiène (« Technologie der Kosmetika und Waschmittel », pour les germanophones). Une fois mes études terminées, j’ai donc pris la direction de ce service R&D, ai monté le service Qualité, etc. Après avoir été membre de la direction de plusieurs des marques du groupe (Fitne, SANTE), je suis devenu en 2008 un des directeurs du groupe Logocos.
J’ai été membre du comité directeur des associations BDIH et NaTrue, qui sont à l’origine des certifications du même nom. Je suis toujours membre du comité directeur du BNN (« Bundesverband Naturkost Naturwaren », association fédérale allemande des fabricants de produits naturels), du FKI (« Forschungsgemeinschaft für die kosmetische Industrie », association des chercheurs de l’industrie cosmétique). Et je suis aussi membre de différents groupes de travail au sein de l’IKW (« Industrieverband Körperpflege- und Waschmittel », association allemande des fabricants de cosmétiques, produits de toilette, de parfumerie et de détergence).
Quelle différence y a-t-il entre végétariens, végétaliens et végans ?
Les « végans » sont plus stricts que les végétariens. Les végétariens ne consomment en effet pas de viande comme on le sait, les végétaliens renonçant en plus à la consommation de poissons, d’œufs ou de produits laitiers. Les végans veulent quant à eux vivre dans un environnement sans le moindre produit provenant des animaux de façon générale, car ils refusent leur exploitation. Les végans ne consomment donc non seulement pas de viande, produits laitiers, œufs, poissons, etc. mais ils n’utilisent pas non plus de chaussures ou de vêtements en cuir, de laine, de cire d’abeille, etc. Ils n’emploient absolument rien qui puisse venir des animaux, que ces derniers aient été vivants ou morts.
Dans quelle mesure la cosmétique naturelle est-elle concernée ?
Ces végétariens et végans voulant donc vivre dans un environnement sans ingrédients animaux, cela inclut bien entendu les produits cosmétiques, dès lors qu’ils en utilisent. Dans la pratique, on trouve en fait relativement peu d’ingrédients animaux en cosmétique naturelle certifiée. Mais il y en a quand même quelques-uns, comme la cire d’abeille, la lanoline (provenant de la laine des moutons), qui ne viennent pas d’animaux morts. Les 3 seuls ingrédients d’animaux morts qui peuvent être éventuellement utilisés sont le rouge cochenille alias carmin, le shellac qui est aussi la sécrétion d’un puceron, ou encore le chitosan, qui provient de la carapace de crustacés. Mais comme ce sont des animaux invertébrés, ils ne sont pas interdits par les cahiers des charges du BDIH ou de NaTrue. C’est pour cela que la cosmétique naturelle ne répond pas intégralement aux critères des végétariens ou végans.
Il existe ainsi des certifications qui confirment la « véganité » des produits selon des cahiers des charges extérieurs aux entreprises, de la même façon qu’on peut se faire certifier BDIH ou NaTrue, avec des logos correspondant à ces certifications, qui sont en général ceux d’associations véganes. Mais on peut aussi, lorsqu’on se fait certifier cosmétique naturelle/bio, faire confirmer par le certificateur qui intervient alors que les ingrédients sont en plus végans, et afficher dans ce sas un logo ou une mention « végan » propre à l’entreprise. C’est ce que nous faisons en ce qui nous concerne.
Y a-t-il des limites, sur le plan technique, si on veut effectivement renoncer totalement aux ingrédients d’origine animale ?
Par exemple, ce qui est remplaçable dans 95 % des cas, c’est la cire d’abeille, que l’on a longtemps employée volontiers car elle procure une sensation très agréable sur la peau, parce qu’elle est facile à travailler, ne pose pas problème d’approvisionnement, etc. On peut la remplacer par une cire végétale ou par des associations de différentes cires végétales. Chez nous, nous sommes en passe de la remplacer totalement, car nous sommes attentifs à cette demande végane. Pour la lanoline, il existe maintenant aussi des substances de remplacement, qui ne sont pas à 100 % vraiment équivalentes, mais qui conviennent néanmoins. Par contre, il existe quelques ingrédients qu’il est plus délicat de remplacer pour obtenir un résultat absolument équivalent : c’est le cas du rouge cochenille, celui qui donne « le » rouge des rouges à lèvres, et qu’il est difficile d’obtenir avec des colorants purement minéraux. Et ce rouge-là, certaines consommatrices ne veulent pas y renoncer.
Si je ne suis pas végétarien ou végan, la cosmétique certifiée végane peut-elle néanmoins présenter un intérêt pour moi ?
Sur le fond, si je ne suis effectivement ni végétarien ni végan, je n’ai pas impérativement besoin de cosmétique végane. En soi, elle ne m’apportera rien. Le seul point, c’est que cela représente éventuellement une garantie supplémentaire, si je souhaite spécifiquement dans mes cosmétiques une absence totale d’ingrédients provenant d’animaux. En gros « qui peut le plus, peut le moins », car un produit végan va sur ce point encore plus loin que la cosmétique naturelle certifiée.
Il faut par ailleurs souligner, sur le plan de la qualité cosmétique des produits, que le fait qu’un produit soit végan ne lui enlève rien : ce n’est pas un nouveau « sans…. quelque chose » qui ferait que ce produit devient moins efficace ou moins agréable à utiliser.
Quelle proportion de produits végans avez-vous au sein de vos marques Logona et SANTE Naturkosmetik ?
Chez SANTE, nous en sommes à environ 95 %, et chez Logona à environ 90 %, car il reste encore quelques formulations un peu plus anciennes qui contiennent par exemple de la cire d’abeille. La tendance végane devant a priori durer encore longtemps, voire se renforcer, nous en tenons donc largement compte dans l’évolution de nos produits, ou lors de la création de nouveaux bien sûr.
Une dernière chose à ajouter ?
Oui, et des plus importantes. J’ai dit tout à l’heure que sur ce point, à savoir l’utilisation des ingrédients provenant d’animaux, la cosmétique certifiée végane va plus loin que la cosmétique certifiée naturelle et bio. Mais le problème est que « certifié végan » ne signifie pas « sans ingrédients de synthèse, issus de la pétrochimie ». Donc beaucoup de produits végans ne sont pas d’origine naturelle ! Aux personnes qui veulent utiliser des cosmétiques vraiment végans, je dirai alors de se tourner vers la cosmétique certifiée végane et en plus naturelle/bio. Non seulement pour des questions de principe de précaution concernant la santé mais aussi pour des questions d’environnement. Un seul exemple à ce propos : les tensio-actifs d’origine synthétique polluent l’environnement où ils sont rejetés au final, et sont ainsi toxiques pour la faune aquatique ! La cosmétique certifiée naturelle et végane en même temps est donc la seule qui est vraiment en phase avec leurs exigences.
Les produits du groupe Logocos sont distribués en France
par Bleu Vert http://www.bleu-vert.fr