Après avoir vécu un cancer du sein et être passée par la case mastectomie et autres traitements afférents à la maladie,beaucoup de femmes sont confrontées au changement de leur schéma corporel.
Un nouveau corps, suite à une intervention invasive n’est pas toujours facile à assumer, surtout lorsque le miroir révèle que l’on est plus la même. Passée cette étape, les femmes se posent beaucoup de questions quant à leur féminité et leurs références de beauté. Elles se posent beaucoup de question sur leur devenir et leur intégration dans une société pas toujours receptive. D’autant que suite à la maladie et les traitements, leur corps a changé mais aussi leur vision de la vie et des rapports avec les autres.
Après avoir combattu la maladie et suivi les traitements afférents à l’accompagnement thérapeutique du cancer, parfois l’estime et la confiance prennent un coup et il est avisé toujours de bien refléchir avant de passer une autre fois à la case bistouri.
Si beaucoup de femmes décident d’accepter le changement et l’assument dans leur quotidien, d’autres femmes ont quant à elles plus de difficultés. Mais si le cheminement est e compliqué, des spécialistes sont heureusement là pour les conseiller. UFFP s’est entretenue avec l’un d’entre eux, le Dr Farés Belhassen Chirurgien plasticien travaillant au service de Sénologie de l’Institut Curie à Paris et Saint Cloud. Ce dernier a gentiment accepté de répondre à nos questions et nous apporte son éclairage sur le sujet.
Entretien avec UFFP :
Quelles patientes accompagnez vous ?
Les consultations à l’Institut Curie me permettent de voir des cas de figure extrêmement différents. En fait, étant donné que j’ai aussi bien une étiquette de chirurgien cancérologue et de chirurgien reconstructeur, il m’arrive assez fréquemment de voir des patientes qui consultent pour une mastectomie avec une reconstruction immédiate. Il est vrai que cette catégorie où ce profil de patiente est un peu plus délicat à gérer, car elles viennent souvent d’apprendre qu’elles ont un cancer et n’ont encore rien digéré.
Quelle approche justement par rapport à ces patientes?
L’écoute est capitale, l’information aussi d’autant que j’utilise beaucoup d’images pour bien expliquer les différentes techniques opératoires, les cicatrices les suites. J’essaye aussi de jauger la psychologie de la patiente et je lui propose une psychothérapie de soutien en cas de nécessité. Le profil des patientes qui s’adresse à moi pour une reconstruction secondaire que ce soit par prothèse mammaire ou par lambeau (une technique plus ou moins facile en fonction du type de lambeaux choisi) est effectivement plus facile à gérer. Nous avons là affaire à des patientes qui ont pu faire le deuil de leur sein réséqué au préalable et qui sont suffisamment prêtes pour pour faire face à une reconstruction mammaire secondaire.
Quand jugez vous opportun de ne pas faire de reconstruction?
Votre question est judicieuse mais je répondrai plutôt à la question suivante : quand évitons nous d’intervenir ?
Effectivement en tant que chirurgien plasticien et esthétique je pars du principe qu’il faut intervenir chirurgicalement pour embellir une personne si cette personne le demande et si cela est réalisable. Il faut tout faire pour y parvenir. En revanche il y a des situations où il est évident que la reconstruction doit être reléguée au second plan notamment si une radiothérapie est prévue en post-opératoire puisque il est connu que la radiothérapie altère les tissus considérablement. Il est par conséquent nécessaire d’attendre au moins un an après une radiothérapie pour réaliser une reconstruction. De même les patientes qui sont à un stade avancé de cancer et sous chimiothérapie sont de mauvaises candidates à une reconstruction.
Parlez nous de la team à l’Institut Marie Curie ?
L’avantage de l’Institut Curie est que l’on y bénéficie d’une grande équipe pour les soins de support. Nous avons des kinésithérapeutes, des spécialistes de la douleur, des ergothérapeutes, des sophrologues, des psychothérapeutes des acupuncteurs. Il existe également la maison des patients où les patientes ont l’occasion de se retrouver entre elles. Tout ceci crée une atmosphère favorable au rétablissement le plus rapide et dans les meilleures conditions possibles. Cela fait partie intégrante du traitement. Je veille à ce que la réinsertion sociale et professionnelle de la patiente se fasse dans les meilleures conditions possibles.
La reconstruction mais avant cela, traiter le cancer ?
Je propose quand c’est possible une reconstruction immédiate à la demande de la patiente puisque l’intérêt de la reconstruction immédiate et d’éviter une intervention en plus et d’éviter également la période difficile avec laquelle on se retrouve sans son sein natif. Cependant si un traitement adjuvant est prévu ( radiothérapie chimiothérapie) j’évite de reconstruire immédiatement et privilégie le traitement du cancer à proprement parlé.
Je jauge l’état psychologique de la patiente durant la consultation. Si je ne suis pas sûr de son degré de préparation psychologique, je fais appelle à la collaboration de notre onco psychiatre.
Comment « préparez vous vos patientes » aux interventions?
Je prépare toujours les patientes en leur expliquant que la reconstruction mammaire n’est pas une seule intervention mais un processus qui nécessite au moins une année de traitement. Il faut en général trois temps opératoires qui se font essentiellement sous anesthésie générale. Ces interventions sont espacées de 4 à 6 mois en moyenne.
En France la reconstruction mammaire est prise en charge par la sécurité sociale et cela est une grande preuve d’avancée sociale. En revanche 50 % des patientes ne veulent pas de chirurgie reconstructrice, ce que je respecte parfaitement.
Parlez nous de chirurgie esthétique, c’est aussi votre rayon ?
En qualité de chirurgie esthétique avec une certaine expertise dans la chirurgie du sein, il m’arrive très souvent d’avoir des demandes concernant des prothèses mammaires esthétiques, des intervention pour hypertrophie mammaire ou cure de ptôse mammaire. J’ai également beaucoup de demandes pour des abdominoplasties, lifting de la face, blépharoplastie , plastie des bras des cuisses, lipoaspiration, chirurgie des paupières…
Vos interventions de prédilection?
J’ai la chance de collaborer avec des dermatologues et des ORL pour lesquels je suis amené à faire de la reconstruction faciale, chirurgie que j’affectionne particulièrement. Je refuse évidemment les patientes pour lesquelles j’estime qu’ un acte chirurgical serait préjudiciable ( terrain délétère, patiente ayant des pathologies graves, souhait irréalisable) N’oublions jamais la devise « primum non nocere ».
La règle d’or est de ne jamais presser une patiente pour une reconstruction ou même pour une chirurgie esthétique. Je n’opère que si la patiente a été extrêmement bien informée et qu’elle a absolument compris tous les avantages et inconvénients de l’intervention, la technique opératoire et les suites postopératoires. Pour la chirurgie esthétique elles doivent signer un consentement éclairé , ceci est médico légal. Je n’hésite pas à revoir la patiente autant de fois qu’elle le souhaite avant l’intervention.
Du plus simple plus compliqué nous avons les : lipofilling, les reconstructions par prothèse, les reconstructions par lambeau de grand dorsal et par lambeau libre (abdominal face interne de cuisse, fesse).
Ce qui est intéressant pour moi à l’Institut Curie, c’est que j’interviens dans toutes les étapes de la reconstruction en commençant par l’ablation du cancer et en finissant par la reconstruction de l’aréole et du mamelon qui signe généralement la dernière étape de la reconstruction.
Merci Dr Fares Belhassen !
Pour contacter le Chirurgien :
Institut Curie Saint Cloud (consultation lundi et mardi)
Mail : drbelhassen@hotmail.com
Tel 01 47 11 16 71