Le Niger a fêté la 15e édition du FIMA. Une belle date, qui vient couronner 15 ans d’efforts dans une région qui n’a pas toujours connu la prospérité et ou la stabilité. Et pourtant Alphadi, quelque soit ses détracteurs et le climat géopolitique ambiant, est toujours là. Plus entêté que jamais, plus volontaire que jamais, malgré un climat morose, instable et délétère dans la région. Les enlèvements, les attentats, les assassinats des ressortissants européens dans les pays limitrophes auraient pu avoir raison de cette belle manifestation, mais c’est sans compter sur l’opiniâtreté et la persévérance d’un nigérien amoureux de la création africaine plurielle. Un designer qui a aussi sa propre interprétation des textes coraniques et de la place que devrait avoir la femme musulmane dans la région.
Entretien exclusif d’Alphadi par Fériel Berraies Guigny. Présidente de UFFP
UFFP est partenaire média de cette 15 e édition, bien qu’en absence, résolument engagée à soutenir tous ceux qui œuvrent inlassablement pour la paix en Afrique, mais notre rêve est aussi de pouvoir fouler le Sahel, sans police ni militaires pour nous protéger, de pouvoir repartir avec un sac à dos vers l’habitant, explorer les confins d’un pays magnifique.
C’est ce Niger d’Alphadi et notre Niger que nous aimons, c’est aussi ce rêve de Mali que nous aimons, pouvoir aller comme il y a quelques années, sans avoir la peur au ventre, pour faire le plus beau métier du monde : ce journalisme de proximité qui ne pourra plus exister malheureusement dans un avenir proche (enfin dans les conditions que nous avions cité) si les gouvernances continuent à ne pas être à l’écoute des peuples qui souffrent.
Alors et parce que notre amour pour le Niger et le Sahel ne changera jamais, nous avons tenu à rendre hommage au FIMA et à sa fondateur.
Entretien avec Alphadi
Parlez nous de cette édition du FIMA ? On fête 15 ans du festival et c’est une manière pour nous de fêter une créativité africaine dédiée à la paix. Tout cela pour donner une chance à l’Afrique car sans paix il n’y a rien : pas de progrès, pas de sécurité, pas de stabilité !
Le Niger est passé par beaucoup de difficultés auparavant? Oui je suis issu d’un pays où tout est difficile, la vie au quotidien, puis les problématiques du Fleuve Niger, mais pour autant, il y a une réelle volonté de changement pour faire avancer les choses. Et nous nous battons pour stabiliser le paix et installer durablement la paix.
La conjoncture géopolitique de certains pays du Sud, n’est pas très favorable ? Oui absolument, en Afrique et dans le Monde arabe, il y a eu de profonds bouleversements, je pense à la zone sahel mais aussi à l’Afrique du Nord, la Tunisie et l’Egypte, mais également la Syrie. Tous ces peuples issus de ces pays souffrent, ils n’ont pas de visibilité sur l’avenir. Donc nous devons faire attention, car nous sommes issus de ces pays où la paix n’est jamais une garantie finie et il nous faut rester vigilant.
Cette édition a une grande signification pour vous ? Oui elle est sous le sceau du Mali, on vient de fêter l’avènement du nouveau Président de la République de ce pays.
Le dernier FIMA avait connu quelques tensions, on avait brûlé votre atelier ? Oui le NIGER est un pays où il y a toujours eu une certaine forme de tension, cependant il y a aussi des personnes de mauvaise volonté qui ne veulent pas voir la créativité africaine s’épanouir.
En fait la difficulté pour certaines mouvances c’est de dire que la mode est un facteur de développement ? Oui beaucoup considèrent que la mode n’a pas sa place dans un pays islamiste. Mais la faute vient du fait que l’on considère la femme comme un objet sexuel alors qu’il s’agit avant tout de la respecter ! Pourquoi l’homme ne serait pas un objet sexuel pour autant, s’il y a l’homme, il y a donc aussi une femme aussi.
L’Homme est sexuel en fin de compte aussi ?! Oui l’homme aussi attire, il est beau également, il faut être juste avec les deux. Nous sommes avant tout des êtres humains.
Le respect de l’Islam, c’est comprendre avant tout que c’est une religion ouverte ? Oui l’Islam est tolérance, l’Islam est l’ouverture et aussi sensualité. C’est une religion pure, il faut arrêter de la dénaturer, il faut accepter qu’elle est une foi sensible à la beauté, aux belles images, aux belles femmes, aux belles odeurs. Mon Islam à moi en tout cas, c’est un Islam qui donne du travail, qui donne à manger, qui aide les plus pauvres, qui amène le bonheur dans le cœur des gens.
Et pour autant, je crois en dieu et je continuerai à respecter la femme.
La Femme pour vous, de tout temps vous l’avez valorisée ? Oui la femme doit être libre, indépendante, quand son mari meurt elle a encore le droit d’exister, de travailler, de s’occuper de ses enfants. Il n’y a rien de tabou dans tout cela. Je suis croyant et j’aime ma religion, mais il faut évoluer avec son temps.
Il faut donner la chance à l’ouverture ? Oui il faut respecter la liberté d’expression de tout un chacun et il faut montrer qu’avec l’ouverture aux autres tout est possible pour évoluer et faire évoluer son pays. Il faut donner la chance à nos populations de vivre leur religion, tout en étant moderne.
Tes défis ? Ils sont avant tout budgétaires, nos amis européens nous ont lâchés depuis quelques années, s’il s’agissait de Dakar ou d’un autre pays, la réponse ne serait pas la même. A croire que les esprits se sont rétrécis au fur et à mesure des années ; on assiste à de grands discours quand il s’agit de la paix au Niger par les gouvernances occidentales, mais quand il s’agit de financer un event culturel, il n’y a plus personne. C’est dramatique et risible quand on considère que 95 % de l’Uranium français vient du Niger !
Même les éléments français qui travaillent avec vous sont frileux ? oui ils ont peur d’aller au NIGER, mais on va leur faire quoi ? N’importe qui à Paris peut se faire agresser, la même chose en plein New York !
Cela peut arriver n’importe où pour vous, pourtant le Quai d’Orsay a mis Niamey en orange et le Nord en rouge ? Le NIGER n’est pas un pays qui devrait être dans le rouge ! la France des intérêts pour moi elle n’est plus française, c’est cette autre France que j’aime, celle qui est ouverte au Monde et aux cultures. Si aujourd’hui, le Niger est dangereux c’est bien à cause de la France qui a attaqué la Libye, en tuant Kadhafi, on a récolté tous les maux et les pays limitrophes aussi d’Afrique du Nord et du Sahel.
Il faut donner une Chance au Monde de vivre et de cohabiter entre les différentes cultures et religions ? Oui car sinon tout est question d’intérêt économique et positionnement politique dans la région, moi avec le FIMA je veux m’éloigner de toutes ces considérations. Ma plus grande bataille, c’est de trouver des financiers pour la filière mode de chez nous. L’intérêt est de créer des emplois, de dynamiser le secteur de la mode et d’ainsi, tenter d’éradiquer la pauvreté. Je veux donner la chance à la femme et à la jeunesse black d’exister.
Montrer le savoir faire black ? Oui je veux amener les gens à miser sur l’Afrique, à investir sur les créateurs, je veux plus de mannequins noirs sur les podiums. Il faut amener la réelle reconnaissance de la dimension africaine.
En conclusion amener le mieux vivre ensemble comme pour UFFP UNITED FASHION FOR PEACE ? Oui entre le Nord et le Sud et tous les peuples frères et cousins, nous sommes tous apparentés d’une façon ou d’une autre à un européen. Je voudrais que nos enfants gagnent en universalité, que les ponts entre les peuples soient solides, qu’importe les tentions actuelles entre le Nord et le Sud.
Merci Alphadi !