Elle est artiste, auteur, poète mais elle est avant tout femme. UFFP est allée à sa rencontre pour parler de son livre témoignage. » Secrets de femmes » où La parole libérée sur un sujet tabou mais endémique dans nos sociétés.
Nathalie Cougny artiste et auteur
La violence et la maltraitance à l’encontre des femmes. Un livre qui a donné l’occasion
d’ une discussion à « cœur ouvert » pour tenter de comprendre le parcours de quatre femmes mais également, pour tenter de faire face et trouver les moyens de casser la spirale infernale. Car sortir du silence est un long chemin de croix, mais la rédemption et la renaissance ne saurait se faire sans cela.
Par Fériel Berraies Guigny
« Secrets de femmes » est un réquisitoire pour que cesse la violence sur les femmes mais un message d’espoir pour alerter sur les dangers d’une violence passée et subie toujours sous silence par les femmes plurielles.
UFFP dans la mouvance Woman empowerment si chère à son coeur, ne pouvait pas passer à côté d’un tel sujet, chers UFFPiens. Car quand on touche à une femme quelque soit son origine géographique, on touche à l’humanité toute entière !
Entretien avec l’auteur:
Pourquoi ce livre ?
Ce livre a connu plusieurs directions avant de parvenir à « Secrets de femmes ». Deux ans de recherches et d’écriture ont été nécessaires pour arriver à un ouvrage relativement complet et accessible.Il retrace aussi l’histoire du droit des femmes, apporte de nombreux éléments liés aux violences et part d’une histoire personnelle, comme c’est souvent le cas.
Il s’appuie surtout sur un constat affligeant, celui d’une violence en constante augmentation envers les femmes. Son but premier n’est pas un règlement de comptes, bien au contraire, il se veut porteur d’espoir pour toutes les femmes.
L’objectif est une prise de conscience pour tous, de ce que représente la violence d’aujourd’hui, sous toutes ses formes : physiques, psychologiques, sexuelles, économiques, en France et dans une partie de la planète.
Il montre également que nous sommes acteurs d’une société qui façonne des êtres irresponsables (les agresseurs) et muets (les victimes) devant la violence et toutes les inégalités qui découlent du patriarcat : autorité du père. Il met en avant les femmes, mais pose la question du rôle de l’homme dans la société, cet homme est-il à même de juger les femmes et de les condamner ?
Comment ces quatre femmes sont venues à vous?
Je suis allée les chercher avec mon ressenti, ma sensibilité, au fil des discussions et de leurs confidences sur un réseau social, nous étions « amies ».
Je crois que c’est essentiel de parler, de raconter, pour comprendre ; c’est pourquoi j’ai choisi de baser ce livre sur 4 témoignages authentiques et différents : les conséquences d’une homosexualité cachée, la violence conjugale avec viols, le harcèlement moral et la violence liée aux coutumes.
Il ne s’agit pas, dans ce livre et à travers ces témoignages, d’incriminer les hommes, mais de comprendre pourquoi en arrive-t-on là, et quelle est la place de l’amour dans ce rapport déguisé ?
Se mettre à nu n’a t-il pas comporté des risques ?
Ces quatre femmes restent anonymes, puisque j’ai changé les prénoms pour des raisons évidentes vis-à-vis de leur entourage, famille, enfants.
Tout ce que nous faisons est risqué, la vie n’est-elle pas un grand risque à elle toute seule ?
Quelle part de danger aborde-t-on dans la rencontre avec l’autre ? Le sait-on vraiment … dans notre quête permanente d’amour qui menace notre existence ?
Alors oser parler pour la liberté me semble primordial. Les femmes ont eu envie de parler, de crier leurs souffrances, elles doivent être entendues ! Ces quatre femmes s’en sont sorties, au péril de leur vie, elles ont choisi la vie et la liberté. Une liberté se paie parfois au prix fort dans des conditions extrêmes, en quittant tout d’une minute à l’autre, en partant avec ses enfants, sans travail, et toutes les conséquences qui en découlent … Aujourd’hui ces femmes sont libres et se disent sereines.
Aujourd’hui pourriez-vous nous donner quelques statistiques, pourquoi cela reste endémique ?
Les statistiques sont souvent remises en cause et aléatoires, pourtant elles sont indispensables pour établir des constats. J’ai envie de citer quelques chiffres clés :
– Une femme sur cinq dans le monde sera victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie,
– Les femmes représentent 70% des pauvres dans le monde,
– Les Nations Unies estiment que les « féminicides » conduisent à provoquer le manque de 200 millions de filles sur la planète.
– 156 femmes tuées en France sous les coups de son conjoint sur une année et 27 hommes (sur ces 27 hommes, la moitié d’entre eux exerçaient des violences sur leur conjointe),
– 1 viol toutes les 8 minutes en France en 2011,
– De 40 % à 50 % des femmes de l′Union européenne ont fait état d′une forme ou
d′une autre de harcèlement sexuel sur le lieu de travail,
– 20 à 30% d’écart de salaire entre les hommes et les femmes.
Malgré les efforts des gouvernements et l’avancement des lois, je crois qu’il y a encore un gouffre entre la volonté et la réalité.
Les professionnels de la santé, de l’ordre public, doivent être davantage formés, l’école doit informer, l’éducation doit évoluer. Et surtout, les victimes doivent parler le plus tôt possible.
Que voudriez-vous dire aux femmes qui souffrent ? Quelles sont les alternatives? Etat des lieux, après ce livre, quel impact?
Nous savons très bien qu’il existe des mécanismes chez les agresseurs qui instrumentalisent leur victime après les avoir isolées de tout. Les victimes sont « choisies », il n’y a pas de fatalité.
Les bourreaux ont eux-mêmes bien souvent été victimes et anesthésient leurs propres souffrances par la violence qu’ils exercent. Les victimes, qui croient pouvoir les aider, n’y parviendront pas.
Plus elles feront tout pour éviter les crises et plus il y en aura. Il faut qu’elles comprennent cela, elles ne sont qu’un objet pour apaiser une histoire.
Elles doivent réagir dès les premiers faits, car malheureusement la violence, conjugale notamment, il en va de même pour le harcèlement moral, va toujours en empirant. Les agresseurs sont de plus en plus violents et les victimes de plus en plus terrorisées, ce qui à moyen-long terme les empêche définitivement de parler.
Après ce livre, j’espère une prise de conscience et un électro choc pour tous, avec mon approche, qui est et restera toujours une approche d’amour. Il faut sortir de la honte, sortir du silence, sortir de la peur, de la culpabilité.
Votre parcours d’artiste, comment faites-vous le lien avec les sujets de société?
Quel sens donner au mot artiste ? Est artiste celui qui n’a peur de rien (sourire) et qui nous montre l’envers du décor, tout l’à-côté du monde, soit par son esthétisme, soit par sa provocation, consciente ou pas et librement.
De fait, il est en prise directe avec la société et dénonce aussi ses méfaits, montre ses travers et des réalités. Que ce soit par la peinture, l’écriture ou toute autre forme d’art, l’artiste a un rôle social, celui de bousculer l’ordre établi et d’ouvrir les esprits. Il est souvent engagé, travaille dans le silence pour faire parler, dans un acte pur et affranchi de tout regard.
Votre regard sur le statut des femmes aujourd’hui face à la crise, la précarité ?
Les femmes sont les premières touchées par la crise car ce sont elles qui subissent les inégalités. Pour des raisons évidentes, elles occupent les emplois précaires, à temps partiel ; le taux de chômage des femmes étant supérieur en 2010 à celui des hommes.
Les inégalités salariales s’élèvent aujourd’hui entre 20 et 30 % et près de 80% des travailleurs pauvres sont des femmes. Elles sont souvent licenciées en premier et embauchées en dernier, face à un homme, tout simplement parce qu’elles sont des femmes.
À l’école, les filles surclassent les garçons dans bien des domaines, malgré tout, plus le niveau de diplôme augmente, moins les femmes sont représentées.
Je crois qu’il est temps que les femmes, qui ont toutes les compétences pour accéder à des postes que détiennent principalement des hommes, que ce soit en politique, dans les entreprises ou institutions, soient réellement aidées dans leur quotidien, et que les stéréotypes tombent.
Une femme chef d’entreprise n’est pas pour autant une « tueuse » ou une prétentieuse, mais peut-être faut-il revenir à l’éducation des enfants ! Il ne faut pas non plus que les femmes se sous-estiment du fait qu’elles soient enfermées dans des clichés ; autant un homme ne doit pas pleurer, autant une femme doit être gentille.
Les jeunes filles (15-18 ans) d’aujourd’hui sont moins de 5 % à s’imaginer femmes au foyer. 82 % d’entre elles aspirent à des professions où l’indépendance d’esprit est importante : artiste, chef d’entreprise ou profession libérale.
Pourquoi les femmes sont toujours les cibles des sociétés?
Parce qu’elles sont enfermées, depuis des millénaires, dans une représentation de genre, celui de la fragilité, de l’incapacité, de l’ignorance, du diabolisme. Parce que pendant trop longtemps une femme n’était rien, une tentatrice, à la merci de l’homme et de son bon vouloir. Les femmes seront interdites d’apprendre, de participer, de décider, etc… et seront reléguées au rang de reproductrices ; principal combat des féministes pour que les femmes disposent librement de leur corps. Dès le départ les hommes ont imposé leur domination et cette domination s’accompagne d’une régression progressive du rôle et de la place des femmes dans la société. Bien sur cela évolue, mais pas aussi vite qu’on le croit et malgré les lois, décrets, droits acquis, la femme doit sans cesse s’imposer, se justifier et prouver davantage face aux hommes. Cette inégalité sexiste doit cesser et les femmes doivent être regardées dans leur entité à part entière, au même titre qu’un homme.
Votre regard sur ce qui se passe dans le Sud pour les femmes, sahel et printemps arabe, un message pour les femmes de UFFP
Les pays musulmans ont signé en mars 2013 à l’ONU un texte dénonçant les violences faites aux femmes et définissant un code de conduite pour les combattre.
La déclaration demande aux Etats « de condamner avec force toutes formes de violence contre les femmes et les filles et de s’abstenir d’invoquer toute coutume, tradition ou considération religieuse pour se soustraire à leur obligation de mettre fin à cette violence. »
Je crois que c’est un pas important pour les femmes et aussi pour les hommes.
Nous sommes tous issus d’une histoire, d’une culture, d’une éducation, mais cela ne doit pas porter atteinte à la liberté de droit, de vie. Même si les femmes sont principalement touchées par la violence et les inégalités, ces principes s’adressent autant aux hommes qu’aux femmes. Personne ne doit considérer l’autre comme l’objet de ses souffrances, de ses fantasmes, de ses manques.
Evidemment je souhaite la reconnaissance et l’amour pour toutes les femmes du monde.
synopsis :
Quatre femmes racontent l’enfer de leur couple dans un livre témoignage émouvant et poignant, « Secrets de femmes ! » raconte l’histoire vraie de quatre femmes victimes, chacune à leur manière, de la violence au sein du couple. Sortie le 15 mai 2013 aux Editions Ovadia/Au Pays Rêvé.
Artiste multi facettes et multi talents, Nathalie Cougny est également peintre autodidacte, cotée à Drouot Cotation des Artiste.
Née en 1967, elle vit actuellement en région parisienne avec ses quatre enfants.
En 1998, elle change d’orientation professionnelle pour se consacrer au bénévolat dans le monde artistique. Elle dirige dès lors une école d’Art et organise de nombreuses expositions d’artistes, notamment pour des projets philanthropiques.
De front avec son activité de Peintre et suite à des changements importants dans sa vie personnelle en 2010, elle écrit un « one woman show » sur les rencontres, des histoires pour jeunes adolescents et des ouvrages, poésies et proses, où elle exprime librement une vision féminine de l’amour et du sexe sans tabou, qui entraine les femmes et les hommes à de nouvelles complicités.
Amour de profils – Poésie libre et sensuelle lettres d’amour, 178 pages, chez Mon Petit Editeur, avril 2011.
(ta) Plénitude – Carnet amoureux, 40 pages, sous forme de souscription. Janvier 2012.
Enlace-moi ! Réflexions au détour de l’amour, 182 pages, chez Mon Petit Editeur, mars 2012.
Entre eux deux ! Poésie libre et sensuelle, 80 pages, chez Mon Petit Editeur, décembre 2012.
Merçi au nom de toutes les femmes…. Mille baisers pascale…..
Une femme d’une grande exception, qui aborde un sujet qui dérange encore beaucoup. Nous sommes au XXI ème siècle il est inconcevable que des femmes subissent encore des violences…Merci Nathalie pour vos mots sur leurs maux…
Une femme rare !!! Et un livre qui ose dénoncer cette violence encore trop tabou, dans l’espoir d’une prise de conscience des conséquences, merci à Nathalie d’avoir avec brio et talent su aborder le sujet avec recul et sans jugement.
Super géniale cette femme!!!