Chaque année dans le monde des dizaines de milliers d’enfants subissent des abus sexuels. Chaque année, on en parle, les médias en font leurs « choux gras » des débats sans fin entre politiques et associations enflamment l’audimat, des dispositifs sont mis en place dans le but d’enrayer ce fléau. Pourtant, rien ne change, le phénomène s’aggrave au contraire.
Si la pédophilie et l’inceste furent quasi-absents de la conscience populaire il y a 30 ans à peine, une poignée d’affaires sordides, largement médiatisées, ont enfin projeté le sujet sur la place publique. Une douzaine d’années se sont écoulées depuis la célèbre affaire Dutroux. Tous les regards ont toujours été tournés vers l’Europe et non en Afrique et ou dans le Monde arabe. Pourtant le phénomène existe mais on n’en parle pas ou très peu, on évoque timidement le tourisme dit « sexuel » du Tiers-Monde. Entretenant l’idée que cela passe en Occident, Continent de la « dépravation » et que c’est avant tout une exportation de là bas.
Blanche Ongnemessom une ancienne victime a choisi de combattre le fléau. Avec son Association, elle tente de sensibiliser, de venir en aide à ceux qui ont longtemps tu leur souffrance.
Blanche Ognemessom témoignage : Cameroun
Un lourd secret
A l’âge de 9 à 13 ans Blanche a été victime d’abus sexuel par un voisin proche qui était comme un parent pour elle. Ensuite vers 13 et 14 ans par un cousin.
Sa vie en fut bouleversée depuis lors mais elle a pourtant choisi de vivre très longtemps dans le silence et le déni « je
n’étais plus la même » quand Blanche décide de se confier à sa nourrice cette dernière lui répondra « Etais tu consentante si non pourquoi n’as tu pas crié » ? Garder le silence est un traumatisme puisque personne ne peut connaître ce que la victime vit. Ce silence sera presque considéré comme un aveu de culpabilité, ce qui est un second traumatisme en soi.
Briser le silence oui : mais il y a un prix
Quand on décide de parler d’un sujet aussi tabou que la pédophilie en Afrique, il faut s’attendre à un rejet total de la famille, surtout si l’abuseur est un membre de la famille. Les traces psychologiques de ce coming out sont indélébiles. Et c’est pour cela qu’il faut faire une prise en charge psychologique qui est une étape importante vers la guérison. Et au Cameroun c’est encore un autre obstacle à surmonter « lorsqu’on parle de psy parce, c’est pas anodin, car ça n’ est pas encore entré dans nos mœurs » nous confie Blanche.
Au Cameroun la pédophilie reste encore un sujet tabou et beaucoup de gens ne savent même pas ce qu’on appelle pédophilie « Je rencontre des gens qui me disent je ne me sens pas l’aise lorsqu’on parle de pédophilie moi je dis c’est à tort parce que c’est un fait de société et ça devrait être une affaire de tous. Ça ne concerne pas une catégorie de personne mais cela concerne tout le monde » !
« Je sais qu’il ya encore beaucoup de travail à faire avant que les gens comprennent les conséquences des actes de pédophilie sur les enfants »….
Victime devenue « suspecte » Blanche va se refermer sur elle-même très longtemps mais c’est sa rencontre avec Latifa Bennari qui va lui donner le courage d’affronter ses démons. Un courage qui lui vaudra de créer sa propre Association « la Colombe « au Cameroun. Partie de rien mais avec force et convictions, Blanche Ognemessom se bat pour défendre les droits des enfants victimes d’abus sexuels. Son association qui a été reconnue au Cameroun depuis 2006.
se consacre au enfants. Elle a par ailleurs lancé sur le plan National une vaste campagne de sensibilisation dans les villes telles que: Douala, Yaoundé, Buea, Dschang et Ebolowa en organisant des conférences débat et concerts live avec le parrain de l’évènement qui est l’artiste musicien Henri Dikongue.
Maltraitance sexuelle infantile au Cameroun : chiffres
La maltraitance des enfants est un phénomène mondial. En ce qui concerne les abus sexuels, des études menées par la Cameroon Society for Prevention of Child Abuse and Neglect (CASPCAN) ont révélé une prévalence entre 2,5% et 4,55% en milieu hospitalier (Mbassa Menick ; Ngoh Ferdinand, 1998), 9,05 en milieu judiciaire et un taux de près de 16% en milieu scolaire (D. Mbassa Menick , 2002). La dernière étude multicentrique prospective menée au Cameroun sur les mineures exploitées sexuellement à des fins commerciales (D. Mbassa Menick ; Dassa KS ; Kenmogne JB ; Abanda Ngon G, 2009) a révélé un taux de 40% de victimes, sur une population de 291 filles.
Dans le même registre, une étude visant à illustrer les conséquences des abus sexuels sur la santé des enfants conduite au Cameroun par les (Dr Mbassa Menick ; Ngoh Ferdinand, 2003) a rapporté un taux de 37.5% d’enfants séropositifs suite au viol après pénétration sur une population de 71 mineures de 16 ans.
Le rapport annuel 2003 du Centre d’Écoute pour Enfants et Adolescents (CEPEA) de Yaoundé a fait ressortir une prévalence de 51,94% d’abus sexuels sur une population de 77 enfants reçus pour maltraitance de toutes sortes. Et en 2008 dans la ville de Douala 9% des cas d’abus sexuels ont étés dénoncés et de janvier à juin 2009 6%.
En 2004 une étude a montré que 40% des enfants étaient exploités sexuellement à des fins commerciales.
Les projets à moyen et long terme
Blanche Ognemesson et l’Association la Colombe, prévoient de pouvoir construire un jour, un centre d’écoute pour les enfants et leur famille. A cette fin, des bandes dessinées et des films sur le fléau pourraient permettre de sensibiliser
la société civile par rapport à ce fléau. Cela se fera selon une politique des étapes. Si l’on parvient à construire ce Centre, serait déjà un énorme pas de fait mais les enfants victimes. Mais la construction d’un centre d’accueil pour les enfants avec dortoirs, infirmerie, centre de formation, école etc reste primordial, implique des fonds.
L’Association a aujourd’hui besoin d’un grand soutien financier et est à la recherche d’éventuels partenaires pour réaliser ces projets.