« J’avais l’habitude de peindre et de dessiner mais je ne peux pas autant que je voudrais. Il faut que je me concentre sur mon travail. Je ne veux pas de choses médiocres, donc je me concentre. Je vais toujours vers des choses nouvelles. C’est ma façon de rester impliquée. Il faut que ca reste frais. »
Rencontre avec Ingrid Baars, à l’ occasion de la sortie de son nouveau catalogue la semaine prochaine. Portrait d’une artiste à découvrir ou à continuer de suivre en attendant sa prochaine exposition en novembre.
By Supa Djiles
Virgin
L’Art de la ligne
#TRIBAL# #ESTHETIQUES# #ART# #PHOTOMONTAGE# #ARTISTE# #AFRIQUE#, ce sont quelques un des hastag que l’on pourrait sans doute appliquer à Ingrid Baars. Son travail, vous le connaissez sans doute vous l’avez vu. Ses images ont fait le tour du monde et elle s’est particulièrement fait connaitre avec son exposition « L’Afrique c’est chic ». Des photos magnifiques, un travail d’assemblage exceptionnel qui restructure les corps et qui offre une vision moderne de l’art premier du « tribal Art ». Pourtant ce serait réducteur de la cantonner dans cet univers. C’est une artiste extrêmement moderne qui se caractérise par des lignes graphiques très nettes et qui arrive a créer des émotions avec des images très froides. C’est le mélange étonnant entre des icones sur papier glacé et une émotion affiché qui caractérise son style. Ingriids Baars a de la chance, elle choisit ses modèles, parfois dans la rue prends les photos comme base de travail et ensuite crée à partir de logiciels de montage de façon très précise. « L’art, c’est la façon humaine de disposer la matière sensible ou intelligible dans un dessein esthétique disait James Joyce ». C’est ce que fait précisément cet artiste. Elle dispose, elle coupe, découpe, ajoute, étire. Son travail de restructuration très fin appelle l’œil qui prend un temps de retard à trouver ses marques. A appréhender des lignes trop droites, des corps trop long et pourtant si beaux. Issue du milieu de la publicité corporate qui lui a permis de contrôler cette esthétique, c’est une artiste à part entière, déjà reconnue et qui progresse linéairement dans son mode d’expression. Elle développe également de plus en plus une maitrise de la couleur avec des rouges et des bleus très précis et profond.
Nubia by Ingrid Baars
L’amazone du photomontage
Une griffe visuelle. A voir ses tableaux on imagine une amazone déjanté façon NYC Afrostyleswag, une amazone newyorkaise hyperhype. Amazone Ingrid Baars l’est surement, mais à l’intérieur. A l’extérieur, c’est une femme hollandaise très posée et souriante, un style néovictorien élégant avec mitaines aux mains. Ingrid Baars, je ne sais pourquoi, me fait penser à Karen Blixen peut-être dans son côté fort. Un mot qui revient souvent dans sa bouche. « J’ai besoin de transmettre des émotions mais toujours a travers des femmes fortes » dit-elle. Son aventure est intérieure. Elle écoute Bach et Trentemøller de la musique Danoise électronique. Un choix qui se ressent dans sa peinture par son aspect maitrisé. C’est une symphonie de notes visuelles très fine qui mérite plusieurs passages du regard. Une composition complexe. Coté peinture, une inspiration variée qui vient de la nature, de Leonardo Di Vinci, Rogier van der Weyden* ou encore Hans Memling, de la renaissance avec Botticelli, Cranach et ses icones mais aussi Picasso, Schiele des peintres de la déstructuration.
«J’ai besoin de changer des portraits. En tant qu’artiste, je ne veux pas m’enfermer dans des chemins. J’ai la chance d’avoir une équipe qui me permet d’aller sur les chemins où je veux aller. Je n’ai pas d’approche commerciale et je me concentre sur mon travail d’artiste. Il m’est important d’être honnête dans mon approche et je suis fières que des gens considèrent mon travail comme unique ».
L’émotion maîtrisée
Il suffit de voir le travail de grands photographes comme Horst* par exemple sur des tirages argentiques pour voir comment la maîtrise des techniques peut mettre en valeur une photo. En ce sens, Ingrid Baars est une artiste professionnelle et sans doute une des premières dans son métier. Ses œuvres transpirent des heures de travail et de précision. Elle à la chance d’avoir choisi un champ d’expression intéressant car l’art premier produit des œuvres géométriques. Le croisement entre l’émotion maitrisé de son travail et des lignes courbes produit un ensemble très fort visuellement et d’une esthétique imparable. Elle réussit à unir publicité et art tribal dans une vision épurée. Ses lignes sont à la Trémois*, fluides, coupantes. Son travail sur la couleur dans les bleus et les rouges montrent un vrai sens des nuances et de la profondeur. Son travail est parfait. Trop sans doute. Ingrid Baars a sans doute plus de potentiel que l’hyperléché sur papier glacé. Elle explore de nouvelles pistes vers le mouvement, vers les formats (dyptiques) pour sans doute donner une nouvelle dimension à son approche artistique mais le meilleur reste sans doute à venir.
Mademoiselle Baars est bien entourée, Une équipe avec Boris Schipper (Schipper/Arques) un styliste Hollandais, la galeriste Sandra Delvaux Agbessi et bien d’autres. Ensemble, ils annoncent le nouveau catalogue : « Ingrid Baars, l’Afrique » avec des textes de Barbara Vanderlinden. Le catalogue sera lancé en même temps qu’une nouvelle exposition a Paris du 6 au 23 novembre à l’occasion du mois de la photographie à Paris et dans le cadre du Festival de la photo de Saint Germain des prés.
« Mais surtout, je prépare mon « African Tour » qui démarrera à la Biennale de Dakar le 9 mai suivi par un voyage dans les principales villes d’Afrique de l’Ouest. J’ai un lien avec l’Afrique et je suis toujours étonné des retours très forts que j’ai de la part des gens qui apprécient mon travail particulièrement auprès de la communauté Afro américaine et Africaine. Je suis impatiente mais également fébrile pour cette expérience ».
Ingrid Baars aime Egon Schiele. D’ailleurs elle dessine au crayon gras également ses esquisses géométriques sur son carnet de dessin. Schiele est reconnaissable notamment à son trait très gras justement et aux attitudes de ses personnages, par la force aussi de ses dessins également, à l’opposé du plus sage Klimt*. C’est peut être le petit quelque chose qui manque encore à l’œuvre de Ingrid Baars. Un grain de personnalité qui transpire de manière plus forte sur son travail. En français on dit « avoir un grain » pour parler de la folie. Schiele justement allait observer des « fous » pour s’inspirer de ses tableaux. « Le beau est toujours bizarre » disait Charles Baudelaire. Les grands peintres ont souvent le mérite d’afficher une partie de leur âme. L’Afrique Subsaharienne, « l’Afrique noire » comme on dit ne laisse pas indifférent. On en revient souvent changé et l’âme peut être plus en surface. C’est tout ce que l’on peut souhaiter à Ingrid, de trouver là bas encore plus de force et d’émotion. Non pas qu’elle n’en ait pas, au contraire mais elle nous a donné envie d’en voir plus.
Références :
*Rogier van der Weyden (Tournai, vers 14001. – Bruxelles, 18 juin 1464), né Rog(i)er de la Pasture, est un peintre primitif flamand.
*Hans Memling est un peintre primitif flamand né à Seligenstadt en Allemagne vers 1435-1440 et mort à Bruges en 1494
*Horst P. Horst – 1906 -1999 est un photographe allemand
*Anders Trentemøller (16 octobre 1974) est un DJ/compositeur danois de musique électronique
*Pierre-Yves Trémois, né le 8 janvier 19211 à Paris, est un dessinateur, peintre, graveur et sculpteur français
*Egon Schiele est un peintre et un dessinateur autrichien né le 12 juin 1890 à Tulln an der Donau près de Vienne et mort le 31 octobre 1918 à Vienne.
*Gustav Klimt, né le 14 juillet 1862 à Baumgarten près de Vienne, mort le 6 février 1918 à Vienne, est un peintre symboliste autrichien, et l’un des membres les plus en vue du mouvement Art nouveau de Vienne.