Le roman historique est une passion? C’est aussi une écriture complexe?
Je publie aujourd’hui mon cinquième roman historique. Si l’on considère la somme de travail que cela représente, entre l’écriture et les nombreuses recherches, on ne peut le faire que porté(e) par la passion. C’est une écriture plus complexe, qui demande un investissement énorme. Tous les faits que je rapporte sont historiquement exacts, c’est pour moi une exigence absolue. Et je crée toujours des annexes dans lesquelles mes lecteurs peuvent avoir un complément d’information et vérifier mes sources. Cependant, il faut trouver un juste équilibre entre l’histoire que l’on met en scène et le romanesque. Il ne s’agit pas de faire un traité d’histoire mais, en quelque sorte, de « filmer » les personnages dans l’action… avec des mots !
Pourquoi avoir choisi d’écrire sur Mme de Pompadour ?
Parce que cette femme est admirable, elle fut une esthète et une mécène. Elle a compris le mouvement de son siècle et l’a accompagné. Par ailleurs, son histoire avec Louis XV qui démarre dans l’amour et se poursuit dans l’amitié est singulière et attachante. Mais comme dès que l’on cherche, on trouve, je me suis vite aperçue que je rencontrais un personnage terriblement romanesque, à mille lieues des images depapier glacé que l’on donnait d’elle. Ce n’est pas le hasard qui l’a placée sur le chemin du roi ; de même qu’elle n’a pas été non plus cette favorite autoritaire et affairiste que l’on a souvent décrite. La vérité, comme souvent, est ailleurs, et bien plus riche !
A cette époque, elle était déjà une féministe dans son genre et sans conteste, elle a régné prés de 20 ans dans la Cour du Roi et dans son cœur ?
Il est peut-être hasardeux de parler de « féministe », mais il est certain qu’elle a occupé les fonctions d’un ministre d’État et qu’elle avait l’oreille du roi qui lui faisait confiance. Elle ne siégeait bien sûr pas au Conseil, mais Louis XV écoutait son avis. On dirait aujourd’hui qu’elle était aussi sa « chargée de communication ». Il convient toutefois de souligner que beaucoup de femmes se sont illustrées dans les siècles passés sous l’ancien régime et que l’on a tendance à l’oublier car Michelet a réécrit l’histoire au XIXe avec un prisme très orienté. Catherinede Médicis, pour ne parler que d’elle avait une envergure politique incroyable. Balzac a dit d’elle qu’elle fut l’un de nos plus grands rois et c’est une réalité. Mais il fallait, avec la Révolution, jeter le discrédit sur le travail des monarques. Quant à celui des femmes, il était de bon ton dedire qu’elle n’avait jamais tenu le moindre rôle et que tout cela allait changer !
C’était une personnalité indéniable voire iconique, comment avait elle réussi à s’immiscer dans les plus grands secrets « de la cour » ?
Elle est devenue, au fil du temps, la meilleure amie du roi, parce qu’il a compris qu’elle lui était extrêmement attachée, et pas uniquement pour son statut, ce qui avait, et on peut le comprendre, une valeur inestimable à ses yeux. Elle était drôle, pleine de vie, face à une Louis XV en proie à de graves épisodes dépressifs. Elle parvenait à le distraire et le rassurer. Par ailleurs, elle a pris ses distances avec les frères Pâris, desaffairistes parisiens qui l’ont aidée dans son ascension, et n’avait aucune grande famille pour la soutenir, ce qui était très important pour le souverain qui refusait de se voir manipulé par les nobles de France. Elle était au cœur du dispositif de l’État, mais l’erreur à ne pas commettre serait de penser qu’elle dirigeait le royaume. Le règne de Louis XV est loin d’être négatif mais il lui a toutefois fallu gérer l’héritage politique du Roi-Soleil ! On connaît mieux aujourd’hui la personnalité du roi. Il n’était certainement pas le monarque passif qui se serait laissé gouverner par sa favorite !
Plus qu’une fresque romanesque, vous y dépeignez des intrigues, mais également des moments d’une époque révolue que vous avez réussi avec talent à réhabiliter. Il vous a fallut beaucoup de recherches dans les archives ?
Les recherches sont la base de mon travail lorsque j’écris, c’est valable pour mes romans historiques, comme pour les deux autres livres que j’ai publiés, l’un sur Pagnol, l’autre sur Gainsbourg. Sans doute écrirai-je un jour un « roman moderne », mais il est vrai qu’apprendre, fouiller, se documenter, découvrir, recouper, évaluer est un enrichissement et une stimulation incroyables. Ce désir, permanent chez moi, est sans doute motivé par ma formation universitaire. Je ne souhaite pas nécessairement réhabiliter une époque : mon ambition est de la faire revivre. Je décris les mœurs, les coutumes, l’art de la table, du vêtement, la façon de vivre. La forme romanesque me permet de donner vie àdes informations pratiques, à des faits historiques, en n’oubliant jamais que les gens qui ont fait l’histoire étaient des êtres de chair et desang, avec leurs fêlures, leurs rêves, leurs frustrations et… leur histoire personnelle. C’est passionnant !
Quand vous commencez un roman historique quel est votre modus operandi?
Il y a d’abord le choix du sujet. Certains personnages de l’histoire m’ont toujours attirée, souvent parce que comme Fouquet ou Mme dePompadour, ce furent des découvreurs de talents –voire de génies !–, qu’ils ont ensuite encouragés et pensionnés. Ces deux êtres ne sont pas issus de la haute noblesse et ont réussi à graviter dans l’entourage du monarque en imprimant leur marque sur le règne. Même si Fouquet a fini destitué et emprisonné, il a lancé le Grand Siècle ! Et l’on parle toujours, au XXIe, du « style Pompadour », synonyme de raffinement. Il y a aussi les personnages qui me fascinent par leur force et leur ténacité, comme Catherine de Médicis ou Anne d’Autriche, deux femmes que j’ai adoré mettre en scène parce qu’elle sont pour moi des modèles d’intelligence, de résilience et de résistance. Mon mode opératoire est simple : une dialectique permanente, un va-et-vient constant entre recherches et écriture. Je ne cesse de me documenter, tout en avançant dans mon roman, et parfois, une découverte en réoriente la trame dramatique. Écrire est une leçon d’humilité. Si l’on croit tout maîtriser, on se trompe. Bien souvent, on pense avoir crée un personnage, alors que c’est lui qui vous a pris par la main !